Concours de maîtrise d’oeuvre et offre non conforme : quid du versement de la prime ?

Par un arrêt du 10 février 2020 (CE, 10 février 2020, n°429228), le Conseil d’Etat a statué sur le versement des primes au candidat dont l’offre n’est pas conforme, dans le cadre d’une procédure de concours.

Un concours d’architecture et d’ingénierie sur esquisse a été organisé par le département des Bouches-du-Rhône, agissant par son mandataire la société Terra Treize, en vue de l’attribution du marché de maîtrise d’œuvre de la restructuration et de l’extension d’un collège de Marseille.

La société A et S, admise a concourir, a présenté une offre. Cette dernière a réclamé le paiement de la prime de concours. Néanmoins, le département avait décidé de ne pas la lui octroyer, conformément à la proposition du jury de concours, qui estimait que sa prestation ne répondait pas au programme.

La société a alors intenté une action devant le Tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa demande. Elle a fait appel devant la CAA Marseille, qui a également rejeté sa demande.

Le Conseil d’Etat devait ainsi se prononcer à son tour sur le fait de savoir si une offre non conforme prive automatiquement la société du versement de sa prime.

L’article 74 du Code des marchés publics, alors applicable au litige, traitait de l’attribution de la prime :

« Les candidats ayant remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d’une prime. »

L’article 5 du règlement du concours organisé par le département indique que :

« Le lauréat de concours ainsi que chaque concurrent non retenu ayant remis des prestations répondant au programme, recevra une prime d’un montant de 66 400 euros TTC (…) Dans le cas où une offre serait incomplète ou ne répondrait pas au programme, une réduction ou la suppression de la prime pourra être effectuée par le maître de l’ouvrage sur proposition du jury ».

Pour la Cour administrative d’appel, cela signifiait qu’un candidat ayant remis une offre ne correspondant pas au programme n’avait pas le droit de se voir octroyer une prime.

Le Conseil d’Etat ne valide pas ce raisonnement.

« En interprétant ces stipulations comme excluant qu’un candidat dont l’offre ne répondait pas au programme puisse percevoir une prime, alors qu’il résultait de leurs termes qu’en un tel cas, il appartient au maître de l’ouvrage, sur proposition du jury, de déterminer s’il convient de la verser, de la réduire ou de la supprimer, la Cour administrative d’appel de Marseille les a dénaturées ».

Selon le Conseil d’Etat, le pouvoir adjudicateur a la faculté de verser une prime même si l’offre n’est pas conforme !

Ainsi, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Aujourd’hui, les acheteurs devront se référer au Code de la commande publique lorsqu’ils organisent des concours en vue de l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre.

Le Code indique encore aujourd’hui à l’article R. 2162-20 que :

« Une prime est allouée aux participants qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours. »

Concernant plus particulièrement le montant de la prime, l’article R. 2172-4 dispose :

« Lorsque l’acheteur est soumis au livre IV et organise un concours, les opérateurs économiques qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d’une prime. Le montant de cette prime est égal au prix estimé des études à effectuer, affecté d’un abattement au plus égal à 20 %. L’acheteur précise dans les documents de la consultation les modalités selon lesquelles la prime peut être réduite ou supprimée. Il verse cette prime aux participants au concours sur proposition du jury. »

 

Article rédigé avec le concours de Laetitia Vittet