Le baluchonnage (congé de proche aidant ; relayage) entre en vigueur… en fanfare et en retard

Relayage, baluchonnage (terme initial, québecquois) et congé de proche aidant… autant de termes pour un seul et même régime, qui entre en vigueur ce jour, avec l’entrée en vigueur d’une loi et un décret au JO de ce matin.

En France, 8 à 11 millions de personnes soutiennent un proche en perte d’autonomie ou en situation de handicap. Lancée le 23 octobre 2019 et articulée entre la politique du grand âge et celle du handicap, la stratégie de mobilisation « Agir pour les aidants » (2020-2022) est destinée à répondre à leurs besoins quotidiens : besoin de reconnaissance, d’accompagnement, d’aide, de répit.

Le montant de cette allocation est fixé à 43,83 euros par jour pour les personnes vivant en couple et 52,08 euros par jour pour une personne seule. Elle sera versée par les caisses d’allocations familiales et les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA). Elle pourra être prise à la journée ou demie journée. 

Décortiquons tout cela. 

 

 

I. Un baluchonnage importé

 

L’idée inspirée du Québec permet au baluchonneur d’arriver dans la maison de l’aidant d’un malade gardé à domicile, qui pendant le temps de sa présence, peut partir se reposer physiquement et psychologiquement.

Citons le wiktionnaire (voir ici) :

« Baluchonnage – Créé par la gérontologue québécoise Marie Gendron à partir de baluchon avec le suffixe -age : le baluchonneur arrive « avec son baluchon » dans la maison de l’aidant, qui pendant le temps de sa présence, peut partir se reposer physiquement et psychologiquement. […] Système de soutien permettant de garder à domicile les malades, en particulier ceux atteints d’Alzheimer : un baluchonneur remplace l’aidant le temps que celui-ci se ressource. »

 

 

II. Un baluchonnage d’abord expérimenté (2018-2019), non sans critiques

Ce baluchonnage sera expérimenté dans le cadre de l’article 53 de la loi du 10 août 2018 (dite ESSOC, ou société de confiance ou « droit à l’erreur ») au titre du décret 2018-1325 du 28 décembre 2018, que voici :

Ce décret fixe donc les conditions dans lesquelles l’établissement ou le service employant ou plaçant le salarié volontaire participant à l’expérimentation s’assure de l’effectivité du repos compensateur lorsque celui- ci est accordé pendant l’intervention. Il fixe également en annexe le cahier des charges pour la mise en œuvre de l’expérimentation dans le cadre des prestations de suppléance à domicile du proche aidant et celui applicable dans le cadre des séjours de répit aidants-aidés.

 

Plus largement, sur cette loi, voir :

De nombreux professionnels ont plutôt tendance à déplorer que la version française du baluchonnage soit en deçà de ce qui est pratiqué au Québec (source https://www.directions.fr ; lettre aux abonnés en date du 24 janvier 2019).

Ce sont ainsi ces 9 fédérations qui ont uni leurs forces pour déplorer ce texte : APF France Handicap ; Autisme France ; FEPEM ; FEHAP ; Fédération Mandataires ; Nexem ; UNA ; UNAFAM ; UNIOPSS.

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Voir  :

 

Voici leur communiqué de presse commun qui résume leurs critiques (angle trop limité au droit du travail ; expérimentation par des structures déjà surchargées qui auront du mal à mettre cela en place ; non prise en compte des suggestions formulées lors de la phase de concertation…) :

 

Les aidants familiaux et proches aidants de personnes âgées ou en situation de handicap et intervenants professionnels, expriment depuis toujours une volonté forte de voir émerger des dispositifs de relayage, en complément des dispositifs de répit déjà existants. Dans ce contexte, le décret du 28 décembre dernier prévoit une expérimentation visant à offrir une suppléance à domicile ou un temps de répit à l’aidant, en autorisant notamment des conditions de travail particulières pour les intervenants.

Ces mesures vont dans le bon sens puisqu’elles doivent permettre de soutenir ceux qui œuvrent au quotidienpour accompagner un proche fragilisé par les aléas de la vie, en préservant l’intervention des services à domicile dans le cadre et dans les conditions de vie habituels des personnes, tout en offrant la possibilité àdes établissements justifiant d’une autorisation ou d’un agrément d’être également porteurs de ce dispositif.

Cependant, cette expérimentation aborde la question du relayage par l’angle d’aménagements aux règles du droit du travail, notamment en ce qui concerne le temps de travail et la durée du repos quotidien des salariés intervenants, sans définir suffisamment clairement les aspects liés à la sécurisation juridique du cadre de ces interventions et à la mise en œuvre pratique pour les structures d’un tel dispositif.

Alors qu’elle dispose de trois ans pour faire ses preuves, nous émettons des doutes sur la réussite de cette expérimentation par les structures, et particulièrement par les services à domicile qui rencontrent déjà des difficultés à répondre à l’ensemble des demandes d’accompagnement à domicile. Comment des aidants familiaux et proches aidants pourront accéder au dispositif de relayage sans un financement adéquat ? Comment garantir aux personnes une qualité de service sans aucune exigence en matière de formation des professionnels « relayeurs » ?

Nous sommes d’autant plus sceptiques que, le décret a été publié quasiment l’état initial, et ce malgré diverses propositions des associations représentants les personnes aidées, les salariés et les employeurs pour améliorer le texte (notamment par la définition plus précise du cadre de la prestation, l’instauration d’unguichet unique du relayage et le suivi médical renforcé des salariés), les consultations du CNOSS qui s’estabstenu, et une motion du CNCPH.

Alors que la consultation « Grand âge et autonomie » lancée par le Gouvernement met en évidence la nécessité d’accroitre le financement alloué à la prise en charge de la perte d’autonomie, prévoir une expérimentation d’actions de soutien aux proches aidants reposant quasi uniquement sur leurs ressources financières faute d’enveloppe budgétaire, risque de freiner le développement de cette solution de répit alternative.

De plus, dans un secteur frappé par une très forte sinistralité, il convient donc d’être extrêmement prudents sur « les impacts sur les salariés en terme de santé », qui devront être évalués par des indicateurs pertinents, afin d’éviter de faire porter cette expérimentation sur la résistance physique des intervenants.

Ce décret nous semble ainsi en deçà des attentes et des ambitions vis-à-vis d’un dispositif, pourtant très attendu par tous. Il ne garantit ni aux aidants, ni aux intervenants, ni aux personnes aidées des conditionsd’intervention suffisamment qualitatives et sécurisées.

 

Le décret n° 2019-372 du 26 avril 2019 fixant la liste des séjours de répit aidants-aidés autorisés à mener l’expérimentation prévue à l’article 53 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (NOR: SSAA1903413D) a été publié pour compléter ce dispositif.

Le voici :

L’expérimentation prévue à l’article 53 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance est autorisée à partir du 10 mai 2019 pour les établissements et services proposant des séjours de répit aidants-aidés dont la liste est annexée au présent décret.

La ministre des solidarités et de la santé, la ministre du travail et la secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées sont chargées, chacune en ce qui la concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

  • Annexe

    Sont autorisés à mettre en œuvre l’expérimentation prévue à l’article 53 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance les établissements et services proposant les séjours de répit aidants-aidés suivants :

    – L’établissement d’accueil temporaire pour enfants et adultes handicapés (N° FINESS IME 220018808, MAS 220018816, FAM 220018824) géré par l’association Athéol (N° FINESS 220018782) – Lamballe (22).
    – L’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Tamaris (N° FINESS 220007744) géré par la Mutualité Retraite Côtes d’Armor (N° FINESS 220014666) – Saint-Jacut-de-la-Mer (22).
    – Les EHPAD :
    – Les chênes verts (N° FINESS 240008565),
    – Les Trémolades (N° FINESS 240008763),
    – La Dryade (N° FINESS 240008391),
    – La retraite du Manoire (N° FINESS 240005124),
    – La Juvénie (N° FINESS 240002741)
    – Le petit Gardonne (N° FINESS 240008631)

    réunis par l’association gérontologique d’accompagnement pour les EHPAD de Dordogne – AGAPE24 (SIREN 821460573) – Dordogne (24).

    – Les EHPAD :
    – Saint Vincent Lannouchen (N° FINESS 290002757),
    – Le manoir de Keraudren (N° FINESS 290007699),

    gérés par la Fondation ILDYS (N° FINESS 290000546) – Landivisiau, Brest, Roscoff (29).

    – L’EHPAD Le Mont des Landes (N° FINESS 330804469) géré par la SAS Le Mont des Landes (N° FINESS 750051906) – Saint-Savin (33).
    – L’EHPAD institut Hélio Marin (N° FINESS 400787446) géré par l’association AGES HELIO (N° FINESS 400780458) – Labenne (40).
    – L’EHPAD Anne de Melun (N° FINESS 490004215) géré par l’association d’entraide Anne de Melun (N° FINESS 490543279) – Bauge-en-Anjou (49).
    – Le centre de jour pour personnes âgées (N° FINESS 610006744) géré par l’association UNA Bocage Ornais (N° FINESS 610006124) – Flers (61).
    – Les établissements et services gérés par l’APF France Handicap (N° FINESS 750719239) – Pas-de-Calais (62) suivants :
    – Le service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) APF France Handicap professionnel de Liévin (N° FINESS 620019414),
    – Le SESSAD de Saint-Omer (N° FINESS 620016709),
    – Le SESSAD de Saint-Pol-sur-Ternoise (N° FINESS 620016659),
    – Le SESSAD de Béthune (N° FINESS 620032136),
    – Le SESSAD professionnel de Liévain (N° FINESS 620032144),
    – Le Foyer d’accueil médicalisé (FAM) résidence Espace à Noeux-les-Mines (N° FINESS 620115469),
    – L’accueil de jour Le Triolet de Liévain (N° FINESS 620118588),
    – Le service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) de Liévain (N° FINESS 620032060),
    – Le service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) de Liévain (N° FINESS 620016998),
    – L’Instituts d’éducation motrice (IEM) Paul Dupas de Liévain (N° FINESS 620101253)
    – L’IEM Sévigné de Béthune (N° FINESS 620101139),
    – La maison d’accueil spécialisée (MAS) de Oignies (N° FINESS 620020248) gérés par l’APF France handicap (N° FINESS 750719239) – Pas-de-Calais (62).
    – Le SAMSAH (N° FINESS 830012019) géré par l’association LADAPT (N° FINESS 93 0019484) – Toulon (83).
    – Le centre de jour pour personnes âgées (N° FINESS 870016342) géré par l’association Soins et Santé (N° FINESS 870000981) – Limoges (87).

     

 

III. Un baluchonnage qui devient le congé de proche aidant (loi de 2019)

 

Puis a été publiée la loi n° 2019-485 du 22 mai 2019 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (NOR: SSAX1830131L.

A noter (hors questions financières) :

 

IV. Une entrée en vigueur…  avec un décret au J0 de ce jour. Annoncé en fanfare mais tout de même un peu en retard par rapport au calendrier législatif

 

La loi du 22 mai 2019 devait entrer en vigueur au bout de six mois.

Donc c’est en fanfare, mais avec retard, qu’est annoncé le décret fixant les modalités notamment financières de ce régime, publié au JO de ce matin.

 

 

IV.A. Les informations ministérielles

 

Voici un extrait du communiqué ministériel, qui donne quelques informations utiles (numéro d’appel, etc.) :

 

«1. Le congé proche » aidant, une mesure forte en soutien de l’accompagnement des aidants

Mesure phare de cette stratégie, le congé proche aidant vient répondre aux besoins exprimés par les aidants d’être soutenu financièrement quand ceux-ci font le choix de s’engager aux côtés de leur proche.
Dès le 1er octobre, tous les aidants auront la possibilité de prendre des congés rémunérés. Les salariés du secteur privé, les indépendants, les fonctionnaires ainsi que les demandeurs d’emplois inscrits pourront en bénéficier.

L’aidant de la personne qui présente un handicap ou une perte d’autonomie d’une gravité particulière (dépendance, maladie chronique ou de longue durée), peut-être, à titre d’exemple, la personne avec laquelle la personne en perte d’autonomie vit en couple, son ascendant, son descendant, le parent de l’enfant dont il assume la charge (au sens des prestations familiales), une personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente. L’aidant intervient ainsi à titre non professionnel pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.

Reprenant les recommandations formulées dans le cadre de la concertation sur le grand âge et le handicap, la Stratégie de mobilisation et de soutien des aidants du Gouvernement a souhaité faire de ce droit un droit réel, en indemnisant ce congé proche aidant, dans un souci de juste reconnaissance du rôle majeur des aidants dans la prévention de la perte d’autonomie et l’exercice de solidarités concrètes.

Le congé de proche aidant est fixé à une durée maximale, soit par convention ou accord de branche ou, à défaut, par convention ou accord collectif d’entreprise, soit en l’absence de dispositions conventionnelles à 3 mois. Toutefois, le congé peut être renouvelé, jusqu’à un an sur l’ensemble de la carrière du salarié.

Le montant de cette allocation est fixé à 43,83 euros par jour pour les personnes vivant en couple et 52,08 euros par jour pour une personne seule. Elle sera versée par les caisses d’allocations familiales et les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA).

Sur demande de l’aidant, à travers une télé-procédure simple, un accès au compte des jours indemnisés restant à prendre sera possible.

Pour Brigitte Bourguignon, « Nous sommes fiers de pouvoir annoncer la création d’un nouveau droit. Ce droit matérialise un soutien de l’Etat aux 8 à 11 millions d’invisibles qui sont les acteurs de première ligne de la solidarité. Ceux qui, au quotidien, ont fait le choix s’occuper de leur mère âgée, de leur conjoint ou de leur enfant en situation de handicap. Pour qu’ils n’aient plus à choisir entre leur santé et leur engagement, ce répit de plusieurs mois leur permettra de se consacrer à leur proche sans sacrifier leur vie professionnelle et sociale. Toutefois, il n’est qu’un des moyens de soutenir ces aidants qui ont besoin aussi d’informations claires, d’accompagnement, de répit. C’est tout l’objet de la réponse globale que je veux consolider au sein du projet de loi autonomie que je porterai avec le Gouvernement dans les prochains mois. »

Selon Sophie Cluzel, « Aider un proche, c’est faire de lui une priorité, quitte à s’oublier parfois. Quand l’aide devient une charge pour l’aidant, elle peut avoir des retentissements sur sa vie personnelle et professionnelle. Reconnaître leur rôle, simplifier et améliorer la qualité de vie des proches aidants participe de la construction d’une société plus solidaire et plus inclusive à laquelle nous œuvrons depuis 2017. »

« 2. Les Communautés 360 et plateformes de répit : la force du collectif au service de solutions personnalisées

Sur le secteur du handicap, la stratégie nationale de mobilisation en faveur des aidants s’inscrit plus largement dans le cadre de la transformation de l’offre.

Lors de la Conférence Nationale du Handicap du 11 février 2020, l’inconditionnalité de l’accompagnement, reposant notamment sur le déploiement de solutions de répit proposées dans le cadre de communautés territoriales, dites 360, a été annoncée par le Président de la République.
La crise de la Covid-19 a révélé avec acuité la difficulté d’assurer la continuité de l’accompagnement des personnes en situation de handicap à domicile. Le Secrétariat d’Etat au handicap a accéléré, en l’adaptant au contexte, la mise en place du numéro unique national – 0800360360 – pour répondre le plus rapidement possible aux demandes urgentes de répit. Au 31 août 2020, 63 communautés dites « 360 » ont été constituées à l’échelle départementale. Ces communautés s’adressent autant aux personnes en situation de handicap qu’à leurs proches aidants et leurs accompagnants, qu’ils s’inscrivent en milieu spécialisé ou dans le droit commun.

« Ce nouveau dispositif permet :

Plus de simplicité pour les personnes et les aidants
Plus de proximité pour trouver de solutions près de chez eux
Plus de rapidité pour apporter des réponses dans l’urgence
Plus de compétences mobilisées pour trouver de nouvelles solutions d’accompagnement
Plus d’agilité pour s’adapter au contexte de crise »

 

IV.B. Le décret au JO de ce matin

Ce décret précise les modalités de mise en œuvre de l’allocation journalière du proche aidant et de versement par les organismes débiteurs des prestations familiales. Il adapte également, de manière à assurer une gestion similaire des allocations journalières attribuées aux personnes apportant une aide régulière à un proche dépendant, malade ou en situation de handicap, les règles d’attribution de l’allocation journalière de présence parentale.

Voir ce texte (décret n° 2020-1208 du 1er octobre 2020 relatif à l’allocation journalière du proche aidant et l’allocation journalière de présence parentale ; NOR : SSAS2023142D) :