De la salle d’audience à la salle de gym : comment ne pas perdre la santé en faisant du sport ?

La fermeture des salles de sport a donné lieu à trois décisions intéressantes et assez concordantes des TA de Paris, de Cergy-Pontoise et de Rennes. Trois cartons jaunes. Pas rouges. Imposant aux préfectures de muscler les précisions et les justifications de leurs arrêtés avant que de revenir dans le ring des prétoires. 

 

I. Le juge rennais contrôle le point de savoir si réellement des contaminations sont issues desdites salles de sport

 

A Rennes, le juge a suspendu la disposition d’un arrêté préfectoral qui interdisait l’accueil du public dans les salles de sport et les gymnases.

La préfecture posait que le protocole sanitaire spécifique, issu de l’avis du Haut Conseil de la santé publique rendu le 31 mai 2020 et relatif aux mesures barrières et de distanciation physique… était devenu insuffisant au regard du rebond de la pandémie de Covid-19.

Mais la préfecture ne justifiait ni, même, n’alléguait que ce protocole « ne serait pas respecté dans les salles de sport situées sur le territoire de Rennes Métropole »… juste que c’était devenu insuffisant.

Or, le juge constate que le rebond de la pandémie ne semble pas provenir de ces salles de sport :

« si des foyers de contamination ont été recensés sur le territoire national en milieu sportif depuis la fin du mois de juillet 2020, au nombre de 88, dont 52 au cours des quinze premiers jours du mois de septembre, 74% d’entre eux sont survenus dans des associations amateurs, contre 26% seulement dans des structures professionnelles. En outre, la grande majorité de ces foyers est apparue dans les clubs de football N°s 2004134… 15 et de rugby, compte tenu, selon les analyses de l’établissement Santé publique France, des contacts induits par ces pratiques sportives et des évènements festifs connexes. Il résulte également de l’instruction, notamment des données transmises par l’agence régionale de santé Bretagne lors de l’audience publique, qu’à la date de la présente ordonnance, seuls trois cas de personnes positives au covid-19, en lien avec des salles de sport privées situées sur le territoire de Rennes Métropole, ont été recensées les 17 et 28 septembre 2020, deux de ces trois cas concernant des personnels de ces salles de sport et un cas seulement, un client. Par ailleurs, la liste exhaustive des foyers de contamination recensés en Bretagne au 11 septembre 2020, en cours d’investigation ou maîtrisés, ne comporte aucun établissement de cette catégorie. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction, en l’état des données et informations soumises au tribunal, que les salles privées de sport puissent être regardées comme des lieux de propagation active du virus Covid-19, alors même que ces établissements sont majoritairement fréquentés par une population de jeunes adultes. »

Donc quoique la mesure préfectorale ait été limitée dans l’espace et le temps, elle n’était pas assez nettement fondée techniquement pour justifier la restriction imposée, d’où une censure par le juge.

TA Rennes, ord., 30 septembre 2020, n°2004134,2004141,2004160 :

 

II. Le juge parisien, quant à lui, exige à la préfecture d’adopter un nouvel acte moins flou

 

Même type d’arrêté à Paris et même type d’uppercut jurisprudentiel. Un gentil uppercut, qui ne met pas la préfecture KO… mais qui impose à cette dernière de justifier un peu mieux et, surtout, de préciser un peu mieux ses arrêtés.

Voyez donc la motivation de l’ordonnance :

« 13. Le préfet de police n’établit pas, ni même n’allègue, que les mesures décrites ci-dessus ne seraient pas respectées, ni qu’elles seraient insuffisantes. Il est par ailleurs constant que les activités physiques et sportives pratiquées dans les salles de sport et établissements de remise en forme sont toutes sans contact, soit strictement individuelles, soit collectives dans le cadre de cours dédiés et selon une configuration permettant la distanciation physique nécessaire et sans face à face entre les pratiquants. Le préfet de police fait valoir que, eu égard à la situation actuelle de circulation active du virus à Paris et compte tenu des spécificités de l’activité sportive nécessitant des efforts physiques et pratiquée en lieux clos sans masque, les protocoles mis en place dans les salles de sport et de remise en forme ne permettent pas de contenir actuellement la propagation du virus. Toutefois, il ne fait état de l’existence d’aucun foyer de contamination à Paris dans une salle de sport telle que celles exploitées par les requérantes. En outre, si le directeur général de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France indique, dans son avis du 25 septembre 2020, que les rassemblements dans des espaces clos confinés restent l’origine majoritaire des contaminations, il n’évoque à aucun moment les risques particuliers liés à la pratique d’une activité physique ou sportive individuelle ou dans le cadre d’un cours collectif en salle. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l’instruction, en l’état des données et informations soumises au tribunal, que les salles dans lesquelles sont pratiquées des activités physiques ou sportives individuelles ou des cours collectifs dédiés n’impliquant aucun contact entre les participants puissent être regardées comme des lieux de propagation active du virus covid-19, alors même que ces établissements sont fréquentés par des jeunes adultes.

« 14. Ainsi, si la mesure d’interdiction en litige est incontestablement limitée dans le temps et dans l’espace et comporte des dérogations tenant à la préservation de la continuité scolaire et pédagogique ainsi qu’aux impératifs professionnels de certains pratiquants, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que cette mesure, qui vise l’exercice de toutes les activités physiques et sportives en salles couvertes à Paris sans distinguer les activités dont la pratique induit des contacts rapprochés entre pratiquants, est strictement proportionnée aux buts poursuivis de préservation de la santé publique et de lutte contre la propagation du virus covid-19. »

Donc le juge fait le même constat (celui de l’absence de preuve de contamination) pour aboutir au même raisonnement… mais avec une différence dans le dispositif des décisions (injonction de prendre [édicter !] un nouvel arrêté précisant — et justifiant — celles les activités physiques et sportives dont la pratique doit provisoirement être interdite à Paris dans les salles couvertes des établissements recevant du public de types L, M et X, avec suspension si le préfet n’a pas pris d’acte, mais seulement du coup avec un effet très différé au 5 octobre 2020).

TA Paris, ord., 1er octobre 2020, n° 2015655, 2015758, 2015761, 2015802/9 :

 

 

III. Cergy-Pontoise : même problème, même solution

 

Confronté aux mêmes types d’arrêtés et de recours, le TA de Cergy-Pontoise a répondu de la même manière.

Voir TA Cergy-Pontoise, 1er octobre 2020, n° 2009729 :

 

 

Attention : d’autres TA auraient statué autrement (Nice, Rouen, Lille, Nice, Bordeaux… A suivre).