Les députées Valérie Beauvais (LR, Marne) et Camille Galliard-Minier (LaREM, Isère) ont présenté les conclusions de leur « mission flash » parlementaire visant à comparer les expériences européennes de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
VOICI CE RAPPORT :
• mission flash ZFE AN 2021
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Ci-après, voici une reprise de quelques éléments de ce rapport, ou de sa synthèse, ou des éléments transmis à la presse.
Les ZFE-m sont des zones à circulations restreintes ayant pour objet de réduire la pollution générée par les transports. Les collectivités déterminent le périmètre et la durée pendant lesquelles la circulation est restreinte et les catégories de véhicule concernés (Poids lourds, utilitaires légers et éventuellement voitures particulières) selon leur vignette « Crit’air ».
Le nombre de ZFE-m devrait augmenter en France. En effet, la loi d’orientation des mobilités les a rendu obligatoire dans les métropoles où les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées et le projet de loi climat et résilience (voir ici) prévoit de les rendre obligatoire dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. De fait, actuellement au nombre de 11, elles seront 44 fin 2024.
Toutefois, la mise en place de telles zones pose de nombreuses questions afin d’en garantir l’efficacité, mais également l’acceptabilité par nos concitoyens, qui ont orienté les travaux de cette mission flash :
- Quelles aides et mesures d’accompagnement pour permettre aux personnes et aux TPE/PME dont les véhicules font l’objet de restrictions de se déplacer et de travailler ?
- Comment garantir la lisibilité et l’information de toutes les parties prenantes ? Quels contrôles mettre en place pour s’assurer de leur respect ?
La mission flash s’est inspirée des nombreux exemples européens (247 ZFE-m dans 13 pays en avril 2020 selon une étude de l’ADEME).
Après avoir organisé une quinzaine d’auditions et de tables rondes et entendu des représentants des collectivités territoriales, des personnes concernées par la mise en place de ZFE-m (transporteurs, associations de surveillance de la qualité de l’air, syndicats, professionnels et usagers du secteur automobile, associations environnementales) et les services de l’Etat (ADEME et direction générale de l’énergie et du climat), les rapporteures ont dégagé, en s’inspirant des bonnes pratiques étrangères, des recommandations autour de cinq axes afin de préparer un déploiement « simple, progressif et transparent » des ZFE-m.
Les catégories de véhicules concernés
Les véhicules concernés doivent être assez nombreux pour que la ZFE-m ait un impact significatif sur la qualité de l’air. Les véhicules concernés sont aujourd’hui définis par l’autorité locale compétente, qui peut restreindre la circulation de certains véhicules : elle peut ainsi ne restreindre que la circulation des poids lourds et des véhicules utilitaires légers, comme à Lyon, ou inclure les voitures particulières, comme à Paris. Chaque capitale européenne a fait des choix différents en la matière.
La progressivité de la mise en œuvre
En France, le projet de loi «Climat et résilience » adopté par l’Assemblée fixe un calendrier prévisionnel pour la sortie des véhicules Crit’air 3, 4 et 5, échelonné jusqu’en 2025 dans les ZFE-m où les normes de qualité de l’air sont dépassées.
Certaines collectivités ont déjà annoncé vouloir aller plus loin, en prévoyant la sortie des véhicules diesel (Crit’air 2), en 2024 à Paris ou en 2025 à Strasbourg. C’est également le cas de certaines villes européennes : Oslo en 2024, Milan en 2027 ou Bruxelles en 2030.
La connaissance de ces calendriers est essentielle pour permettre à la population et au monde économique de se projeter et d’engager le renouvellement des véhicules.
Les contrôles et dérogations
Les dérogations doivent être suffisantes pour garantir l’acceptabilité sociale des ZFE-m mais raisonnables pour ne pas diminuer leur impact.
En effet, certains véhicules, même polluants, peuvent avoir besoin de circuler dans les ZFE-m : véhicules d’intérêt général ou d’urgence, véhicules des personnes en situation de handicap, etc. Pour cela, une liste de véhicules qui ne peuvent être interdits dans les ZFE-m est fixée par décret1. Une marge de manœuvre est par ailleurs laissée aux collectivités pour mettre en place des dérogations pour certains véhicules.
Les ZFE-m européennes ont également mis en place des systèmes de dérogation. Il existe des dérogations payantes dans quatre pays. Il peut s’agir du paiement d’une taxe pour l’entrée du véhicule (Royaume-Uni) ou encore de l’achat d’un pass, comme à Bruxelles où il est possible d’acheter huit jours par an un pass (35 euros) qui permet d’accéder à la ZFE-m.
Le contrôle du respect des ZFE-m en France repose aujourd’hui sur des contrôles humains. Les amendes encourues en cas de non-respect des restrictions sont de 68 euros pour les véhicules légers et de 135 euros pour les véhicules lourds.
Si la LOM permet de mettre en place des systèmes de contrôles automatisés des infractions aux restrictions de circulation établies dans les ZFE-m, il ressort des auditions que ces dispositifs essentiels pour assurer l’efficacité des ZFE-m, initialement prévus pour 2021, ne pourraient être mis en place qu’en 2023.
La situation en Europe est hétérogène : Si dans la plupart des pays, le respect de la réglementation est vérifié par des contrôles de police aléatoires sur la base d’une vignette (Allemagne, Autriche, République tchèque), d’autre pays comme l’Italie, la Grèce ou les Pays-Bas se basent sur le certificat d’immatriculation.
Des contrôles par caméra avec lecture des plaques d’immatriculation se sont développés au Royaume-Uni, au Danemark ou encore en Espagne. Ce type de contrôle n’exclut pas le contrôle humain, qui peut le compléter, comme c’est le cas en Belgique.
Le montant des amendes varie fortement d’un pays à l’autre: il est de 80euros en Allemagne et de 350 euros à Bruxelles. Le montant des amendes peut aussi varier à l’intérieur d’un même pays : en Italie, il oscille entre 75 et 450 euros selon les catégories de véhicules et selon les ZFE-m.
L’accompagnement et les aides financières
Le déploiement d’alternatives à la voiture individuelle est une nécessité afin de faciliter le report modal.
Pour autant, certaines personnes peuvent avoir besoin, pour des raisons professionnelles ou personnelles, d’utiliser une voiture au sein des ZFE-m. S’il existe aujourd’hui de nombreuses aides, tant locales que nationales, il est essentiel de réduire le reste à charge pour les ménages les plus modestes.
Des aides similaires existent dans les différents pays européens, même si leurs modalités varient d’un pays à l’autre : aides à l’acquisition de véhicules électriques,
comme en Autriche ou en Italie, aides pour l’acquisition de vélos électriques, comme celles mises en place en Autriche, en Italie ou encore au Portugal, etc.
La concertation et la communication
La communication doit être réalisée le plus en amont possible et intégrer les citoyens dans la mise en œuvre du dispositif. Le code général des collectivités territoriales prévoit une concertation avant la mise en place de la ZFE-m ainsi qu’une campagne d’information locale d’une durée minimale de trois mois.
En Europe, les politiques mises en place pour accompagner le développement des ZFE-m passent également par la mise en place de dispositifs de consultation et de communication à destination des personnes concernées. Les consultations sont par exemple systématiques en Autriche, au Portugal ou en Suède; elles ne sont en revanche pas obligatoires en Italie. La communication relative aux ZFE-m passe par l’utilisation de sites Internet et de réseaux sociaux, la mise en place de lignes téléphoniques spécifiques, l’affichage urbain ou encore la distribution de brochures d’information (très utilisées en Allemagne).
S’inspirer des bonnes pratiques étrangères pour s’assurer du succès des ZFE-m françaises
Nous proposons cinq axes pour un déploiement des ZFE-m simple, progressif et transparent. Pour réussir le déploiement des ZFE-m en garantissant leur acceptabilité sociale, il est nécessaire d’adopter le point de vue des usagers. La mise en œuvre des ZFE-m sera d’autant mieux acceptée qu’elles seront anticipées ; c’est le sens de ces recommandations.
Déployer des modalités véritablement efficaces d’information, de concertation et de communication autour des ZFE-m
La pollution de l’air est l’affaire de tous, c’est pourquoi la mise en place de dispositifs d’information, de concertation
Mission flash sur les expériences européennes de zones à faibles émissions mobilité 4
et de communication adéquats est cruciale pour réussir la mise en œuvre des ZFE-m et pour favoriser leur acceptabilité sociale. Nous proposons donc :
- De renforcer la concertation en amont, en élargissant le champ des acteurs concernés, tels que les opérateurs de la mobilité, les acteurs économiques ou encore ceux de la solidarité ;
- De lancer une grande campagne nationale de communication sur le déploiement des ZFE-m, accompagnée d’un outil d’information permettant de connaître les restrictions de circulation applicables ainsi que d’une campagne d’information des constructeurs sur les offres de véhicules propres ;
- De porter de trois à six mois la durée de la campagne locale d’information, qui doit être effectuée par tout moyen, lors de la création d’une ZFE-m ;
- De mettre en place sur le terrain une signalétique adaptée, tant sur les restrictions mises en place que sur les données relatives à la pollution de l’air ;
- De créer des « bureaux ZFE-m » pour les TPE/PME dans chaque commune pour les informer et les accompagner.
Encourager la mise en place de mesures lisibles et cohérentes
Il est essentiel que chaque territoire puisse décider du périmètre, des règles et du calendrier en fonction des situations locales. Toutefois, ce principe crée une hétérogénéité des règles. Afin de renforcer la lisibilité et la cohérence des mesures mises en place, nous recommandons :
- De mettre en place des comités régionaux de pilotage des ZFE-m qui permettraient une concertation renforçant la cohérence des règles applicables entre les ZFE-m ;
- De créer un comité national de suivi des ZFE-m, qui assurerait un suivi régulier du déploiement des ZFE-m, notamment le bilan de leurs impacts économiques, sociaux et environnementaux, et servirait d’outil de pilotage et de suivi des mesures d’aides financières ;
- De prévoir un calendrier prévisionnel des mesures de restriction de la circulation. Pour le diesel, il doit tendre notamment vers une harmonisation nationale et européenne.
- De rendre plus lisible et compréhensible le dispositif de la vignette « Crit’air » ;
- D’inciter les collectivités d’un territoire à harmoniser les horaires de livraison de manière à éviter la congestion urbaine.
- De rendre obligatoire l’affichage du classement Crit’air sur la publicité de vente des véhicules neufs et les annonces véhicules d’occasion.
Renforcer l’accompagnement pour encourager le changement de véhicule et le recours aux modes de mobilité alternatifs
Malgré les dispositifs d’aides à l’acquisition de véhicules propres mis en place tant par l’État que par les collectivités territoriales, le reste à charge peut être élevé et être un frein au verdissement des véhicules, en particulier pour les ménages les plus modestes. Pour favoriser le changement de véhicule, nous proposons :
• De mettre en place un prêt à taux zéro plafonné et garanti par l’État pour les ménages les plus modestes afin de faciliter l’acquisition de véhicules, neufs ou d’occasion, moins polluants. À défaut, nous proposons a minimad’encadrer le taux du microcrédit garanti par l’État ;
• De doubler le montant du bonus écologique pour les bénéficiaires les plus modestes et les « gros rouleurs » et de généraliser l’avance du montant de l’aide par le concessionnaire, qui se fait ensuite rembourser par l’État ;
• D’augmenter – au minimum doubler – les aides à l’achat de véhicules d’occasion existantes (bonus, prime à la conversion);
• De créer ou d’étendre certaines aides aux professionnels (bénéfice du bonus de 1 000 euros pour l’achat d’un véhicule d’occasion, doublement de la prime à la conversion et du bonus pour les TPE/PME ayant moins de 4 véhicules, aides au financement de l’aménagement intérieur du véhicule) ;
- D’inciter les régions et les AOM à mettre en place des aides complémentaires, versées non seulement aux personnes qui habitent et travaillent dans la ZFE-m mais aussi à tous les habitants de la région ;
- De prévoir un plan ambitieux de déploiement des bornes électriques et un maillage de tout le territoire par des stations GNV et en biocarburants ;
- De verser une prime de 500 euros – doublée pour les ménages les plus modestes – en cas de radiation de la plaque d’immatriculation et de reprise du véhicule par un centre de traitement agréé – sans rachat d’un nouveau véhicule, sur le modèle des ZFE-m de Bruxelles et Gand ;
- De développer des guichets uniques des aides dans les ZFE-m, sur le modèle de la métropole du Grand Paris ;
- De mettre en place des permanences de « coaching mobilité » dans chaque quartier, qui informeraient nos concitoyens des aides existantes, les accompagneraient dans leurs démarches et les inciteraient à recourir à d’autres solutions de mobilité.
Favoriser le recours à des solutions alternatives à l’usage individuel de la voiture
Le besoin de développer la politique de report modal et les transports en commun, notamment dans les zones mal desservies, a été relevé au cours des auditions. Une telle politique devrait contribuer à accroître l’adhésion des populations concernées aux ZFE-m. Pour cela, nous recommandons :
- De rendre le forfait mobilités durables obligatoire et cumulable avec le remboursement des transports en commun ;
- D’inciter au développement des plateformes d’information et de billettique unique multimodales ;
De développer des plans de mobilité interentreprises pour faciliter le recours des salariés à des mobilités alternatives ;
De développer des pôles multimodaux en périphérie des agglomérations pour favoriser le report modal et d’inciter à la multiplication des parkings-relais ;
De permettre aux personnes (notamment les personnes âgées) qui ont besoin de transport ponctuel en voiture de bénéficier d’un transport en taxi pour un prix réduit, sur l’exemple de Gand ;
De développer des plateformes logistiques aux abords des ZFE-m afin d’assurer le dernier kilomètre de livraison avec des véhicules propres.
Assurer un contrôle efficace du respect des règles dans les ZFE-m
Il est indispensable de garantir l’application des règles relatives aux ZFE-m pour que toutes les personnes concernées « jouent le jeu » et que la mise en place des ZFE-m permette une réelle amélioration de la qualité de l’air. C’est pourquoi nous considérons qu’il est nécessaire :
• De mettre en place rapidement un contrôle automatisé par lecture de plaque, déjà effectif dans plusieurs pays européens ;
• De prévoir des dérogations transitoires pour les véhicules utilisés dans le cadre du covoiturage ou de l’auto-partage, même s’ils dépassent les normes de qualité de l’air ;
• De prévoir des mesures de dérogation pour les véhicules roulant aux biocarburants ;
• De mettre en place 24 dérogations annuelles par véhicule, sollicitées en amont, sur le modèle des ZFE-m de Bruxelles et de Gand mais en rendant ce dispositif gratuit ;
• De prévoir une phase transitoire d’un an pendant laquelle seraient réalisés des contrôles « pédagogiques » comme à Anvers ou Bruxelles ;
- D’augmenter le montant des amendes en cas de répétition de l’infraction, comme c’est le cas à Anvers ;
- D’affecter en tout ou partie le produit des amendes aux collectivités mettant en place la ZFE-m pour couvrir leurs coûts et/ou le financement de la transition écologique, en particulier des mobilités et des aides au renouvellement des véhicules.
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