FPE et FPT : la médiation préalable devient obligatoire pour certaines décisions !

On se souvient que la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 avait prévu qu’à titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de sa promulgation, les recours contentieux formés par certains agents soumis au Statut général des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle pouvaient faire l’objet d’une médiation préalable obligatoire (art. 5, IV).

Le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 avait prévu que l’expérimentation commencerait le 1er avril 2018 et se terminerait le 18 novembre 2020 (voir notre brève : https://blog.landot-avocats.net/2018/02/19/mediation-prealable-obligatoire-dans-la-fonction-publique-avant-tout-recours-contentieux-lexperimentation-debute-le-1er-avril-2018/).

Le Gouvernement avait décidé de prolonger l’expérimentation jusqu’au 31 décembre 2020 (décret n° 2020-1303 du 27 octobre 2020).

L’expérience s’étant révélée concluante, l’article 27 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 a pérennisé et généralisé la procédure de médiation préalable obligatoire dans la fonction publique de l’État (FPE) et la fonction publique territoriale (FPT). La partie législative du code de justice administrative (CJA) a été modifiée pour ce faire.

Le décret n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux vient préciser les modalités d’application (dont certaines mais pas toutes sont intégrées dans le CJA).

1/ Quels sont les agents/collectivités publiques concernés ?

L’article 3 du décret du 25 mars 2022 prévoit que les agents publics concernés par la procédure de médiation préalable obligatoire sont :

1° les agents de la fonction publique de l’État affectés dans les services académiques et départementaux, les écoles maternelles et élémentaires et les établissements publics locaux d’enseignement du ressort de celles des académies qui figurent sur une liste arrêtée par le garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre chargé de l’éducation nationale ;

2° les agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics ayant préalablement conclu, avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent, une convention pour assurer la médiation. Les centres de gestion communiquent aux tribunaux administratifs concernés la liste des collectivités ayant conclu une convention.

Cela signifie que seuls les collectivités et établissements publics locaux ne sont soumis à la procédure de médiation préalable qu’à la condition d’y consentir.

2/ Quels actes doivent obligatoirement faire l’objet d’une médiation préalable ?

L’article L. 213-11 du CJA prévoit que toutes les décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’Etat sont, à peine d’irrecevabilité, précédés d’une tentative de médiation.

L’article 2 du décret du 25 mars 2022 précise que les décisions individuelles concernées sont les suivantes :

1° Décisions administratives individuelles défavorables relatives à l’un des éléments de rémunération mentionnés à l’article L. 712-1 du code général de la fonction publique (traitement, indemnité de résidence, supplément familial de traitement, primes et indemnités) ;

2° Refus de détachement ou de placement en disponibilité et, pour les agents contractuels, refus de congés non rémunérés prévus, pour la FPE, aux articles 20, 22, 23 du n° 86-83 décret du 17 janvier 1986  et, pour la FPT, 15, 17, 18 et 35-2 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, à savoir : les congés pour élever un enfant, pour donner des soins ou suivre un conjoint, le congé pour convenance personnelle ou création d’entreprise, et le congé de mobilité ;

3° Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental ou relatives au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un congé mentionné au 2° ;

4° Décisions administratives individuelles défavorables relatives au classement de l’agent à l’issue d’un avancement de grade ou d’un changement de corps ou cadre d’emploi obtenu par promotion interne

5° Décisions administratives individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle tout au long de la vie

6° Décisions administratives individuelles défavorables relatives aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés en application des articles L. 131-8 et L. 131-10 du code général de la fonction publique

7° Décisions administratives individuelles défavorables concernant l’aménagement des conditions de travail des fonctionnaires qui ne sont plus en mesure d’exercer leurs fonctions dans les conditions prévues par les décrets du n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pour la FPE et n° 85-1054 du 30 septembre 1985 pour la FPT.

3/ Comment est désigné le médiateur ?

L’article 4 du décret du 25 mars 2022 dispose que la médiation préalable obligatoire est assurée :

1° pour les agents du ministère chargé de l’éducation nationale, par le médiateur académique territorialement compétent

2° pour les agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, par le centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent ayant conclu avec la collectivité ou l’établissement concerné une convention de médiation. Le représentant légal du centre de gestion désigne la ou les personnes physiques qui assureront, au sein du centre de gestion et en son nom, l’exécution de la mission de médiation préalable obligatoire.

4/ Qui paie la médiation ?

Il appartient exclusivement à l’administration qui a pris la décision litigieuse de prendre en charge le coût de la médiation préalable (art. L. 213-12 du CJA). Donc peu importe que la décision soit jugée légale, c’est toujours l’administration qui doit prendre financièrement en charge la médiation.

5/ Quelle procédure ?

Selon l’article R. 213-10 du code de justice administrative, la médiation préalable obligatoire est engagée auprès du médiateur compétent dans le délai de recours contentieux prévu à l’article R. 421-1, majoré, le cas échéant, dans les conditions prévues à l’article R. 421-7 (délai de distance pour l’outre-mer).

La décision entrant dans le champ d’application de la médiation préalable obligatoire doit mentionner cette obligation et indiquer les coordonnées du médiateur compétent. À défaut, le délai de recours contentieux ne court pas à l’encontre de la décision litigieuse.

La lettre de saisine du médiateur est accompagnée de la décision contestée ou, lorsque celle-ci est implicite, d’une copie de la demande et de l’accusé de réception ayant fait naître cette décision.

Les articles L. 213-13 et R. 213-11 du CJA précisent que la saisine du médiateur compétent interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription dans les conditions prévues à l’article L. 213-13.

En outre, la réclamation auprès du Défenseur des droits, lorsqu’elle est faite dans les conditions prévues à l’article L. 213-14, produit les mêmes effets. Ces délais recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties, soit les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d’en attester la connaissance par l’ensemble des parties, que la médiation est terminée (art. L. 213-14 et R. 213-1 du CJA). Mais, l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique après la médiation n’interrompt pas de nouveau le délai de recours (art. 213-13 du CJA).

Il importe pour l’agent de respecter cette procédure. À défaut, son recours contentieux est irrecevable (art. L. 213-11 du CJA).

L’article 27 de la loi du 22 décembre 2021 peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/JORFARTI000044546016/

et le décret du 25 mars 2022 à partir de celui-ci :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045412363

 


 

COMPLÉMENTS :

 

Voici une vidéo de 9 mn 11 aux sujet de ces médiations préalables, notamment celles devenues obligatoires (vidéo faite avant la pérennisation / extension de ce régime en fonction publique cela dit), commençant par une présentation par Eric Landot, suivie par des interviews de :

  • Mme Marie-Odile Diemer
    Maître de conférences de droit public
    Université Côte d’Azur – Faculté de droit et de science politique de Nice
  • M. Amaury Lenoir
    Délégué national à la médiation pour les juridictions administratives, rattaché au secrétariat général du Conseil d’État.

 

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 5′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr

Pour plus de chiffres et d’informations, voir aussi :