Recentralisation du RSA, mode d’emploi

Faisons un petit point sur le régime de recentralisation du RSA tel que pratiqué, désormais, dans 5 départements français (3 ultramarins puis 2 hexagonaux).

 

I. Recentralisation en 2018-2019 pour Mayotte et en Guyane ; application ensuite à La Réunion

Le RSA avait dans un premier temps été « recentralisé » à Mayotte et en Guyane par :

  • l’article 81 loi de finances initiale pour 2019 (voir ici)
  • le décret 2018-1321 du 28 décembre 2018 relatif à la recentralisation du revenu de solidarité active en Guyane et à Mayotte (NOR : SSAA1831055D), que voici ici :

La recentralisation du RSA a, ensuite, été effective à La Réunion, depuis le 1er janvier 2020 (LFI 2020)

 

II. Une nouvelle fournée de recentralisations, expérimentales et fondées sur le volontariat, début 2022

 

La recentralisation a ensuite fait un nouveau pas avec la loi de finances initiale pour 2022… et ce à rebours des préconisations de la Cour des comptes (voir ici)… avec l’article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances (LFI) pour 2022.

Cet article 43 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2022 prévoit ainsi qu’à compter du 1er janvier 2022, à titre expérimental et pour renforcer les politiques d’insertion, dans le ressort des départements qui en font la demande, sont assurés par l’Etat :

  • 1° L’instruction administrative et la décision d’attribution du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité mentionné à l’article L. 522-14 du code de l’action sociale et des familles ainsi que l’examen des éventuels réclamations et recours contentieux relatifs à ces prestations ;
  • 2° Le contrôle administratif et le recouvrement des indus portant sur le versement de ces prestations ;
  • 3° Le financement de ces prestations.

Les départements se portant candidats à l’expérimentation pouvaient en exprimer la demande par délibération de leur organe délibérant à compter du 22 septembre 2021, et au plus tard le 15 janvier 2022.

Cette expérimentation fait l’objet d’une convention signée entre le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil départemental au plus tard le 1er mars 2022.

L’expérimentation prend fin au plus tard le 31 décembre 2026.

Ce régime a été précisé par le décret n° 2022-130 du 5 février 2022 relatif à l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (NOR : TERB2134036D) :

Ce décret adapte les dispositions réglementaires du code de l’action sociale et des familles pour l’application de l’expérimentation dans les départements volontaires ainsi que précision des éléments essentiels de la convention conclue entre le représentant de l’Etat et le département, et ce en application de l’article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. Ce décret précise les modalités de reprise des compétences par l’Etat aux conseils départementaux et les éléments essentiels de la convention d’insertion entre le représentant de l’Etat dans le département et le conseil départemental.

III. Application dans les Pyrénées-Orientales et en Seine-Saint-Denis

La liste des candidats retenus, qui sont caractérisés par un reste à charge au titre du revenu de solidarité active par habitant et une proportion de bénéficiaires du revenu de solidarité active dans leur population significativement plus importants que la moyenne nationale et par un revenu moyen par habitant significativement plus faible que la moyenne nationale, devait ensuite être établie par décret.

Cette étape a été franchie avec le décret n° 2022-322 du 4 mars 2022 relatif à la liste des départements retenus pour participer à l’expérimentation prévue par l’article 43 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 (NOR : TERB2200424D) :

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2022/3/4/TERB2200424D/jo/texte

… qui  confirme que sont retenus pour participer à l’expérimentation prévue à l’article 43 de la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 susvisée :

  • le conseil départemental des Pyrénées-Orientales
  • le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

N.B. : la Seine-Saint-Denis connaît un taux de pauvreté de 28,6%, égal au double de la moyenne nationale et compte 90 000 bénéficiaires du RSA dont 44% de bénéficiaires inscrits à l’allocation depuis plus de 5 ans. Les Pyrénées-Orientales connaissent un taux de pauvreté de 20,5% et une part de la population active bénéficiaire du RSA (9,8%) supérieure aux moyennes régionales (6,6%) et nationales (5,6%) ; 51% des bénéficiaires du RSA percevant l’allocation depuis plus de 5 ans (source : Ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion).

 

L’Etat a ainsi communiqué à ce propos (source : https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/pour-renforcer-l-insertion-des-beneficiaires-du-rsa-l-etat-ouvre-l)

« La réussite de cette expérimentation se mesurera à l’aune de l’augmentation des moyens dédiés à l’insertion et des taux d’accès à l’emploi et à la formation qualifiante des bénéficiaires du RSA. Un dialogue constructif a permis de définir les actions d’insertion que les Départements se sont engagés à réaliser, tout en adaptant ces objectifs à la situation de chaque territoire.

« D’ici 2026, en Seine-Saint-Denis, le nombre de référents dans les parcours sociaux et socio-professionnels sera doublé, passant de 170 à 340, ainsi que le nombre de places dans des actions d’insertion, passant de 6350 à 12700.
« D’ici 2026, dans les Pyrénées-Orientales, le nombre de professionnels dédiés spécifiquement à l’accompagnement et à l’insertion des bénéficiaires du RSA augmentera de 77 ETP tandis que le nombre de places et d’aides financières individuelles pour la levée des freins mobilité et santé dans l’accès à l’emploi sera augmenté de 69%.
« Dans ces deux territoires, Etat et Département suivront conjointement les réalisations et les résultats, en y associant les autres acteurs de l’emploi et de l’insertion.

« Cette expérimentation s’inscrit ainsi pleinement dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et en cohérence avec l’ensemble des mesures prises pour favoriser l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi, dont le service public de l’insertion et de l’emploi et le plan de relance pour l’inclusion. »

 

IV. Missions des CAF et des CMSA (une recentralisation qui en réalité est un large regroupement de tâches entre les mains des CAF et CMSA) ; subdélégation possible aux CCAS-CIAS

 

Gérer le RSA, pour un département, c’est (en dépit des conventions signées) gérer des relations complexes avec les allocataires, mais aussi avec les caisses (CAF et MSA) au point souvent de ne pas avoir des données à jour et fiables en dépit des nombreux régimes prévus à ce sujet et des efforts de part et d’autres. Donc en fait cette recentralisation vise à re-centraliser autour des CAF (ou CMSA) certaines tâches.

Lorsque les compétences mentionnées aux 1° et 2° du I de cet article 43 (instruction administrative et la décision d’attribution  puis contrôle administratif et recouvrement des indus) lui ont été transférées, l’Etat peut déléguer tout ou partie de celles-ci aux caisses d’allocations familiales et, pour leurs ressortissants, aux caisses de mutualité sociale agricole.

Donc le pouvoir de décision sur l’instruction administrative et la décision d’attribution du RSA et du RSO finissent par revenir aux CAF et aux caisses de la Mutualité sociale agricole (CMSA).

Pour les départements participant à cette expérimentation, il incombe aux CAF et CMSA :

de déroger, pour le compte de l’Etat, à l’application des conditions fixées à la première phrase du 3° de l’article L. 262-4 ;

2° Par dérogation à l’article L. 262-11, les organismes mentionnés à l’article L. 262-16 assistent le demandeur dans les démarches rendues nécessaires pour l’exécution des obligations mentionnées à l’article L. 262-10.

Une fois ces démarches engagées, ces organismes servent, à titre d’avance, le revenu de solidarité active au bénéficiaire et, dans la limite des montants alloués, sont subrogés, pour le compte de l’Etat, dans les droits du foyer vis-à-vis des organismes sociaux ou de ses débiteurs ;

3° Par dérogation à l’article L. 262-12, les organismes mentionnés à l’article L. 262-16 statuent sur les demandes de dispense prévues à l’article L. 262-12, mettent fin au versement du revenu de solidarité active ou réduisent son montant ;

4° Par dérogation à l’article L. 262-13 :

a) Le revenu de solidarité active est attribué, pour le compte de l’Etat, par les organismes mentionnés à l’article L. 262-16, au demandeur qui réside dans le département participant à l’expérimentation ou qui y a élu domicile, dans les conditions prévues au chapitre IV du titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles ;

b) Le second alinéa ne s’applique pas ;

5° Pour l’application de l’article L. 262-15 :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

L’instruction administrative de la demande est effectuée à titre gratuit par les organismes mentionnés à l’article L. 262-16. Peuvent également procéder à cette instruction, dans des conditions définies par convention, les services du département, le centre communal ou intercommunal d’action sociale du lieu de résidence du demandeur, des associations ou des organismes à but non lucratif. ;

b) Au début du second alinéa, les mots : Le décret mentionné au premier alinéa sont remplacés par les mots : Un décret ;

6° Par dérogation à l’article L. 262-16, le service du revenu de solidarité active est assuré pour le compte de l’Etat par les caisses d’allocations familiales et, pour leurs ressortissants, par les caisses de mutualité sociale agricole ;

7° Le troisième alinéa de l’article L. 262-21 n’est pas applicable ;

8° Par dérogation à l’article L. 262-22, les organismes mentionnés à l’article L. 262-16 peuvent décider de faire procéder au versement d’avances sur droits supposés ; […]

NB : voir aussi sur ce point les dispositions du décret 2022-130 susmentionné. 

Le revenu de solidarité active est financé par l’Etat pendant la durée de l’expérimentation. Les frais de gestion supplémentaires exposés par les organismes mentionnés à l’article L. 262-16 (CAF ; CMSA…) au titre des nouvelles compétences qui leur sont déléguées en application du présent article à compter de l’entrée en vigueur de l’expérimentation, selon les modalités fixées par la convention mentionnée à l’article L. 262-25, sont financés par l’Etat dans des conditions fixées par décret.

 

L’instruction des dossiers peut continuer d’être sub-déléguée aux CCAS et CIAS (comme partout en France), par convention.

 

 

V. Volet sanction dans le cadre de cette expérimentation

Voir à ce sujet la circulaire que voici qui ne semble pas devoir à première vue appeler de commentaires de notre part :

https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2022/2022.8.sante.pdf#%5B%7B%22num%22%3A325%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22FitH%22%7D%2C842%5D

… et dont voici le texte :