La liberté encadrée des autorités concédantes concernant la méthode de notation des offres

Dans cet arrêt du 3 mai 2022, le Conseil d’État est venu apporter d’utiles précisions sur l’étendue et les limites reconnues à une autorité concédante concernant la méthode de notation des offres.

Dans cette espèce, la Commune de Saint-Cyr-sur-Mer avait lancé une procédure de mise en concurrence pour l’attribution de sous-concessions concernant la plage artificielle des Lecques.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État commence tout d’abord par rappeler les dispositions de l’article L. 3124-5 du Code de la commande publique qui fixent les règles relatives aux critères d’attribution des offres lors de l’attribution d’un contrat de concession :

« Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution. Lorsque la gestion d’un service public est concédée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective. Ils sont rendus publics dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. ».

Après avoir posé ce cadre général, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel l’autorité concédante jouit d’une pleine liberté concernant la définition de la méthode d’évaluation des offres :

« 5. L’autorité concédante définit librement la méthode d’évaluation des offres au regard de chacun des critères d’attribution qu’elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d’appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. ».

Toutefois, comme le précise le Conseil d’Etat, cette liberté n’est pas sans limite et fait l’objet d’un encadrement puisqu’elle ne doit pas conduire à priver de leur portée les critères d’attribution ou à neutraliser la hiérarchisation de sorte que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas retenue :

« si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d’attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères d’attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie ».

Dans l’espèce jugée, la Commune avait fait le choix de noter les offres des candidats par l’intermédiaire une évaluation littérale décrivant les qualités des offres pour chaque critère d’attribution et qui était suivie d’une flèche représentée par une couleur (la flèche verte orientée vers le haut représentait la meilleure appréciation, la flèche rouge vers le bas correspondait à la plus défavorable et des flèches orange orientées en haut à droite ou en bas à droite correspondaient à deux évaluations intermédiaires).

Selon l’analyse juridique du juge des référés du tribunal administratif de Toulon, cette méthode de notation était irrégulière « faute pour ces signes (les flèches) d’être convertis en note chiffrée, ce qui laissait selon ce juge « une trop grande part à l’arbitraire » au profit de la Commune de Saint-Cyr-sur-Mer.

Toutefois, le Conseil d’État retoque ce raisonnement juridique pour erreur de droit. Les juges du Palais-Royal estiment que, dans le cadre de son contrôle, le juge des référés devait uniquement rechercher :

« si la méthode d’évaluation retenue n’était pas, par elle-même, de nature à priver de leur portée les critères ou à neutraliser la hiérarchisation qu’avait retenue l’autorité concédante ».

Ainsi, et après avoir annulé le raisonnement du juge des référés, il en revenait au Conseil d’État, réglant l’affaire au fond, de juger la méthode de notation des offres.

Le Conseil d’État juge que la méthode d’évaluation retenue par la Commune de Saint-Cyr-sur-Mer lui a permis « de comparer et de classer tant les évaluations portées sur une même offre au titre de chaque critère que les différentes offres entre elles » et en conclut donc qu’aucune irrégularité ne peut être invoquée dès lors que cette méthode de notation « n’est pas de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation ».

Ainsi, après voir examiné les autres moyens qu’il ne juge pas fondés, le Conseil d’État rejette le recours en référé précontractuel.

CE, 3 mai 2022, Commune de Saint-Cyr-sur-Mer, req. n°459678.

Article écrit avec la collaboration de Lucie Santini, élève-avocate