Affaire dite de la « chaufferie de La Défense » : une instruction trop longue peut avoir des effets, mais pas au point d’en être annulée

Dans l’affaire dite de la « chaufferie de La Défense », avec des faits de corruption, des méandres contentieux considérables, et une autre affaire, connexe, portant sur une sombre histoire de lingots au Luxembourg… l’instruction, portant certes sur des faits complexes, avait couru pendant près de 20 ans !

Une cour d’appel a décidé d’annuler les poursuites pour corruption, estimant que le délai raisonnable (qui s’impose à toute procédure pénale) n’avait pas été respecté et qu’il avait été ainsi porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire ainsi qu’à l’équilibre des droits des parties.

La Cour de cassation vient de censurer ce raisonnement. La durée excessive d’une procédure pénale ne justifie pas à elle seule son annulation (mais elle peut avoir des effets sur la valeur des preuves ou sur choix de la peine). 

La Cour de cassation confirme donc sa jurisprudence et casse la décision de la cour d’appel : la durée excessive d’une procédure ne peut aboutir à son invalidation, alors que chacun des actes qui la constituent est régulier.

Ne pas être jugé dans un délai raisonnable ne porte pas, en soi, atteinte aux droits de la défense. Il ne peut donc s’agir d’une cause de nullité de la procédure. Cette analyse est partagée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Les parties disposent de garanties :

  • Elles peuvent influer elles-mêmes sur la durée de la procédure, en demandant que des investigations soient menées ou que l’information judiciaire soit clôturée.
  • Elles peuvent obtenir réparation en engageant la responsabilité de l’État au titre d’un fonctionnement défectueux du service public de la justice.

Cependant, la juridiction de jugement doit examiner au fond l’affaire dont elle a été saisie en prenant en compte les effets du temps qui s’est écoulé :

  • Elle doit prendre en considération l’éventuel dépérissement des preuves et l’impossibilité qui pourrait en résulter, pour les parties, d’en discuter la valeur et la portée.
  • Elle peut mettre en œuvre, si nécessaire, l’article 10 du code de procédure pénale, qui garantit les droits des victimes, lorsque l’état de santé du prévenu s’est détérioré depuis les faits, rendant impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant de se défendre.
  • Elle peut prendre en compte les éventuelles conséquences du dépassement du délai raisonnable, pour déterminer la peine qu’elle prononce.

Voici cette décision :

Cass. crim., 9 novembre 2022, n°21-85.655 (arrêt n° 1304)