Commission des sondages : si une « mise au point » est faite dans l’urgence, avec une pertinence à relativiser a posteriori, alors il n’en résulte nulle illégalité (il faudra juste procéder à une abrogation ou une modification)

La commission des sondages doit, lorsque la qualité ou l’objectivité d’un sondage lui paraît en question, demander la publication d’une « mise au point ».
La légalité d’une telle décision est-elle altérée si, ensuite, au vu d’éléments nouveaux portés à la connaissance de la commission postérieurement à cette mise au point, celle-ci se révèlerait injustifiée ou inadaptée ?
Non vient de poser le Conseil d’Etat car :
• la légalité de la décision de la commission d’apprécie (classiquement) à la date de ladite décision, d’une part,
• et d’autre part (solution en partie implicite) force est à la commission, en urgence parfois, de prendre des décisions en fonction des informations dont celle-ci dispose sans pouvoir toujours attendre plus avant… 


 

En vertu des articles 5 et 9 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 et de l’article 13 du décret n° 78-79 du 25 janvier 1978, il appartient à la commission des sondages, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, chaque fois que la qualité ou l’objectivité d’un sondage lui paraît en question, de demander la publication d’une mise au point appropriée quels que soient les résultats du sondage.

Ceci, pose le Conseil d’Etat, s’applique même lorsque cette commission constate que le sens général du résultat ne lui apparaît pas susceptible d’être mis en cause (voir CE, 13 décembre 1985, Société Indice, n° 48990, rec. p. 379).

La Haute Assemblée en déduit que la commission des sondages est fondée à :

« ordonner la publication d’une mise au point, dans des termes appropriés, dès lors que, au vu des éléments d’information dont elle dispose à la date de sa décision et en tenant compte, le cas échéant, de l’urgence qui s’attache à son intervention eu égard en particulier à la proximité du scrutin auquel un sondage se rapporte, elle n’est pas en mesure de s’assurer de la conformité d’un tel sondage aux exigences de la loi du 19 juillet 1977 et de ses décrets d’application. »

Elle peut donc dégainer dès qu’il y a doute, et non dès qu’il y a certitude qu’une ligne jaune a été franchie.

Et donc (ce qui ne surprendra pas s’agissant d’un contentieux portant sur la légalité d’une décision) comme classiquement en recours pour excès de pouvoir, la circonstance que, au vu d’éléments nouveaux portés à la connaissance de la commission postérieurement à la mise au point, celle-ci se révèlerait injustifiée ou inadaptée est sans incidence sur l’appréciation de sa légalité à la date à laquelle elle est intervenue.

Alors la Commission a le droit de publier des mises au point dès qu’il y a doute, même si le doute s’évanouit ensuite ? OUI MAIS… mais pose le Conseil d’Etat, cela entraîne, ainsi que le rappelle l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), l’obligation pour la commission d’abroger ou de modifier la « mise au point » devenue infondée après coup. Ce qui sur le terrain, après les sondages, après la publication, après au besoin l’élection concernée, fera une belle jambe aux sondeurs, au journalistes et aux citoyens… Mais le Conseil d’Etat pouvait-il, techniquement et rationnellement, statuer autrement ? Sans doute que non.

Surtout qu’en l’espèce, toute la lecture de l’arrêt revient à poser qu’en effet, les sondages de la requérante soulevaient à tout le moins quelques faiblesses méthodologiques (étant rappelé qu’en ce domaine, le juge opère un contrôle normal : CE, Assemblée, 22 décembre 1982, , n°33271, rec. p. 321.).

 

Source :

Conseil d’État, 20 décembre 2022, n° 461279, aux tables du recueil Lebon