Etablissement recevant du public : il peut être construit sans que sa création n’ait été (encore) autorisée

La réalisation d’un bâtiment destiné à accueillir du public requiert la délivrance de plusieurs autorisations émises sur le fondement de législations distinctes.

Pour construire le bâtiment, le maître d’ouvrage devra obtenir un permis de construire sanctionnant l’application des règles d’urbanisme.

Mais pour l’ouvrir au public, il faudra en plus obtenir une autorisation de créer un établissement recevant du public, laquelle est prise alors en application des règles posées par le Code de la construction et de l’habitation, dont notamment les règles de sécurité et d’accessibilité particulièrement strictes.

Toutefois, dans un souci de simplification, l’article L. 425-3 du Code de l’urbanisme (tout comme d’ailleurs L. 122-3 du Code de la construction et de l’habitation) prévoit que la délivrance du permis de construire peut dans certains cas valoir autorisation de créer l’ ERP au titre des règles prévues par le Code de la construction et de l’habitation :

« Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l’exploitation des bâtiments en application de l’article L. 143-2 du code de la construction et de l’habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions ».

Mais si lors du dépôt de la demande de permis, l’aménagement intérieur des locaux n’est pas encore connu par l’administration (ce qui ne lui permet donc pas d’autoriser ou de refuser la création de l’ERP, le respect des règles de sécurité propres à ces établissements ne pouvant encore être vérifié), le permis de construire doit simplement rappeler que le pétitionnaire devra demander et obtenir l’autorisation de créer un ERP, comme le précise ce même article L. 425-3 :

Toutefois, lorsque l’aménagement intérieur d’un établissement recevant du public ou d’une partie de celui-ci n’est pas connu lors du dépôt d’une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu’une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ». 

Dans ce cas de figure, le permis de construire peut-il être délivré alors que le pétitionnaire n’a pas encore obtenu l’autorisation de créer son établissement recevant du public ?

Le Conseil d’Etat vient de répondre favorablement à cette interrogation, après avoir précisé que la légalité du permis ne dépend pas de la délivrance d’une autorisation de créer ou d’aménager un établissement recevant du public :

« Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l’espèce, l’aménagement intérieur de locaux constitutifs d’un établissement recevant du public, qui nécessite une autorisation spécifique au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, n’est pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire, l’autorité compétente, dont la décision ne saurait tenir lieu sur ce point de l’autorisation prévue par le code de la construction et de l’habitation, ne peut légalement délivrer le permis sans mentionner expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public, et ce, alors même que le contenu du dossier de demande de permis de construire témoignerait de la connaissance, par le pétitionnaire, de cette obligation.

22. En premier lieu, en se fondant, pour juger que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance des dispositions citées au point 20, sur la circonstance que, si l’arrêté de la maire de Paris du 14 décembre 2018 mentionnait expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation en ce qui concerne l’aménagement intérieur des établissements recevant du public concernés avant leur ouverture au public, l’autorisation préalable de création de ces établissements n’avait, en revanche, pas été obtenue, alors qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que le permis de construire litigieux ne tenait lieu, dans ces conditions, ni d’autorisation d’aménagement ni d’autorisation de création au titre de la réglementation des établissements recevant du public et que sa légalité n’était dès lors pas subordonnée à la délivrance d’une telle autorisation de création, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ».

Juridiquement, on peut donc être titulaire d’un permis pour édifier un bâtiment destiné à recevoir du public, sans avoir encore été autorisé à créer  (et donc à ouvrir) un tel établissement.

Ref. : CE, 13 janvier 2023, Office public de l’habitat Paris Habitat, req., n° 450446. Pour lire l’arrêt, cliquer ici