Responsabilité financière : est-il constitutionnel que les affaires pendantes (CDBF notamment) aient basculé en bloc, selon le nouveau régime, au 1er janvier 2023, à la chambre du contentieux de la Cour des comptes ?
La CDBF en avait assez douté pour transmettre au Conseil d’Etat une QPC à ce sujet :
- voir cette décision CDBF, 24 novembre 2022, « Régie régionale des transports des Landes (RRTL) – Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) », n° 264-865
- voir notre article :
Cette QPC, le Conseil d’Etat vient de la rejeter et, donc, d’estimer qu’il n’y avait pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Mais cette réponse, apportée par le Conseil d’Etat, tient moins à un débat tranché sur le fond qu’à une manière pour la Haute Assemblée de jouer sur les mots, ou plutôt de s’en tenir strictement à la question posée, ce qui la rendait aisée à rejeter.
Le Conseil d’Etat ne statue ainsi pas sur la constitutionnalité du fait de juger les faits anciens selon les règles nouvelles, qui était réellement susceptible d’être débattue en droit sauf à prévoir une application in mitius ou sauf à maintenir les anciennes règles de fond quitte à les faire juger par la Cour des comptes.
Mais aucune de ces deux solutions n’a ‘été prévue par les rédacteurs de l’ordonnance réformant et unifiant la responsabilité financière des ordonnateurs et des comptables.
Il a été plus commode pour le Conseil d’Etat de constater que la question posée, qui soulevait en réalité ces difficultés, n’était pas exactement rédigée comme telle… rendant celle-ci aisée à rejeter et le problème commode à contourner. On a vu parfois le juge requalifier des questions ambiguës quand cela l’arrangeait. Ce ne fut pas fait ici au point que l’on arrive à un point 4 de la décision du Conseil d’Etat fort sévère :
« 4. M. B… soutient que les dispositions citées au point 2 méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines, garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en tant que le I de l’article 29 reporte au 1er janvier 2023 l’application du nouveau régime de responsabilité aux ordonnateurs et en tant que le II de l’article 30 fixe à cette même date la transmission, à la Cour des comptes, des affaires ayant fait l’objet d’un réquisitoire introductif devant la Cour de discipline budgétaire et financière à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il résulte toutefois de ces dispositions que M. B…, initialement poursuivi devant la Cour de discipline budgétaire et financière au titre de faits commis dans ses fonctions d’ordonnateur, doit, compte tenu de l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance du 23 mars 2022 le concernant, soit le 1er janvier 2023, être jugé par la Cour des comptes, qui appliquera le nouveau régime de responsabilité mis en place par l’ordonnance. Dès lors, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l’article 29 et du II de l’article 30 en tant qu’elles reportent l’entrée en vigueur du nouveau régime de responsabilité des ordonnateurs, est sans incidence sur le litige dont est désormais saisi la Cour des comptes. Par suite, ces dispositions ne sont pas applicables au litige au sens et pour l’application de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958. »
Peut-on en vouloir au Conseil d’Etat ? NON. Il n’a pas requalifié la question posée, ce qu’il aurait pu faire et fait parfois, mais il est vrai que quand des écritures sont portées par un avocat, il est réticent à de telles requalifications. Mais bon il n’était tout de même pas très complexe de comprendre ce que le requérant voulait dire…
Libre, cela dit, aux requérants, y compris celui-ci, de soulever une nouvelle QPC…
Voici cette décision en forme de coup de massue :
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