Quelles sont les lignes aériennes qui seront supprimées au terme du décret d’application de la loi climat / résilience, pour cause d’offre suffisante d’alternative par le train ?

La loi climat / résilience n° 2021-1104 du 22 août 2021 a donné lieu, après un match confus entre avion et train (voir ici), a conduit à cette formulation du code des transports :

Article L. 6412-3
« I.-L’exploitation de services réguliers ou non réguliers de transport aérien public au départ, à destination ou à l’intérieur du territoire français est soumise à autorisation préalable de l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat et, pour ceux de ces services relevant du règlement (CE) n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, dans le respect des dispositions de ce règlement. A cet effet, les programmes d’exploitation des transporteurs aériens sont soumis à dépôt préalable ou à l’approbation de l’autorité administrative.

« II.-Sont interdits, sur le fondement de l’article 20 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 précité, les services réguliers de transport aérien public de passagers concernant toutes les liaisons aériennes à l’intérieur du territoire français dont le trajet est également assuré sur le réseau ferré national sans correspondance et par plusieurs liaisons quotidiennes d’une durée inférieure à deux heures trente.

« Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du premier alinéa du présent II, notamment les caractéristiques des liaisons ferroviaires concernées, qui doivent assurer un service suffisant, et les modalités selon lesquelles il peut être dérogé à cette interdiction lorsque les services aériens assurent majoritairement le transport de passagers en correspondance ou peuvent être regardés comme assurant un transport aérien décarboné. Il précise les niveaux d’émissions de dioxyde de carbone par passager transporté au kilomètre que doivent atteindre les services aériens pour être considérés comme assurant un transport aérien décarboné. »

 

On n’est donc pas à proprement parler dans l’épure de ce qui a été vulgarisé, à savoir une interdiction de l’avion quand un train peut en moins de 2h30 faire l’affaire. Encore faut-il que le train soit performant, que l’on ne soit pas sur de la gestion de correspondances, etc.

Le décret prévu par le II de cet article est au JO de ce matin. Il s’agit du :

  • Décret n° 2023-385 du 22 mai 2023 précisant les conditions d’application de l’interdiction des services réguliers de transport aérien public de passagers intérieurs dont le trajet est également assuré par voie ferrée en moins de deux heures trente (NOR : TREA2301710D) :
Ce décret reste certes dans les limites de ce qui est prévu : l’interdiction du trafic aérien sur les liaisons aériennes intérieures s’applique dès lors que le mode de transport ferroviaire fournit un service alternatif satisfaisant.
C’est le code de l’aviation civile, et non le code des transports, qui est modifié en conséquence (avec un nouvel article R. 330-6-1).
Aux termes de cet article, les conditions de substituabilité des liaisons ferroviaires doivent répondre cumulativement aux conditions suivantes :
  • « 1° Le trajet doit s’effectuer entre des gares desservant les mêmes villes que les aéroports respectivement concernés.Toutefois, lorsque le plus important de ces deux aéroports, au vu du trafic moyen constaté au cours des sept dernières années, est directement desservi par un service ferroviaire à grande vitesse, la gare prise en compte pour l’application des dispositions du présent alinéa est celle desservant cet aéroport ;
    « 2° La liaison est assurée sans changement de train entre ces gares, plusieurs fois par jour et avec un service satisfaisant, au sens de l’article 20 du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, y compris au regard du caractère abordable des tarifs du transport ferroviaire de substitution. A cette fin, les fréquences doivent être suffisantes et les horaires appropriés, compte tenu des besoins de transport des passagers empruntant cette liaison, notamment en matière de connectivité et d’intermodalité, ainsi que des reports de trafic qui seraient entraînés par l’interdiction ;
    « 3° La liaison doit permettre plus de huit heures de présence sur place dans la journée, tout au long de l’année.
    « II. – Avant chaque saison aéronautique, le ministre chargé de l’aviation civile fait procéder à une évaluation ayant pour objet de déterminer les liaisons aériennes potentiellement concernées pour lesquelles il existe un service ferroviaire de substitution satisfaisant. Il informe les transporteurs potentiellement intéressés des liaisons aériennes susceptibles d’être interdites. »

On le voit :

  • le cas des gares TGV / aéroport est pris en compte
  • le caractère suffisant en termes de desserte et d’horaires est précis sur le fait qu’il faut plusieurs trains par jour, mais flou pour le reste (mais les critères de connectivité et d’intermodalité)
  • le mètre étalon de 8h sur place dans la journée « tout au long de l’année » sera souvent le critère dirimant pour les petites lignes ferroviaires

 

Ce décret s’appliquera pendant une durée de trois ans (avec une évaluation à faire par le ministère au terme de deux ans).

 

POUR UN DÉCRYPTAGE PLUS PRÉCIS VOIR CETTE MINI-VIDÉO :