Restitution des animaux à leurs propriétaires par les PM et GC : y’a un bug !

Le législateur avait prévu un régime commode au terme duquel des agents de police municipale ou des garde-champêtres pouvaient restituer leurs animaux à leurs propriétaires contre paiement d’un versement libératoire forfaitaire. C’était commode. Habile même. Mais un bug commis par le législateur, qui s’est emmêlé les pinceaux dans ses renvois entre textes, conduit à l’impossibilité de mettre en oeuvre ce régime (sauf à faire appel à des douaniers, des ingénieurs… c’est ubuesque). Ceci est un appel au législateur : pitié, corrigez le tir ! Merci d’avance. 

 

I. Rappel du volet territorial de la loi 2021-1539

 

La loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes comportait de très nombreux volets que j’avais tenté de résumer dans un article et une vidéo :

https://youtu.be/dmwDXnMaLS0

 

 

En matière de fourrières animales, les apports de cette loi pouvaient être ainsi résumés pour ne retenir que les éléments qui concernent très directement les collectivités territoriales :

  • Chaque commune ou EPCI, s’il en a la compétence, doit disposer d’une fourrière animale. Mais il est loisible, pour répondre à cette obligation de « mutualiser »  / intercommunaliser une telle fourrière, et ce y compris via une simple convention entre communes.
  • L’activité peut donner lieu à DSP. Les capacités de ces fourrières doivent être adaptées aux besoins de ces communes.
    Concrètement, une vague d’intercommunalisation de la compétence devrait être en toute logique envisagée par les acteurs locaux…
  • La restitution à leurs propriétaires des animaux mis en fourrière ne sera possible qu’après paiement des frais de garde avec une amende sinon).
  • Les règles de tenue des fourrières et refuge sont précisées (en matière notamment de données à transmettre à un fichier national).
  • Citons une partie de ce texte :
    • « Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
      1° L’article L. 211-24 est ainsi rédigé :
    • « Art. L. 211-24. – Chaque commune ou, lorsqu’il exerce cette compétence en lieu et place de ladite commune, chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dispose d’une fourrière apte à l’accueil et à la garde, dans des conditions permettant de veiller à leur bien-être et à leur santé, des chiens et chats trouvés errants ou en état de divagation, jusqu’au terme des délais fixés aux articles L. 211-25 et L. 211-26. Cette fourrière peut être mutualisée avec un autre établissement public de coopération intercommunale ou avec un syndicat mixte fermé. La commune compétente peut mettre en place une fourrière communale sur son territoire ou disposer du service d’une fourrière établie sur le territoire d’une autre commune, avec l’accord de cette commune. Lorsqu’elle ne l’exerce pas en régie, la commune peut confier le service public de la fourrière à des fondations ou associations de protection des animaux disposant d’un refuge, sous forme de délégation de service public et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
      « La fourrière a une capacité adaptée aux besoins de chacune des communes pour lesquelles elle assure le service d’accueil des animaux en application du présent code. Cette capacité est constatée par arrêté du maire de la commune où elle est installée.
      « La surveillance dans la fourrière des maladies mentionnées à l’article L. 221-1 est assurée par un vétérinaire sanitaire désigné par le gestionnaire de la fourrière, dans les conditions prévues à la section 1 du chapitre III du titre préliminaire du présent livre.
      « Dans leurs contrats de prestations, les fourrières sont tenues de mentionner les sanctions encourues pour sévices graves ou actes de cruauté envers des animaux, mentionnées à l’article 521-1 du code pénal.
      « Les animaux ne peuvent être restitués à leur propriétaire qu’après paiement des frais de garde. En cas de non-paiement, le propriétaire est passible d’une amende forfaitaire dont les modalités sont définies par décret.
      « Par dérogation au cinquième alinéa du présent article, les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du présent code peuvent restituer sans délai à son propriétaire tout animal trouvé errant et identifié selon les modalités définies à l’article L. 212-10, lorsque cet animal n’a pas été gardé à la fourrière. Dans ce cas, l’animal est restitué après paiement d’un versement libératoire forfaitaire dont le montant est fixé par arrêté du maire.
      « Le gestionnaire de la fourrière est tenu de suivre une formation relative au bien-être des chiens et des chats, selon des modalités fixées par un décret qui prévoit des équivalences avec des formations comparables. » ;

 

Le décret, au sujet de ce dernier alinéa, a ensuite été publié au JO :

L’article D. 211-12-2 du code rural et de la pêche maritime créé par ce décret entre en vigueur le 1er janvier 2023 et il est ainsi rédigé :

« Art. D. 211-12-2. – Les gestionnaires de fourrière justifient soit :
« 1° Avoir suivi une formation dans un établissement habilité par le ministre chargé de l’agriculture afin d’acquérir les connaissances relatives aux besoins biologiques, physiologiques, comportementaux et à l’entretien des chiens et des chats ;
« 2° Posséder une certification professionnelle, à condition que la formation suivie pour son obtention comporte un enseignement relatif au bien-être des chiens et des chats d’une durée au moins égale à six heures. La liste des certifications reconnues est établie par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. »

 

 

Voir aussi :

 

 

II. Un débat sur la possibilité pour les policiers municipaux et les garde-champêtres de mettre en oeuvre ce régime

 

Une des souplesses commodes de ce régime est dans cet extrait de l’article L. 211-24 code rural et de la pêche maritime (CRPM) :

« Par dérogation au cinquième alinéa du présent article, les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du présent code peuvent restituer sans délai à son propriétaire tout animal trouvé errant et identifié selon les modalités définies à l’article L. 212-10, lorsque cet animal n’a pas été gardé à la fourrière. Dans ce cas, l’animal est restitué après paiement d’un versement libératoire forfaitaire dont le montant est fixé par arrêté du maire. »

 

Reste à mettre en oeuvre ce régime. Sur ce point, un Sénateur a posé de questions de bon sens aux services de l’Etat :

Question de M. MIZZON Jean-Marie (Moselle – UC) publiée le 14/07/2022

M. Jean-Marie Mizzon interroge Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie sur la mise en application de l’article L. 211-24 du code rural et de la pêche maritime et, plus précisément, sur la possibilité – introduite par la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale – qu’ont désormais certains fonctionnaires et agents de restituer sans délai à son propriétaire tout animal trouvé errant et identifié, non placé à la fourrière, moyennant paiement d’une somme à fixer par arrêté municipal.
En effet, afin d’éviter un transfert systématique des animaux de compagnie capturés sur la voie publique dans une fourrière, la loi offre dorénavant cette possibilité à certains agents déterminés par le même article. L’animal est alors restitué directement à son propriétaire après paiement d’un versement libératoire forfaitaire dont le montant est fixé par arrêté du maire.
Aussi, il lui demande de lui préciser les modalités pratiques de cette nouvelle mesure. Il souhaite, en particulier, savoir si les agents de police municipale et les gardes champêtres sont habilités à procéder à cette opération de restitution sans délai contre paiement d’un versement libératoire. De fait, si de nombreux commentaires paraissent l’affirmer, il ne semble pas que cela soit expressément prévu par les textes auxquels l’article L. 211-24 du code rural et de la pêche maritime renvoie.
Dans le cas où ces agents seraient compétents, il la remercie de lui indiquer selon quelles modalités le versement libératoire forfaitaire doit être encaissé par l’agent qui restitue directement l’animal à son propriétaire contre paiement car, en l’espèce, il ne semble pas s’agir d’un cas d’amende pénale forfaitaire.
La mise en œuvre d’une amende administrative requerrait, quant à elle, la prise d’un arrêté et l’émission d’un titre de recette – ce qui semble incompatible avec la nécessaire concomitance entre le paiement libératoire et la restitution de l’animal.
Il lui demande enfin si la création d’une régie de recettes s’imposera pour la perception des sommes.
Il la remercie pour les informations qu’elle pourra lui communiquer en la matière.

Publiée dans le JO Sénat du 14/07/2022 – page 3551

NB : oui cela passe par une régie de recettes je pense. 

Et voici la réponse des services de l’Etat :

« Le ministre de la justice porte une attention particulière à la lutte contre toutes les formes de maltraitance animale. Dans ce cadre, le ministère de la justice s’est pleinement investi dans l’élaboration de cette loi, laquelle a renforcé l’arsenal législatif existant en édictant de nouvelles incriminations et en procédant à une aggravation des peines encourues. Les dispositions du nouvel article L. 211-24 du code rural et de la pêche maritime ont ainsi introduit la possibilité pour certains fonctionnaires et agents de restituer sans délai à son propriétaire tout animal trouvé errant et identifié selon les modalités définies à l’article L. 212-10, non placé à la fourrière, moyennant paiement d’une somme fixée par arrêté. L’article L211-24 du code rural et de la pêche maritime précise ainsi que sont habilités à procéder à cette restitution les fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du même code. Or, l’opération de restitution sans délai d’un animal trouvé errant mais identifié, contre paiement d’un versement libératoire ne peut pas être mise en oeuvre par les agents de la police municipale et les gardes champêtres, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du code rural et de la pêche maritime. Par ailleurs, il convient de préciser que les questions tenant, tant à la mise en oeuvre d’une amende administrative qu’à la création éventuelle d’une régie de recettes, ne relèvent pas de la compétence du ministère de la justice.»

Publiée dans le JO Sénat du 12/01/2023 – page 195

Source : https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701180.html

Quoi se diront les lecteurs de cette réponse ministérielle ? Ce texte a été fait pour que les policiers municipaux et autres gardes champêtres puissent, justement, faire ainsi !

OUI Mais… mais le ministre a raison. C’est le législateur qui s’est trompé.

Citons l’article L. 212-13 du CRPM :

Outre les fonctionnaires et agents mentionnés aux 1° à 6° du I de l’article L. 205-1, les agents des douanes ont qualité pour rechercher et constater les infractions aux dispositions du présent chapitre et des décrets et arrêtés pris pour son application ainsi qu’aux règlements de l’Union européenne relatifs à l’identification des animaux, dans les limites des circonscriptions où ils sont affectés.

Les policiers municipaux et les gardes champêtres ont qualité pour rechercher et constater les infractions à l’article L. 212-10 et aux décrets et arrêtés pris pour son application, dans les limites des circonscriptions où ils sont affectés.

Les agents de l’Institut français du cheval et de l’équitation, désignés par le directeur général de cet établissement, ont qualité pour rechercher et constater, sur l’ensemble du territoire national, les infractions aux dispositions de la section 3 et aux textes réglementaires pris pour son application ainsi qu’aux dispositions du droit de l’Union européenne ayant le même objet relatifs à l’identification des équidés.

Ils sont assermentés à cet effet dans des conditions fixées par décret.

 

La possibilité de rendre les animaux à leurs propriétaires contre rançon paiement d’un versement libératoire forfaitaire, prévue par l’article L. 211-24 code rural et de la pêche maritime (CRPM) précité… est ouverte aux « fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du » CRPM.

… lesquels sont donc :

  • les agents des douanes… qui auront rarement pour hobby d’aider le maire à rapporter médor à son pépère
  • les fonctionnaires et agents mentionnés aux 1° à 6° du I de l’article L. 205-1 dudit code, à savoir :
    • 1° Les inspecteurs de la santé publique vétérinaire ;
      2° Les ingénieurs ayant la qualité d’agent du ministère chargé de l’agriculture ;
      3° Les techniciens supérieurs du ministère chargé de l’agriculture ;
      4° (Abrogé) ;
      5° Les vétérinaires et préposés sanitaires contractuels de l’Etat ;
      6° Les agents du ministère chargé de l’agriculture compétents en matière sanitaire ou phytosanitaire figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l’agriculture.

 

Oui mais ne peut-on réintroduire dans cette liste les agents de police municipale et les gardes champêtres via le fait que ces fonctionnaires pourraient être incorporés à la liste qui ouvre le I. de cet article L. 205-1 due CRPM : « I. ― Sans préjudice des compétences des officiers et agents de police judiciaire et des autres agents publics spécialement habilités par la loi, sont habilités à rechercher et à constater les infractions […] ».

Oui… certes… mais l’article L. 211-24 du CRPM renvoie aux « fonctionnaires et agents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 212-13 du » CRPM…. qui ne renvoie pas à tout le I de l’article L. 205-1 de ce code, mais seulement à la liste des points 1° à 6°.

Le législateur doit donc revoir sa copie… ce qui peut prendre du temps… ou le juge devenir très compréhensif…. ce qui de toute éternité n’est pas son penchant naturel. Car nous lui demandons d’appliquer des textes. Pas de les réinventer en corrigeant les bourdes du législateur.