Louer un bien immobilier pour y loger les services de la commune ne forme pas, sauf clause exorbitante, un contrat administratif

« Les services d’acquisition ou de location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles, ou qui concernent d’autres droits sur ces biens » sont des marchés publics (1° de l’article L. 2512-5 du CCP).

Oui mais, à rebours de ce qu’avait prévu la loi « Murcef » du 11 décembre 2001, on peut désormais avoir des marchés publics qui ne sont pas des contrats administratifs.

Citons en effet l’article L. 6 du CCP :

« S’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs, sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie. Les contrats mentionnés dans ces livres, conclus par des personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses.
A ce titre :
1° L’autorité contractante exerce un pouvoir de contrôle sur l’exécution du contrat, selon les modalités fixées par le présent code, des dispositions particulières ou le contrat ;
2° Les contrats qui ont pour objet l’exécution d’un service public respectent le principe de continuité du service public ;
3° Lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ;
4° L’autorité contractante peut modifier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code, sans en bouleverser l’équilibre. Le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ;
5° L’autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code. Lorsque la résiliation intervient pour un motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat.

Sont donc exclus de cette qualité de contrat administratif, sauf à y revenir par les autres critères usuels (dont les clauses exorbitantes du droit commun ; non sans limites voir ici ou l’exécution du service public) … notamment les contrats du livre V de la 2e partie du CCP, à savoir ceux des articles L. 2500-1 à L. 2522-1… dont, par conséquent, les marchés de location 1° de l’article L. 2512-5 du CCP.

Mais quand on loue des bâtiments pour y loger des services municipaux/..N’est-ce pas une clause exorbitante en soi ? OU au minimum un cas d’exécution du service public ?

NON a répondu le tribunal des conflits.

Ce tribunal commence par poser que

« 2. Le bail conclu le 9 juin 2017 entre Mme C. et la commune de Baie-Mahaut, qui avait pour objet l’accueil temporaire des services de la ville, n’a pas le caractère d’un marché public. »

… ce qui était vrai dans le droit applicable à l’époque en vertu des dispositions du 3° de l’article 3 du code des marchés publics de 2006…

Cette affirmation serait erronée si elle s’appliquait à un contrat conclu à ce jour. Mais peu importe car le sujet est de savoir si le juge administratif ou judiciaire est compétent. Et, là, pour ce contrat de 2017 comme pour un autre bail qui serait conclu demain matin, le résultat est le même : le contrat n’est pas administratif sauf exorbitance ou sauf (cas improbable) si son contenu venait à dépasser la simple location pour conduire à une exécution du service public lui-même :

« Par ailleurs, le contrat ne comporte pas de clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Enfin, il a pour seul objet de répondre aux besoins de fonctionnement des services de la ville et non pas de confier à la cocontractante l’exécution d’un service public dont la commune a la charge. Dès lors, ce contrat ne revêt pas un caractère administratif. »

 

Le juge judiciaire est donc compétent :

TC, 3 juillet 2023, n° 4278 (ou C4278 ou C-4278)

NB : voir une note de la DAJ à ce sujet : https://www.economie.gouv.fr/daj/lettre-de-la-daj-le-tribunal-des-conflits-explicite-la-nature-juridique-des-marches-de-services