Un message sur les réseaux sociaux, apologétique du terrorisme, pourra être poursuivi en France.
Mais l’écriture de ce message en français et son accessibilité en France ne suffiront pas à donner compétence au juge français pour en connaître.
Encore faut-il qu’en plus un rattachement particulier à la France, qui sera apprécié au cas par cas, s’ajoute à ces critères, comme par exemple la stigmatisation de la France ou autre ciblage particulier.
Précisons qu’il semble à ce stade s’agir plus de faisceaux d’indices que de critères (par exemple, il n’est pas certain qu’un message d’apologie du terrorisme ciblant spécialement la France échapperait aux poursuites uniquement du fait qu’il serait rédigé en langue étrangère…).
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NB 1 : à ne pas confondre avec les règles en matière d’indemnisation ou de blocage voire d’effacement de ces messages.. Je ne parle, là, que du PÉNAL.
NB 2 : et hors crime de guerre, crime contre l’humanité et tortures, pour lesquelles la Cour de cassation a récemment considérablement étendu les critères permettant de fonder la compétence universelle de la justice française (Cour de cassation, plén., 12 mai 2023, 22-80.057 ; Cour de cassation, plén., 12 mai 2023, 22-82.468).
Des messages sur les réseaux sociaux, écrits depuis l’étranger, et faisant l’apologie du terrorisme, pourront PARFOIS donner lieu à des poursuites en France, vient de trancher la Cour de cassation, confirmant une jurisprudence applicable à d’autres actes infractions en matière de délit de presse :
« 9. La Cour de cassation juge qu’en l’absence de tout critère rattachant au territoire de la République des propos incriminés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-86.645, Bull. crim. 2016, n° 218).
10. L’apologie publique d’actes de terrorisme pouvant procéder de propos diffusés par le réseau internet depuis un territoire étranger, accessibles depuis la France, il y a lieu de considérer que, pour cette infraction également, cette circonstance ne caractérise pas à elle seule un acte de publicité sur le territoire de la République rendant le juge français compétent pour connaître de ce délit, en l’absence de tout critère rattachant les propos incriminés audit territoire.»
Oui mais quand, dès lors, ce rattachement à la France sera-t-il assez caractériser pour fonder des poursuites pénales dans notre pays ?
L’arrêt rappelle que la langue française servant à commettre l’infraction ne suffit pas à elle seule au contraire de ce qu’avaient estimé les premiers juges :
« 11. En l’espèce, pour écarter l’exception d’incompétence territoriale soulevée par le prévenu et confirmer le jugement, l’arrêt attaqué énonce notamment que les tweets litigieux de M. [U] ont été publiés et diffusés sur le réseau internet en langue française et qu’ils étaient accessibles à tous sans aucune restriction depuis le territoire français.
« 12. Les juges ajoutent que, dès lors que la publicité des écrits, élément constitutif de l’infraction d’apologie du terrorisme reprochée, a eu lieu sur le territoire de la République, l’infraction est réputée commise sur ce territoire.
« 13. Ils en concluent que, quand bien même les messages auraient été écrits par M. [U], alors qu’il se trouvait en Algérie, les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire national puisque lesdits messages étaient publics et accessibles, tant sur le plan technique que linguistique, depuis le territoire français. »
Encore faut-il qu’en plus un rattachement particulier à la France, qui sera apprécié au cas par cas, s’ajoute à ces critères, comme par exemple la stigmatisation de la France ou autre ciblage particulier.
En d’autres termes, la combinaison « langue française + ciblage ou stigmatisation de la France » a pu en l’espèce suffire à fonder un rattachement suffisant à notre pays pour fonder les poursuites de cette infraction en France, pour résumer, certes schématiquement, la position de la Cour de cassation :
« 14. C’est à tort que les juges ont retenu que les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire national, les messages diffusés étant accessibles depuis le territoire français, dès lors que cette circonstance ne caractérise pas, à elle seule, en l’absence de critère de rattachement desdits propos au territoire de la République, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître.
« 15. Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure dès lors qu’il en résulte que les propos poursuivis ont été diffusés en langue française, certains accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l’organisation dite Etat Islamique, d’autres incitant les musulmans à se sentir étrangers sur « toutes les terres qui refusent d’appliquer et combattent les lois d’Allah », notamment la France,
et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste, éléments qui constituent, en l’espèce, des critères suffisants de rattachement desdits propos au territoire français. »
Précisons qu’il semble à ce stade s’agir plus de faisceaux d’indices que de critères (par exemple, il n’est pas certain qu’un message d’apologie du terrorisme ciblant spécialement la France échapperait aux poursuites uniquement du fait qu’il serait rédigé en langue étrangère…).
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