Au contraire des communes (voisines ou d’implantation), un département ou une région ne seront que rarement des « tiers intéressés » susceptibles d’attaquer l’autorisation environnementale d’un parc éolien

Le Conseil d’Etat vient de poser qu’au sens des articles  R. 181-50 du code de l’environnement  et L. 511-1 de ce même code, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.

Reste ensuite à distinguer les compétences de chacun à cette aune pour apprécier qui pourra agir :

  • le cas des départements est simple et permet au Conseil d’Etat de s’abandonner à une formulation un brin trop martiale et trop laconique, nous y reviendrons ci-après :
    • « Compte tenu des inconvénients ou dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 susceptibles d’affecter la situation du département, les intérêts dont il a la charge et les compétences que la loi lui attribue, est irrecevable le recours du conseil départemental sur le territoire duquel est prévue l’installation et l’exploitation d’un parc éolien, faute de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.»
  • avec leur compétence SRADDET (ou PADDUC ou SAR ou SDRIF selon les cas), les régions pouvaient sembler avoir une compétence toute trouvée pour justifier de leur intérêt à agir. Le Conseil d’Etat, au terme d’une démonstration un peu plus détaillée (mais avec quasiment un « tête à queue » final sans que le raisonnement n’apparaisse clairement !), n’est pas de cet avis :
    • « Il résulte de des articles L. 4221-1, L. 4251-1 et L. 4251-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que la région a compétence pour promouvoir « l’aménagement et l’égalité de ses territoires », pour « assurer la préservation de son identité » et qu’elle élabore un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), lequel fixe notamment des objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière, notamment « d’équilibre et d’égalité des territoires, d’implantation des différentes structures d’intérêt régional », de « lutte contre le changement climatique, de développement des énergies renouvelables », ainsi qu’en matière de « protection et de restauration de la biodiversité ». Les objectifs de ce schéma doivent être pris en compte par les documents d’urbanisme mentionnés à l’article L. 4251-3 du code général des collectivités territoriales. Ce schéma peut en outre, pour contribuer à atteindre les objectifs qu’il fixe, énoncer des règles générales, qui s’imposent à ces documents d’urbanisme. Compte tenu des inconvénients ou dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181 3 du code de l’environnement susceptibles d’affecter sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue, une région sur le territoire de laquelle est prévue l’implantation d’un parc éolien ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’autorisation environnementale pour l’exploitation d’un parc éolien.»
  • alors que les communes (au moins celles d’implantation et souvent les communes voisines), si elles n’auront pas la reconnaissance de plein droit de leur intérêt à agir, disposent de compétence, certes à apprécier au cas par cas, qui leur rendront, au moins au stade de la recevabilité, leur recours un brin moins difficiles. Citons le futur résumé du rec. sur ce point :
    • « Suffisent à établir que la situation d’une commune ou les intérêts dont elle a la charge seraient spécialement affectés par un projet de parc éolien sur le territoire d’une commune voisine, les circonstances que ce projet affecterait directement la qualité de son environnement et aurait un impact sur son activité touristique, en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales résultant de la proximité ou covisibilité du site d’implantation du projet avec plusieurs monuments historiques et sites inscrits et de la présence de zones naturelles à préserver, dont une zone Natura 2000, susceptibles d’être affectées par le fonctionnement du parc éolien et situées à proximité immédiate de ce dernier.»

Il faut donc se fonder sur les intérêts que l’on est fondé à défendre à l’aune de ses compétences… sans que la démarche ne puisse être trop grossière.

Nous sommes là dans la droite ligne d’autres jurisprudences antérieures qui, au moins par analogie, peuvent être citées :

  • Il n’est pas possible d’opposer, à la demande d’une commune, un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 153-11 à une demande d’autorisation environnementale (éoliennes) pour une commune au motif que son PLU est en cours d’élaboration (CE, avis contentieux, 9 juillet 2021, Société les Pâtis Longs, n° 450859)
  • Un règlement départemental de voirie ne peut pas être utilement peut-il être opposé à une autorisation unique (parc éolien en l’espèce ; CE, 7 mars 2022, n° 440245, aux tables du recueil Lebon) ?
  • Une commune ne peut pas légalement délibérer pour s’opposer par principe à tout projet éolien (TA Limoges, 25 mai 2022, n° 2101893, concl. P.-M. Houssais)
  • Une commune qui se borne à faire état de l’atteinte qu’un projet, faisant l’objet d’un permis de construire délivré par la commune limitrophe, porte à l’environnement visuel de ses habitants, sans se prévaloir d’une incidence sur sa propre situation ou sur les intérêts dont elle a la charge, ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de ce permis de construire (CE, 22 mai 2012, 326367)

 

On pourrait croire qu’un département ou qu’une région serait toujours irrecevable… à lire trop strictement le point de principe repris dans le résumé des tables que voici, pour reprendre la partie de cette prose concernant les conseils départementaux :

« Compte tenu des inconvénients ou dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 susceptibles d’affecter la situation du département, les intérêts dont il a la charge et les compétences que la loi lui attribue, est irrecevable le recours du conseil départemental ou du conseil régional sur le territoire duquel est prévue l’installation et l’exploitation d’un parc éolien, faute de justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.»

… Ces formulations sont sans doute trop radicales, et ne manqueront pas, pouvons nous supposer, d’être nuancées dans les temps à venir.

En effet, un projet de parc éolien très proche, par exemple, d’un collège ou d’un lycée, pourra sans doute permettre au département ou à la région d’avoir un intérêt à agir contre le projet éolien concerné en tant que tiers intéressés au sens de l’article R. 181-50 du code de l’environnement. 

Sources :

 

 

VOIR AUSSI CETTE COURTE VIDEO

 

https://youtu.be/ajji_aQjCiU