Point de situation concernant les modifications du droit de l’affichage au 1er janvier 2024 [vidéo ; décret ; interview de J.-Ph. Strebler]

Photo : col. personnelle (appel à un rassemblement religieux en Guyane - affiche 4X3)

La loi de finances pour 2024 a été adoptée. La décentralisation des compétences en matière d’affichage est effective. Le décret tant attendu en ce domaine est enfin publié. Voici donc l’occasion de faire un point sur tout ceci, avec survol du nouveau décret et, surtout, une nouvelle interview, écrite cette fois, de notre partenaire M. Jean-Philippe Strebler, à ces sujets, faite le 1er janvier 2024. 


 

I. Rappel du cadre applicable et de la grande bascule de 2024

 

Ce 1er janvier 2024 aura été celui d’une nouvelle grande bascule en matière de droit de l’affichage.

Les publicités, préenseignes et enseignes ont un cadre juridique complexe.

Sources : art. L. 581-4 à L. 581-24 et R. 581-1 à R. 581-71 du Code de l’environnement… notamment.

Avec une distinction entre une compétence :

  • consistant à adopter un règlement local de publicité
  • exercer le pouvoir de police administrative en ce domaine (déclarations préalables, autorisations préalables, amendes administratives, demande de suppression ou de mise en conformité, astreinte administrative, exécution d’office, rôle aussi dans le volet pénal (parfois via des mutualisations)…

En 2024, le droit prévoit :

  • une intercommunalisation de la compétence règlement local de publicité (RLP) avec la compétence PLUi (ou facultativement même sans le PLU)
  • un régime complexe s’agissant du pouvoir de police, la loi climat / résilience du 22 août 2021 ayant notamment prévu la décentralisation du pouvoir de la police de la publicité extérieure aux collectivités.

Si l’intercommunalité est compétente en matière de plan local d’urbanisme ou de règlement local de publicité, le pouvoir de police de la publicité est transféré à chacun des maires le 1er janvier 2024, puis au président d’intercommunalité à compter du 1er juillet 2024…

… pour toutes les communes dont le maire ne s’est pas opposé à ce transfert entre le 1er janvier et le 30 juin 2024.
 Avec possibilité de refus pour le président de l’EPCI si au moins un maire a dit non

Si l’intercommunalité n’est pas compétente en matière de PLU ou de RLP, ce pouvoir de police est :

• conservé par les maires des communes membres de plus de 3 500 habitants ;

•  devait être transféré au président d’intercommunalité pour les moins de 3 500 habitants dès le 1er janvier, sans faculté d’ « opposition » des maires, ni de « renonciation » du président. Mais ce cas des communes de moins de 3 500 habitants a donné lieu à un cavalier législatif dans la loi de finances pour 2024… qui aurait du être censuré par le Conseil constitutionnel, qui est fragile en cas de QPC… mais qui est passé dans la loi de finances pour 2024 donc ( loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 ; NOR : ECOX2322957L). L’article 250 de ladite loi supprime la phrase « dans les communes de moins de 3 500 habitants, ces prérogatives sont transférées au président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, y compris lorsque cet établissement n’est pas compétent en matière de plan local d’urbanisme ou de règlement local de publicité »… sauf qu’en cas de litige, via une QPC, il est possible que cette formulation soit fragile en droit.

… et de toute manière on rebat les cartes en cas ensuite de transfert de la compétence PLU ou RLP à l’intercommunalité.

A ne pas confondre avec la question des modalités de neutralisation financière de ce transfert, qui est, elle aussi, dans cette loi de finances.

 

 

II. Le nouveau décret 

 

Après cette loi de finances, a été publié le décret n° 2023-1409 du 29 décembre 2023 portant modification de diverses dispositions du code de l’environnement relatives à la publicité, aux enseignes, aux préenseignes et aux paysages (NOR : TREL2303931D) :

 

Ce décret :

  • adapte les dispositions réglementaires du code de l’environnement relatives à l’autorité compétente en matière de police de la publicité pour prendre en compte la décentralisation de cette police prévue par l’article 17 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience, et ce au 1er janvier 2024.
  • renvoie à l’application du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) pour ce qui concerne la saisine par voie électronique
  • abroge les dispositions contenues à l’annexe 1 du décret n° 2015-1408 du 5 novembre 2015 relatives aux exceptions à titre définitif de saisine de l’administration par voie électronique et concernant les déclarations préalables et demandes d’autorisation préalable en matière de publicité, d’enseignes et de préenseignes relevant de l’Etat.
  • procède à l’actualisation ou à la correction de certaines dispositions réglementaires du code de l’environnement en matière de publicité et de directives de protection et de mise en valeur des paysages.

 

 

III. Vidéo de M. Strebler faite à la fin de l’adoption de la loi de finances, avant le décret 

 

Avant la publication de ce décret, nous avions voulu interroger (via une vidéo de 12 mn 03)  notre partenaire à ce sujet, à savoir :

 

https://youtu.be/IPNhaEo1T1g

Il s’agit d’une reprise d’un dossier extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, intitulée « les 10′ juridiques », faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés.

Pour mieux connaître notre partenaire WEKA, fort de 40 ans d’expertise : http://www.weka.fr

IV. Nouveau point d’étape, sous forme d’interview écrite de M. Strebler, au 1er janvier 2024, après la publication du décret 

 

Maintenant que ce décret a été publié au JO, j’ai voulu de nouveau demander un point d’étape à M. J.-Ph. Strebler, mais sous forme d’interview écrite cette fois. La voici :


 

 

Point de situation concernant les modifications du droit de l’affichage au 1er janvier 2024

EL : Prévue par la loi « climat et résilience » du 22 août 2021, la décentralisation des pouvoirs de police de l’affichage est donc entrée en vigueur ce 1er janvier 2024 ?

J.-Ph. Strebler : Il s’agit sans doute de l’évolution majeure du droit de l’affichage pour 2024 : ce transfert de toutes les compétences de police -qu’il s’agisse des déclarations ou autorisations préalables ou des interventions à l’encontre des dispositifs irréguliers- prévu depuis plus de deux ans nécessitait encore qu’une loi de finances précise les modalités financières de cette décentralisation généralisée (où l’État ne gardera pas même une possibilité de substitution en cas de carence des autorités décentralisées…). Un amendement gouvernemental dans le projet de loi de finances pour 2024 aura permis de préciser que le concours particulier prévu pour l’établissement et la mise en œuvre des documents d’urbanisme et des servitudes au sein de la dotation globale de décentralisation sera majoré sur la base du coût (rémunération et moyens de fonctionnement) des quelque 60 agents en équivalent temps plein qui étaient, dans les services de l’État, chargés de l’exercice de la police de l’affichage au 31 décembre 2023. Il ne fait guère de doute que cette somme considérable répartie entre les 35 000 communes ou leurs 1250 communautés et métropoles nécessitera probablement de mobiliser un microscope électronique pour en détecter la trace dans les dotations de l’État aux budgets locaux !

Mais si ce sous-poudrage était prévisible, le Gouvernement a aussi profité de cette obligation constitutionnelle de compenser financièrement la décentralisation des compétences de police de l’affichage pour changer, in extremis et à la demande de l’Association des maires de France, les modalités de ce transfert dans les 15 000 communes qui sont membres de communautés non compétentes en matière de plan local d’urbanisme : l’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales tel que modifié par la loi du 22 août 2021 prévoyait en effet que les compétences de police de l’affichage seraient transférées de plein droit au président de la communauté pour les communes de moins de 3 500 habitants : le 2° du paragraphe II de l’article 250 de la loi de finances a supprimé ce transfert automatique, sans que le Conseil constitutionnel n’y ait vu de cavalier budgétaire qui n’avait pas sa place dans une loi de finances. Dans les 496 communautés de communes ou d’agglomération qui ne sont pas compétentes en matière de PLU, c’est donc, quelle que soit la population des 15 000 communes concernées, chacun des maires qui est devenu l’autorité de police compétente en matière d’affichage publicitaire. Il faut simplement espérer pour les finances de ces communes, qu’il n’y aura pas beaucoup d’autorisations de publicités numériques qui seront demandées dans ces communes pour des publicités lumineuses par exemple auxquelles ces maires ne sauraient pas opposer dans les deux mois les refus qui s’imposeraient légalement…

EL : Ce réajustement législatif constitue-t-il le seul changement qui est intervenu le 1erjanvier 2024 ?

J.-Ph. Strebler : Au-delà de ce changement législatif du régime de compétence entre maires et présidents dans ces 15 000 communes, un décret du 29 décembre 2023 est lui aussi venu apporter des corrections aux dispositions réglementaires du code de l’environnement pour tenir compte de la décentralisation des compétences de police de l’affichage. Ce décret toilette les dispositions concernant les procédures de déclaration et d’autorisation et fait notamment de la mairie de la commune d’installation des dispositifs le “guichet unique” des formalités, à charge pour le maire de transmettre déclarations et demandes d’autorisations au président de leur métropole ou communauté qui deviendra éventuellement compétent à compter du 1er juillet 2024. Le décret acte aussi la suppression des possibilités de substitution préfectorale en cas de carence du maire (ou du président), qu’il s’agisse des arrêtés de mise en demeure ou de la mise en recouvrement de l’astreinte.

Mais, après les décrets du 30 octobre 2023 (modification des surfaces unitaires maximales pour les publicités et certaines enseignes) et du 17 novembre 2023 (réglementation de la publicité en mer), le décret du 29 décembre 2023 comporte aussi plusieurs autres modifications :

  • la modification majeure -et qui a suscité des milliers (12 635 !) de réactions lors de la consultation sur le projet de décret- concerne la correction d’une erreur rédactionnelle du décret du… 30 janvier 2012 : l’article R. 581-42 du code de l’environnement interdisait les publicités scellées au sol sur mobilier urbain dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants hors unités urbaines de plus de 100 000 habitants, alors que l’article R. 581-47 les admettait dans la limite de 2 m² et de 3 m de haut. Ces deux articles sont mis en cohérence pour régulariser ces publicités de 2 m² apposées le plus souvent au dos de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local installés depuis des décennies dans de très nombreuses communes. Il ne s’agit toutefois pas, comme les associations l’avaient (mal) compris lors de la consultation publique, d’admettre des publicités « numériques » sur ces mobiliers urbains : celle-ci reste expressément interdite dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants ;
  • plusieurs ajustements concernent la publicité lumineuse : suppression de la fixation ministérielle de normes de luminance « maximale » au profit d’une luminance « moyenne » (l’arrêté correspondant n’a pas encore été adopté depuis… février 2012) ainsi que de normes de consommation électrique maximale pour les publicités « numériques » (l’arrêté correspondant n’avait pas été adopté… et n’aurait jamais été applicable faute de moyens donnés à l’administration de contrôler cette consommation électrique), et possibilité nouvelle de maintenir allumées toute la nuit les publicités lumineuses dans l’emprise des 17 marchés d’intérêt national ;
  • quelques précisions concernant la publicité sur les véhicules équipés ou utilisés à des fins essentiellement publicitaires : c’est l’autorité de police de la circulation (routière) et non pas celle de la police de l’affichage qui accorde les dérogations aux règles applicables aux véhicules publicitaires terrestres lors de manifestations particulières, et de manière plus anecdotique, sur les eaux intérieures, il est désormais question de publicités sur les « bateaux » et non plus sur les « bâtiments »…
  • enfin, la délibération qui approuve un règlement local de publicité n’est plus soumise aux formalités de publicité applicables aux plans locaux d’urbanisme, mais aux formalités de droit commun prévues par le code général des collectivités territoriales.

EL :Voilà donc une année 2024 qui s’annonce comme imposant quelques remises en question dans les communes, communautés et métropoles ?

J.-Ph. Strebler : Assurément. D’autant que, cerise sur le gâteau du Nouvel an, on peut aussi relever que, dans un domaine très proche, la fiscalité spécifique de l’affichage publicitaire et des enseignes a, elle aussi, connu une évolution sensible puisqu’une ordonnance du 20 décembre 2023 a « transféré » l’essentiel des dispositions législatives du code général des collectivités territoriales relatives à la taxe locale sur la publicité extérieure vers le nouveau code des impositions sur les biens et services : abrogation des articles L. 2333-7 à -13 et -16 du cgct et création des articles L. 454-39 à -77 du cibs. Ce transfert opéré « à droit constant » s’accompagne toutefois de plusieurs évolutions du vocabulaire employé qui imposera aux collectivités concernées d’intégrer non seulement les nouvelles références des textes opposables (en attendant le transfert à venir des dispositions réglementaires du cgct…) mais aussi de nouvelles expressions des règles…

L’année 2024 imposera donc bien aux collectivités du bloc communal de se réadapter pour prendre en compte ces évolutions juridiques multiples du droit de l’affichage !

 

M. Jean-Philippe Strebler