Deux décrets sur le statut des magistrats des juridictions financières (notamment les présidents de section) ainsi que sur les procédures devant celles-ci

Ont été publiés deux décrets au JO qui, sous couverts de réformes anodines, entraînent de notables changements pour les juridictions financières :

  • Décret n° 2024-63 du 1er février 2024 relatif au statut des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ainsi qu’à l’organisation et aux procédures des juridictions financières (NOR : CPTJ2332122D)
    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049078667
  • Décret n° 2024-64 du 1er février 2024 modifiant le décret n° 2023-482 du 21 juin 2023 relatif à l’échelonnement indiciaire applicable aux magistrats de la Cour des comptes, aux magistrats des chambres régionales des comptes et aux agents occupant les emplois de conseiller maître en service extraordinaire, de conseiller référendaire en service extraordinaire et d’auditeur à la Cour des comptes (NOR : CPTJ2332121D)
    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049078777

 

Il s’agit :

  • de faire évoluer, pour les mettre à jour, les règles d’incompatibilité applicables aux magistrats de chambres régionales et territoriales des comptes (CRC ; CTC ; l’abréviation englobant ces deux catégories étant usuellement CRTC).
  • de tirer les conséquences de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 dont l’article 53 prévoit la dissociation du grade et de l’emploi de président de section sur les grilles d’échelonnement indiciaire applicables aux magistrats de chambres régional :
    • Chaque section de CRTC est ainsi présidée par un président de section (PS), nommé pour trois ans (renouvelables ; maximum 9 ans mais avec quelques subtilités) par le premier président (PP) de la Cour des comptes, après avis du président de la CRC/CTC concernée, parmi les magistrats de chambre  ayant le grade de conseiller président.
    • Il ne peut être mis fin à leurs fonctions avant le terme de cette durée que sur leur demande ou pour motif disciplinaire.
    • Pour une durée qui ne peut excéder six mois (point notable), les fonctions de PS peuvent être exercées par un magistrat de la chambre concernée ayant au moins le grade de premier conseiller désigné, avec son accord, par le PP de la Cour des comptes, sur proposition du président de chambre.
    • Les magistrats ayant le grade de conseiller président peuvent exercer les fonctions de rapporteur ou de contre-rapporteur.
  • d’ajuster les modalités de remplacement des membres élus des conseils supérieurs de la Cour des comptes et des CRTC afin d’assurer la présence d’au moins un membre suppléant au sein de chaque collège.
  • d’opère un certain nombre d’adaptations à la suite de la réforme du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RGP),
  • de créer une mission d’évaluation des politiques publiques par les CRTC (réforme statutaire de juin 2023).

 

Points importants à noter :

  • la limitation de la durée d’emploi des PS (9 ans, donc, avec quelques subtilités) est une révolution (débattue) dans ce monde des juridictions financières
  • le lien entre le grade de conseiller président et cet emploi de PS
  • le PS non reconduit peut rester dans la CRC comme rapporteur
  • une distinction entre le pouvoir de nomination (PP après avis du président de CRTC) et l’affectation à telle ou telle section qui relève du chef de juridiction
  • l’absence d’avis du Conseil supérieur sur ces nominations y compris leurs renouvellements
  • emploi réservé aux titulaires du grade de conseiller président, promus sur décision du Conseil supérieur (initialement il était envisagé de décorréler totalement le grade et l’emploi)

 

Dans les CRTC (art. R. 212-19 du CJF), avant ces nouveaux décrets, le ministère public était « exercé par un ou plusieurs procureurs financiers », avec la désignation d’un primus inter pares par décret dans ce dernier cas. Dans le nouveau régime :

« Le ministère public est exercé sous l’autorité d’un procureur financier dirigeant le ministère public ayant le grade de conseiller président ou, dans les chambres régionales des comptes comportant moins de trois sections, au moins le grade de premier conseiller.
« Lorsque plusieurs procureurs financiers sont affectés auprès d’une même chambre régionale des comptes, le procureur financier dirigeant le ministère public est, en cas d’absence, d’empêchement ou de vacance, remplacé par le procureur financier le plus anciennement nommé auprès de la chambre.

« Dans les chambres régionales des comptes auprès desquelles est affecté un seul procureur financier, en cas d’absence, d’empêchement ou de vacance de celui-ci, l’intérim du ministère public peut être exercé auprès de la chambre par un procureur financier d’une autre chambre désigné par le procureur général près la Cour des comptes, sous réserve des dispositions applicables dans les régions d’outre-mer. »

Aux termes de la nouvelle formation de l’article R. 220-6 du CJF, relatif au Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, sont :

  • « électeurs les magistrats des chambres régionales des comptes en position d’activité, de congé parental ou de détachement »
  • « éligibles les magistrats des chambres régionales des comptes qui ont la qualité d’électeur, à l’exclusion des magistrats en position de détachement, des magistrats en congé de longue durée au titre de l’article L. 822-12 du code général de la fonction publique, des magistrats frappés de l’incapacité prévue à l’article L. 6 du code électoral ainsi que des magistrats frappés d’une rétrogradation ou d’une exclusion temporaire de fonctions relevant du troisième groupe des sanctions disciplinaires énumérées à l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique. »

 

On progresse enfin vers un équivalent de Telerecours pour le contradictoire devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, même si sur le terrain déjà les choses s’améliorent (et l’amabilité des personnels du greffe est à noter… mais les procédures restent trop manuelles à ce jour) :

Le deuxième alinéa de l’article R. 141-7 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les arrêts et les autres actes et pièces de la procédure de jugement des gestionnaires publics sont notifiés ou communiqués par voie électronique au moyen d’une application informatique dédiée accessible par le réseau internet, sous réserve de les en avertir au début de la procédure par un courrier leur indiquant les modalités de connexion à cette application ou, à défaut, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, remise en main propre contre récépissé ou acte de commissaire de justice ou par tout autre moyen permettant de s’assurer de leur date de réception.
« En cas de transmission au moyen de cette application, les destinataires sont réputés avoir reçu la notification ou la communication à la date de première consultation de ces documents, certifiée par l’accusé de réception délivré par l’application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de cinq jours ouvrés, à compter de la date de mise à disposition du document dans l’application, à l’issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les destinataires sont alertés de la notification ou de la communication par un message électronique envoyé à l’adresse choisie par eux. »