Quand l’eau et/ou l’assainissement peuvent-ils donner lieu à une facturation forfaitaire ?

Le principe est que les factures d’eau  :

  • doivent avoir tout ou partie de leur calcul effectué « en fonction du volume réellement consommé par l’abonné » (avec des règles assez complexes sur le caractère possiblement progressif, voire — rarement —  dégressif de ce prix au m3 ; de possibles tarifications saisonnières dans des cas limités ; des règles de non prise en compte de consommations anormales sous de strictes limites…)
  • peuvent, en outre, comprendre une part fixe ( « montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis »). Voir, sur ce point, les plafonds (30 ou 40 %, désormais, de l’arrêté du 6 août 2007 NOR : DEVO0765371A, modifié ; voir aussi l’article R. 2224-19-2 du CGCT).

Source : voir depuis 2019 (avant le droit était plus souple, avec même une possible gratuité dans certains cas), l’article L. 2224-12-4 du CGCT.

NB : de plus, aux termes d’un autre alinéa de ce même article, « la tarification de l’eau potable aux abonnés domestiques peut tenir compte du caractère indispensable de l’eau potable et de l’assainissement pour les abonnés en situation particulière de vulnérabilité en prévoyant un tarif progressif pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite

 

Mais cet article L. 2224-12-4 du CGCT précise aussi que

« Toutefois, à titre exceptionnel, lorsque la ressource en eau est abondante et qu’un nombre limité d’usagers est raccordé au réseau, le représentant de l’Etat dans le département peut, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, à la demande du maire ou du président du groupement de collectivités territoriales compétent pour assurer la distribution d’eau, autoriser une tarification ne comportant pas de terme proportionnel au volume d’eau consommé. »

 

En pareil cas :

  • « la tarification […] comporte une partie forfaitaire identique pour tous les usagers ou variable selon les besoins de ceux-ci », cette formulation de l’article R. 2224-20 du CGCT n’étant d’ailleurs pas dépourvue d’ambiguïtés.
  • aux termes de l’article R. 2224-19-3 du CGCTla redevance d’assainissement peut être également calculée forfaitairement.

Mais de strictes conditions sont alors à réunir (par combinaison des dispositions précitées avec celles de l’article R. 2224-20 du CGCT) :

  • une ressource en eau « naturellement abondante dans le sous-bassin ou dans la nappe d’eau souterraine utilisés par le service d’eau potable »
  • un nombre limité d’usagers raccordé au réseau avec un seuil de 1 000 habitants, cette dérogation ne pouvant :
    • « être accordée que si la population totale de la commune, de l’établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte est inférieure à mille habitants »
  • une demande du maire ou du président du groupement de collectivités territoriales compétent pour assurer la distribution d’eau
  • une consultation par le préfet des délégataires de service public intéressés et des associations départementales de consommateurs agréées (en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation par arrêté préfectoral ou du fait de leur affiliation à une association nationale elle-même agréée), avec avis implicitement favorable au bout de deux mois. Ne pas respecter ces consultations vicie la procédure (TA Pau, 16 févr. 2010, n° 0802241 : ce jugement, quoiqu’antérieur à la grille de lecture de l’arrêt Danthony de 2011, reste sans doute conforme au droit actuel).
  • une autorisation préfectorale (sauf en Corse où ce pouvoir est conférée à l’Assemblée de Corse).

 

Cette autorisation est :

  • reconduite tacitement chaque année. Toutefois, si pendant 3 années consécutives les conditions susmentionnées ne sont plus remplies, le préfet met fin à l’autorisation par un arrêté motivé (avec deux ans sur le terrain pour s’adapter aux règles de droit commun).
    La Cour de cassation a bien précisé que « seul un arrêté motivé du Préfet, à l’exclusion d’un simple courrier émanant de ce dernier », un courrier ne pouvant à lui seul valoir une telle décision (Cass. 1re civ., 16 mars 2022, n° 20-11.747).
  • automatiquement transférée en cas d’intercommunalisation (TA Marseille, 1re ch., 13 juill. 2022, n° 2102039 ; voir aussi implicitement dans le même sens TA Nice, 22 nov. 2013, n° 1101390)

 

NB : pour une grille tarifaire au volume, avec des tranches, conduisant selon le TA à contourner, illégalement, ce régime (ce qui se discute car on avait bien un prix au m3 et non un forfait pour une tranche de m3 semble-t-il), voir TA Nîmes, 3 nov. 2015, n° 1401483 :

« 5. Considérant que la délibération litigieuse a pour objet de fixer le montant de la redevance relative à la consommation d’eau pour l’exercice 2010, suite à l’annulation par un jugement du 30 avril 2013 de la juridiction de céans de la délibération du 3 décembre 2010 ayant un objet identique, au motif de son caractère rétroactif ; qu’aux termes de la délibération contestée, la tarification a été fixée pour « tout abonné (80 mètres cubes) » à 1,51 euro par mètre cube et pour les « gros débits » à 1,33 euro par mètre cube pour toute consommation supérieure à 80 mètres cubes ; qu’il en ressort que, pour les abonnés n’ayant pas une consommation supérieure à 80 mètres cubes, la tarification est exclusivement forfaitaire et n’est pas fonction du volume réellement consommé ; que la commune de Saint-Sauveur-Camprieu ne démontrant pas être autorisée par le préfet du Gard à pratiquer une tarification ne comportant pas de terme proportionnel au volume d’eau consommé, la délibération contestée méconnaît les dispositions précitées de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales ;»

 

 

 

VOIR AUSSI CETTE VIDEO

Cf. également cette vidéo de moi (Eric Landot) et de mon frère et associé (Yann Landot), d’une durée de 6 mn 06 :

https://youtu.be/Pu4iH3roTfg