Blocage d’un « follower » d’un compte par une personne de droit public : le mode d’emploi se complique… [VIDEO et article ; mise à jour au 7/3/24 ; nouvelle décision]

Pour une personne publique, bloquer le compte Twitter d’un « follower », est-ce priver celui-ci, illégalement, du droit d’accéder à l’information ? ou violer son droit à expression ? voire son droit à demander aux administrations de rendre des comptes ?

La CAA de Paris (27 mars 2023, 21PA00815) a, en ce domaine, donné un mode d’emploi qui va imposer aux personnes publiques d’y réfléchir à deux fois avant de bloquer trop aisément une personne critique… 

Le TA de Paris, de son côté, en mars 2024, a précisé cela dit qu’en ce domaine, dans le cas d’un référé suspension, il y aura rarement urgence à suspendre une décision de blocage d’un compte. 

Voyons ceci en vidéo et via un article.

 


 

I. VIDEO (à jour d’avril 2023 ; à jour pour le fond du droit ; pas à jour de la décision du TA de Paris sur l’urgence en référé, mais l’analyse demeure à jour juridiquement) 

 

Voici d’abord une vidéo de 9  mn 40, intitulée « Réseaux sociaux et droit : le mode d’emploi se complique… »,présenté par mes soins avant une interview de :

 Benjamin Teitgen,
Directeur de la Communication du Département d’Ille-et-Vilaine

 

https://youtu.be/gT4mlvkZpfA

 

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 10′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr

 

II. ARTICLE (mis à jour au 7 mars 2024)

 

  • I.A. Le cas américain 
  • II.B. Le régime français, tel que précisé par l’affaire « M. G. Sadik » c/ OFII, lequel a gagné à hauteur d’appel 
  • II.C. Un mode d’emploi (pour Twitter, mais applicable — non sans  transpositions parfois importantes — à LinkedIn, à Mastodon, à Facebook…) tout en nuances, qui dépend de la stratégie de communication de la personne publique, et qui ne pourra laisser place ni aux blocages trop rapides (quel que soit le réseau social), ni  aux fils de discussion non maîtrisés (au moins sur certains réseaux sociaux) 
  • II.D. Le TA de Paris, de son côté, en mars 2024, a précisé cela dit qu’en ce domaine, dans le cas d’un référé suspension, il y aura rarement urgence à suspendre une décision de blocage d’un compte

 

 

 

II.A. Le cas américain 

 

Aux Etats-Unis, il a été ainsi jugé en 1e instance puis à hauteur d’appel (par une Cour fédérale) que le Président Trump, alors en exercice, ne pouvait pas, en raison des formulations du 1er amendement, bloquer des « followers » sur Twitter en raison des critiques émises par lesdits followers.

Voir : affaire « Knight First Amendment Institute v. Trump, No. 1:17-cv-05205 (S.D.N.Y.) » jugée par la United States District Court for the Southern District of New York, le 23 mai 2018, décision confirmée le 9 juillet 2019 par la United States Court of Appeals for the Second Circuit (mandated le 4/1/2020). La Cour suprême a ensuite décidé de refuser d’examiner le pourvoi engagé à la suite de cette décision d’appel (la Cour suprême états-unienne pouvant refuser d’examiner des pourvois et, de fait, celle-ci n’en examine que fort peu). 

Voir :

 

 

II.B. Le régime français, tel que précisé par l’affaire « M. G. Sadik » c/ OFII, lequel a gagné à hauteur d’appel 

 

Un raisonnent analogue à celui conduit aux Etats-Unis d’Amérique peut-il prospérer sous nos climats juridiques ? La CAA de Paris vient de faire, en tous cas, un pas en ce sens.

 

Le jugement de première instance en 2020

 

Cette question, à laquelle il a été donné une 1e réponse contentieuse le 15 décembre 2020, vient de connaître un rebondissement via une micro-polémique sur les réseaux sociaux il y a quelques jours.

Premier round, donc : l’affaire de 2019-2020.

M. Gérard Sadik (nous indiquons son nom car cette personne, coordinateur national sur les questions d’asile au sein de la Cimade, au lui même beaucoup communiqué en ligne à ce sujet et a donné accès à l’arrêt en intégral reproduit ci-après), demandait au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision par laquelle le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) avait bloqué l’accès de son compte twitter personnel au compte twitter de l’OFII.

Or, le TA a rejeté ces demandes, posant que :

  • les informations twitter ne sont pas (selon ce TA, donc) au nombre de celles des décisions individuelles défavorables qui doivent donner lieu à motivation des décisions (au sens de  l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration)
  • être bloqué d’un compte twitter ne bride pas les droits à accès à certaines informations publiques (des articles L. 311-1 à -6 du code des relations entre le public et l’administration), « le fil twitter de l’OFII étant accessible à toute personne disposant d’un accès à internet, sans qu’une inscription sur le réseau social soit requise. En outre, à supposer même que les tweets de l’OFII constituent des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration, l’article L. 321-1 du même code instaure un droit général de réutilisation des données publiques mais ne fixe aucune exigence s’agissant du support de publication de ces données. Il n’oblige donc pas l’OFII à permettre de retweeter ses publications
  • le droit à demander des comptes aux administrations (de l’article 15 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen [DDHC]) n’est pas entravé du seul fait qu’un compte twitter est bloqué (les moyens de formuler cette demande de compte pouvant par exemple prendre la forme des procédures des articles L. 112-8 et R. 112-9-1 du code des relations entre le public et l’administration)… Et le juge de noter que « si la décision attaquée empêche M. G. S. de s’adresser à l’OFII par twitter, il lui est toujours loisible de saisir l’OFII par courriel, ce qu’il a d’ailleurs fait afin de demander les motifs de la décision contestée. Au surplus, les tweets de l’intéressé, publiés sous pseudonyme sans mention de son adresse, ne constituent pas des demandes par voie électronique au sens des articles L. 112-8 et R. 112-9-1 du code des relations entre le public et l’administration
  • cela ne constitue pas non plus une violation des droits de M. G. S. au titre de l’article 11 de la DDHC. Le juge pose, à ce propos, que :
    • « la « décision de l’OFII de bloquer le compte twitter de M. G. S. ne l’empêche ni d’accéder aux informations publiées par l’OFII, ni d’exprimer ses propres réactions et points de vue sur le réseau social. Si la décision litigieuse a pour conséquence d’empêcher le requérant de réagir directement sur le fil twitter de l’OFII et de toucher les abonnés au compte de l’OFII, il ressort des pièces du dossier que l’usage de ce mode de communication par l’OFII a notamment pour objectif d’assurer une information institutionnelle. Il ressort en outre des pièces du dossier que l’OFII a agi afin de protéger ses agents, le dernier commentaire de M. G. S. en date du 19 janvier 2019 mettant en cause leur temps de travail. Dès lors, eu égard à l’impact très limité de la mesure contestée sur la liberté de communication et d’expression du requérant, la décision de blocage du compte twitter de M. G. S. constitue une mesure adaptée, nécessaire et non disproportionnée aux buts poursuivis. »

 

Les derniers éléments montrent que nous sommes là plus sur une appréciation au cas par cas, pour ce qui est de la liberté d’expression, que sur une pétition de principe. Ce qui doit conduire les administrations publiques, pour leurs comptes Twitter, à une approche millimétrée, espèce par espèce, avec une marge de prudence.

Source : TA Paris, 15 déc. 2020, n° 1901520/6-2. Lire en ligne :

 

 

Or, ce n’étaient pas en 2020, après cette décision du TA de Paris, la fin des « malheurs de l’OFII » pour reprendre la très heureuse formule d’une comtesse de Ségur contemporaine en la personne du M. Marc Rees, lequel signait sur Next inpact  un très intéressant article :

 

Fort de cette jurisprudence du TA de Paris, précitée, il semblerait que les blocages de comptes Twitter aient été plus amples.

Autre emballement de ces derniers jours, mais sur (l’improbable en droit, selon nous) volet pénal :

 

 

 

Une position de la Cour administrative d’appel qui n’est pas sans évoquer le droit étasunien

 

Par une décision rendue ce 27 mars 2023, la Cour administrative d’appel de Paris a annulé la décision du directeur général de l’OFII et censuré le jugement du TA de Paris.

La Cour a relevé, tout d’abord, que l’OFII avait fait le choix d’une politique active de communication sur Twitter, qui ne se limitait pas à la publication d’informations mais consistait aussi à réagir aux commentaires des autres utilisateurs, y compris parfois sous la forme d’interpellations.

Mais la CAA va plus loin en posant un véritable droit à s’exprimer sur ces réseaux (en sus, donc, du droit de prendre connaissance des informations qui s’y trouvent si celles-ci sont abondantes) :

« 5. Tout d’abord, aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services et de s’y exprimer. La liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s’ensuit que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. »

NB : le soulignement est, naturellement, de nous. 

D’où ensuite un point de principe très clair :

« 8. Il résulte […] que, lorsqu’une personne morale de droit public agissant dans le cadre de sa mission de service public décide, sans y être tenue, de participer au débat public dans les conditions résultant du fonctionnement d’un réseau social, non seulement en y publiant des informations mais aussi en réagissant aux commentaires des autres utilisateurs, elle ne peut, sans méconnaître la liberté d’expression et d’accès à l’information et le principe d’égalité devant le service public, interdire ou limiter l’accès de tiers à ses propres publications et leur possibilité de les commenter ou de les réutiliser que par l’adoption de mesures nécessaires, adaptées et proportionnées aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui, en ce compris la protection des agents publics contre les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages, ainsi qu’aux obligations découlant de sa qualité de responsable des contenus publiés telles qu’elles résultent notamment des règles de droit pénal en vigueur. »

 

Elle a ensuite estimé que le commentaire à l’origine du blocage de l’accès au compte twitter (« Dix personnes qui reçoivent les appels et distribuent 263 rendez-vous en trois minutes en moyenne, cela fait une heure et demie de travail. Alors pourquoi des personnes doivent-elles attendre deux heures avant de joindre la plate-forme et ne pas toujours obtenir satisfaction ? ») était rédigé en des termes certes polémiques mais dénués de caractère diffamatoire ou injurieux. Elle a considéré qu’il n’excédait pas les limites du droit à la libre critique de l’action de la puissance publique dans une société démocratique :

9. En l’espèce, d’une part, il ressort des pièces du dossier que l’Office français de l’immigration et de l’intégration mène une active politique de communication sur le réseau social Twitter. A ce titre, il publie fréquemment sur son compte de nombreuses informations relatives à son activité, qui ne le sont pas avec la même régularité sur son site internet. Surtout, le compte twitter de l’établissement public révèle une volonté de participation au débat public qui excède la simple délivrance d’informations aux usagers du service public dans le cadre de la neutralité attendue d’un tel service, et qui peut prendre la forme de réponses ou d’interpellations de nature parfois polémique aux autres utilisateurs du réseau social, le directeur général de l’office revendiquant d’ailleurs dans les médias, au surplus, une pratique de « blocage » de l’accès à ce compte des utilisateurs qui le mettent en cause ou critiquent le fonctionnement et les actions de l’établissement public en des termes qu’il estime inappropriés. En choisissant, sans y être contraint, de mener une telle politique de communication sur les réseaux sociaux, l’établissement s’est mis dans l’obligation de respecter, dans la gestion de son compte twitter, les règles et principes rappelés aux points 5 à 8.

10. D’autre part, la décision litigieuse a notamment pour effets de placer le requérant dans l’impossibilité d’accéder depuis son compte twitter personnel à celui de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de publier sur le compte de l’établissement ses propres commentaires des publications de l’établissement et des autres utilisateurs du réseau, de partager ces publications et commentaires et d’utiliser directement à cette fin l’application Twitter sur un téléphone portable. S’il lui est loisible d’utiliser un poste informatique doté d’un accès à internet, avec un moteur de recherche, pour accéder aux informations diffusées par l’office sur son compte twitter, ou encore de créer un nouveau compte, sous pseudonyme, pour accéder à celui de l’établissement, il ne peut y publier des commentaires à son nom et participer ainsi à la discussion publique sur ce compte. L’ensemble de ces contraintes sont de nature à entraver, en l’état de l’utilisation des réseaux sociaux, l’exercice du droit du requérant à la libre expression et à l’accès à l’information et au débat public.

La décision de blocage de l’accès au compte présentait dès lors un caractère disproportionné et portait ainsi atteinte au droit à la liberté d’expression et de communication garanti par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la convention européenne des droits de l’homme et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Ainsi que le juge la Cour, le choix d’une politique active sur les réseaux sociaux pour y participer au débat public fait peser des obligations particulières sur l’administration. Si la protection de l’ordre public et de la réputation d’autrui, y compris la protection des agents, ainsi que le respect des obligations découlant pour l’administration de sa qualité de responsable des contenus publiés, au regard notamment du droit pénal, sont évidemment des objectifs légitimes, les mesures qu’elle prend doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à ces objectifs.

Voici cette décision :

CAA Paris, 27 mars 2023, 21PA00815

On notera la réaction, assez vive, de l’administration concernée :

https://twitter.com/sarmcdonnell/status/1640601738305576960/photo/1

 

II.C. Un mode d’emploi (pour Twitter, mais applicable — non sans  transpositions parfois importantes — à LinkedIn, à Mastodon, à Facebook…) tout en nuances, qui dépend de la stratégie de communication de la personne publique, et qui ne pourra laisser place ni aux blocages trop rapides (quel que soit le réseau social), ni  aux fils de discussion non maîtrisés (au moins sur certains réseaux sociaux) 

 

D’OÙ LES ENSEIGNEMENTS SUIVANTS À RETENIR EN ATTENDANT DE VOIR SI UNE TELLE DÉCISION SERA CONFIRMÉE, OU PAS, À TERME, PAR LE CONSEIL D’ETAT (DANS CETTE AFFAIRE OU UNE AUTRE) :

  • si vous ne communiquez pas sur Twitter et autres réseaux sociaux ou si vous ne communiquez que des informations qui sont déjà sur votre site Internet, vous avez une ligne de défense si vous bloquez un peu aisément certains « followers » (et encore, certains points de l’arrêt, précité, de la CAA, pourraient aller à l’encontre de cette pratique en cas de censure trop légère au nom d’un droit à débattre des questions publiques, schématiquement)
  • si vous communiquez sur Twitter et autres réseaux sociaux, d’une manière assez large, avec des informations qui peuvent ne pas s’y trouver ailleurs et/ou des débats en ligne, le mode d’emploi donné par la CAA de Paris sera de ne bloquer les followers que dans des cas :
    • « adapté[s] et proportionné[s] aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui, [y] compris la protection des agents publics contre les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages, ainsi qu’aux obligations découlant de sa qualité de responsable des contenus publiés telles qu’elles résultent notamment des règles de droit pénal en vigueur. »
  • en pensant à faire un sort à part pour les élus de l’opposition pour les collectivités territoriales, puisque souvent ces comptes seront des publications de la collectivité où ces élus pourront avoir à s’exprimer (cf. l’article L. 2121-27-1 du CGCT, dans le cas des communes). Mais avec des distinctions à opérer :
    • Il est constant que : « toute mise à disposition du public de messages d’information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal doit être regardée, quelle que soit la forme qu’elle revêt, comme la diffusion d’un bulletin d’information générale »
      Source : CAA Versailles, 17 avril 2009, Ville de Versailles c/ de Lesquen, req. 06VE00222, AJDA 2009. 1712 , concl. B. Jarreau ; JCP Adm. 2009. 2212, chron. A. Béal). Cette affaire inclut — pour schématiser — les sites Internet dans le champ de cette obligation, par exemple. Pour les TV, voir TA Lyon, 15 février 2004, Nardone, 0404876, AJDA 2007. 932.
      Sont ainsi inclus les rapports annuels (CAA Versailles, 12 juillet 2006, Département de l’Essonne, 04VE0323), les bilans de mi-mandat (TA Nice, 6 août 2008, Martinenq c. Commune de La-Seyne-sur-Mer, BJCL 2008. 649 ; CAA Versailles 27 août 2009, Commune de Clamart, req. no 08VE01825, AJDA 2009. 2134) mais qui n’inclut pas les publications des actes adoptés, assortis des positions prises par les élus au cours de débats (CAA Marseille, 2 juin 2006, Commune de Pertuis, 04MA02045) ou — semble-t-il — les documents portant engagements de mandat (CE, 29 avril 2011, Commune de Valence, 348653).
    • la jurisprudence majoritaire y inclus les comptes Facebook
      Sources : TA Dijon,29 septembre 2016, n°1402816 ;  ; TA Montreuil, 2 juin 2015, n°1407830, cité par le rapport du CE ; voir dans le même sens TA de Melun, 30 novembre 2017, n° 1605943 et 1605947 ; Voir en sens contraire mais avec des nuances ce même TA de Montreuil (!), 29 juin 2017, n°s 1602417 et 1609194 (Si l’on cherche à donner de la cohérence à ces affaires, disons qu’il doit y avoir droit à expression dans cette page Facebook mais sans espace réservé (et, là, on frise la naïveté…). Disons qu’il est probable, en tous cas possible, que ce soit ce qu’ait voulu dire le juge).
      En décembre 2018, un  jugement du TA de Cergy-Pontoise juge quant à lui, ralliant la position majoritaire, que ce média doit être qualifié de bulletin d’information générale et que le maire devait octroyer aux élus de l’opposition un espace d’expression. Et le juge d’estimer que les caractéristiques techniques de Facebook n’empêchent pas la création d’un espace dédié à l’expression des élus de l’opposition sur la page de la commune. Voir TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, n° 1611384…position proche ensuite de l’arrêt rendu par la CAA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, le 26 juin 2018, 16LY04102.
      N.B. : précisons à ce sujet de l’assimilation de Facebook à un bulletin d’information générale, on peine à comprendre pourquoi certains commentateurs citent un arrêt du CE portant sur un autre sujet et créé alors que Facebook en était à ses balbutiements outre-atlantique : CE, 20 mai 2005, n°274400. Il est grand le mystère du copier-coller, et il est très grand celui de l’inventivité du commentateur d’arrêt. 
    • la jurisprudence majoritaire en exclut les comptes Twitter (et sans doute par analogie peut-on réserver le même sort pour Mastodon)
      Voir TA Dijon,29 septembre 2016, n°1402816, précité ;  TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, n° 1611384, précité… NB : position proche de l’arrêt rendu par la CAA de LYON, 3ème chambre – formation à 3, le 26 juin 2018, 16LY04102. Voir aussi, plus récemment, dans le même sens : TA Versailles, 1re ch., 20 oct. 2022, n° 2100626. 

 

Bon courage ! Juristes et communicants vont avoir quelque peu à accorder leurs violons sur la présence, en ligne, de la personne publique….

 

 

II.D. Le TA de Paris, de son côté, en mars 2024, a précisé cela dit qu’en ce domaine, dans le cas d’un référé suspension, il y aura rarement urgence à suspendre une décision de blocage d’un compte

 

 

L’OFII a, depuis lors, continuer d’alimenter par son zèle la réflexion juridique en ce domaine.

Cet office a ainsi, le 17 janvier 2024, bloqué l’accès de son compte X (Twitter) à l’association Utopia 56, laquelle a attaqué cette décision par un recours pour excès de pouvoir assorti d’un recours en référé suspension.

Comme nul ne l’ignore dans notre petit monde public, en référé suspension, il ne suffit pas que le requérant argue, avec succès, « d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

Encore faut-il, en sus, que «  l’urgence le justifie ».

Or, il est intéressant de noter que le juge des référés du TA de Paris a estimé qu’en l’espèce, mais avec des arguments recyclables pour d’autres décisions comparables, l’urgence n’était pas constituée :

« 3. Pour justifier l’urgence d’une suspension de l’exécution de la décision par laquelle l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a bloqué l’accès de son compte X à celui de l’OFII, l’association Utopia 56 fait valoir que cette décision porte atteinte à sa libre expression, à l’accès à l’information et au débat public alors que la temporalité des informations sur le réseau social X constitue un enjeu crucial. Toutefois, l’association requérante ne justifie pas, par ces considérations d’ordre général sur la nature du réseau social X, de la nécessité pour elle d’interagir avec le compte X de l’OFII. De plus, l’association requérante peut accéder, par internet, aux messages, informations et documents que l’OFII publie sur le compte X de l’Office, la consultation de ce compte n’étant pas subordonnée à la possession d’un compte X, et a fortiori pas à la possession d’un compte X abonné à celui de l’Office. Enfin, la décision litigieuse n’empêche pas non plus l’association requérante de continuer à publier des messages sur son compte X personnel et d’y exprimer notamment son opinion sur l’OFII et sur les informations diffusées par celui-ci. Ainsi, la condition tenant à l’urgence exigée par les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie.»

Source :

TA Paris, ord., 4 mars 2024, Association Utopia 56 c/ OFII, n° 2403023