Un règlement de voirie peut bien prévoir que c’est aux concessionnaires sous-viaires qu’il incombe de dépolluer ses déblais en cas, notamment, d’amiante

Nombre de portions des réseaux routiers, surtout pour les réseaux sous-viaires, peuvent avoir des déchets nocifs tels que l’amiante à traiter au niveau des canalisations à enlever, des déblais, etc.

Voir entre autres la circulaire TRAT1311107C du 15 mai 2013 portant instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l’amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé. 

 

La question en droit n’est pas totalement nouvelle nonobstant des différences techniques. Et dans un arrêt du 16 juin 2017 (n° 16NT01065 et 16NT01066), la CAA de Nantes avait déjà posé que ce domaine pouvait être ainsi réglementé :

« le droit d’occupation du domaine public routier reconnu aux sociétés GRDF et Enedis ne peut s’exercer que dans les conditions prévues par les règlements de voirie ; que si les autorités compétentes pour édicter ces règlements peuvent subordonner l’exercice de ce droit aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage répondant à sa destination, c’est à la condition de ne pas porter une atteinte excessive au droit permanent d’occupation des concessionnaires de distribution d’énergie
[…] »

 

Or ledit règlement de voirie imposait fort peu d’obligations en réalité :

« les dispositions mentionnées au point 9 se limitent à mettre à la charge des concessionnaires ou propriétaires de réseaux de distribution d’énergie, lorsqu’ils effectuent des travaux d’intervention sur les réseaux qu’ils gèrent et que ces travaux affectent la voirie routière, la réalisation d’un diagnostic de détection de présence d’amiante et d’HAP des enrobés devant être déposés puis remplacés au cours de ces travaux » [à l’exclusion des cas de travaux décidés par le département  lui-même]

 

Voir donc CAA de Nantes, 16 juin 2017; n° 16NT01065 (décision hélas disparue de  Legifrance…) :

 

Il était possible d’y voir une continuation d’une ancienne jurisprudence selon laquelle :

« les autorités compétentes pour édicter ces règlements peuvent subordonner l’exercice du droit dont il s’agit aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection du domaine public routier dont elles ont la charge et en garantir un usage répondant à sa destination » (CE, 13 mars 1985, n°42630).

 

L’intérêt de la nouvelle décision rendue en ce domaine, par la CAA de Lyon cette fois, est que le règlement de voirie en question (celui de la Métropole de Lyon) allait plus loin :

  • « Lors de fouilles générant de grandes quantités de déblais, une réutilisation des matériaux sur site sera recherchée par l’intervenant qui conduira à ses frais une étude géotechnique. Au vu des résultats de l’étude, le laboratoire de la voirie de la Communauté urbaine de Lyon pourra autoriser la réutilisation des matériaux » (mais il ne s’agit que d’une faculté)
  • l’intervenant devra faire procéder à ses frais à une étude géotechnique afin d’ « identifier et classer les déblais suivant la norme NF P 11-300 de manière à déterminer la possibilité et les conditions de réutilisation conformément au guide technique « Remblayage des tranchées » et à la norme NF P 98-331, sous réserve de prescriptions particulières ordonnées spécialement à l’occasion de la délivrance de l’autorisation. ».
  • « (…) Si à l’occasion d’une fouille réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’intervenant, pour les besoins de travaux conduits sous sa maîtrise d’ouvrage, celui-ci découvre des sols pollués chimiquement ou biologiquement, la gestion des déblais issus de l’excavation du sol sera à la charge de l’intervenant. Il devra procéder à l’identification de la nature et du niveau de pollution de ces déblais préalablement à leur traitement dans un centre d’enfouissement ou de traitement agréé. La charge financière de ces actions sera supportée par l’intervenant. ».

 

Or, toutes ces exigences ont été validées par le juge administratif au nom, selon l’excellent site ALYODA (voir ici), du principe « pollueur payeur ».

 

Seules deux mentions du règlement de voirie ont été annulées :

  • d’une part, ont été annulées les 2e et 3e phrases de cet article (soulignées) :
    • « Sauf urgence avérée, c’est-à-dire une situation représentant un danger pour les biens ou les personnes, l’intervenant souhaitant effectuer des travaux avec emprise sur une chaussée ou un trottoir réalisés ou réfectionnés depuis moins de trois ans doit obtenir un accord préalable de la Communauté urbaine de Lyon. L’intervenant devra financer la réparation de la voie circulée sur une longueur pouvant atteindre la totalité de la voie neuve ou réfectionnée. Il devra financer la réparation du trottoir complet sur toute sa largeur avec reprise de joint à joint sur une longueur pouvant atteindre la totalité du trottoir neuf ou réfectionné. (…) ». [NB annulation claire de la dernière phrase ; la phrase précédente, en revanche, semble illégale selon le juge mais ce point semble avoir disparu du dispositif de l’arrêt ???)
  • d’autre part, la CAA a censuré l’alinéa ci-dessous en tant qu’il n’avait pas sa place dans un règlement de voirie (point qui eût pu être discuté) :
    • « « Dans le cas où, au cours des travaux, l’intervenant rencontrerait ou mettrait à découvert des réseaux ou installations de nature quelconque non répertoriées, il serait tenu d’avertir immédiatement les services gestionnaires desquels elles dépendent, en vue des mesures à prendre pour assurer la sécurité́ des biens et des personnes et la protection de ces réseaux ou installations. ».

 

N.B. : attention en ces domaines il est raisonnable de poser que la jurisprudence n’est pas encore totalement stabilisée. 

 

Voir CAA Lyon, 20 septembre 2018, n° 16LY02141 :

https://alyoda.eu/index.php?option=com_content&view=article&id=2911:principe-pollueur-payeur-opposable-aux-producteurs-de-dechets&catid=244&Itemid=213