Le pouvoir d’interdire, c’est aussi (sauf texte spécial) le pouvoir de déroger aux interdictions

En complément classique du parallélisme des compétences (et des procédures) se trouve le tout aussi classique principe selon lequel l’autorité en charge d’une décision est l’autorité en charge d’aménager ou de déroger à ladite décision, sauf texte contraire à chaque fois.

Citons les Evangiles, en l’espèce Chapus, DAG 1, Montchrestien 15e éd. n°1286 :

« Il est fréquent que les textes désignent l’autorité compétente pour prendre une décision et soient silencieux sur celle dont relèvent sa modification, son abrogation et son retrait. 

« Cette autorité est alors déterminée par la rue du principe de parallélisme des compétences. »

[…]

 Dans l’hypothèse où [l’autorité administrative qui avait pris la décision initiale] la détient toujours, c’est elle que la règle désigne, très naturellement, pour si on peut dire défaire ce qu’elle avait fait. 

C’est ce que traduisent, par exemple, des énoncés simples tels que ceux-ci : “L’autorité investie du pouvoir de nomination a compétence pour prononcer la cessation des fonctions  ” (CE, Ass., 13 mars 1953, Teissier, rec. p. 133) ; le “pouvoir de mettre fin à un report d’incorporation appartient au Ministre compétent pour l’accorder” (CE, 3 février 1995, Delprat, rec. p. 61) — et cela sauf texte contraire.»

[…]
La règle, dont la justification est évidente, s’applique lorsqu’il s’agit exactement de refaire ou de défaire (en tout ou partie) ce qui a été fait […]. [Elle] est au contraire sans application quand la décision à prendre a une certaine autonomie par rapport à celle dont elle modifie les effets. »

 

Mais si la jurisprudence fut prolixe sur ce principe en matière de retrait ou d’abrogation des actes, notamment en termes de procédure, de transfert de compétence, ou autres… elle ne le fut pas tant que cela pour la question des dérogations à une interdiction portée par l’administration. La règle s’applique-t-elle ou sommes nous dans un cas où « la décision à prendre a une certaine autonomie par rapport à celle dont elle modifie les effets » lorsqu’il s’agit d’accorder des dérogations à la décision initiale ?

 

Cela dit, le raisonnement étant le même, ou à tout le moins analogue, le Conseil d’Etat a logiquement appliqué ce principe pour les dérogations à apporter à la décision initiale, même si c’est au cas par cas, sauf texte contraire.

Il s’agissait en l’espèce d’un sujet un peu exotique concernant les rapports entre l’animal et le droit public (voir ici à ce sujet) : à savoir l’importation de sous-produits de ces animaux, tels que l’ivoire d’éléphants et de la corne de rhinocéros.

Sur ce point, le Conseil d’Etat, sans surprise, a donc bien confirmé que l’autorité en charge d’interdire une telle importation est aussi, bien sûr, l’autorité en charge d’accorder des dérogations à de telles interdictions. Citons à ce sujet le résumé de Légifrance qui annonce usuellement celui du rec. :

« Il résulte des articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-1 et R. 411-6 du code de l’environnement qu’en confiant aux ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture la compétence pour fixer la liste des espèces animales non domestiques faisant l’objet des interdictions de mutilation, destruction, capture, transport, vente et achat prévues à l’article L. 411-1, ceux-ci ont nécessairement entendu leur confier la compétence pour y déroger, hors le cas où l’article R. 411-6 renvoie au préfet de département. »

Source : CE, 27 février 2019, n° 408118 (voir ici)

 

 

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