Par un arrêt Commune de Lucé en date du 7 décembre 2018 (req. n° 412905), le Conseil d’État a précisé que le délai donné à un agent par une lettre de mise en demeure de reprendre son service, faute de quoi il sera radié des cadres pour abandon de poste, s’impose quand bien même la lettre que l’intéressée a adressé avant l’engagement de la procédure d’abandon de poste et par laquelle elle demandait un placement en congé de longue maladie, lui a été retournée par La Poste en raison d’un affranchissement insuffisant deux jours avant l’expiration dudit délai.
En l’espèce, Mme A…, assistante d’enseignement artistique employée par la commune de Lucé (Eure-et-Loir) au sein du conservatoire municipal en tant que professeur de piano, a été placée en congé de longue durée jusqu’au 15 mai 2013 puis, après une mise en demeure de reprendre son poste en date du 16 septembre 2013, en congé de maladie ordinaire du 19 septembre 2013 au 20 février 2014.
En réponse à la lettre du 5 février 2014 par laquelle la commune de Lucé l’a informée qu’une nouvelle prolongation de son arrêt de travail impliquerait la saisine du comité médical et lui a demandé de lui préciser si son état de santé était susceptible de relever, selon son médecin traitant, d’un congé de longue maladie ou de longue durée, Mme A…a adressé à la commune de Lucé, le 20 février 2014, un pli contenant une demande de congé de longue maladie accompagnée d’un certificat médical attestant que son état de santé justifiait l’attribution d’un tel congé.
Toutefois, ce pli a été refusé par la commune de Lucé en raison d’un affranchissement insuffisant et a été réexpédié par les services de La Poste à MmeA…, qui l’a reçu le 22 mars 2014. Par lettre en date du 17 mars 2014, reçue le 20 mars 2014, le maire de Lucé a mis en demeure Mme A…de reprendre ses fonctions le lundi 24 mars 2014 en précisant qu’à défaut d’une telle reprise, elle s’exposait à une radiation des cadres sans qu’il soit nécessaire d’engager une procédure disciplinaire à son encontre. Par un arrêté du 24 mars 2014, Mme A… a été radiée des cadres pour abandon de poste.
Par un jugement du 10 mars 2015, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté présentée par Mme A…. La cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que l’arrêté du 24 mars 2014. La commune de Lucé s’est alors pourvue en cassation contre cet arrêt.
Le Conseil d’État a commencé par rappeler sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle une « mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu’il appartient à l’administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, l’informant du risque qu’il court d’une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l’agent ne s’est ni présenté ni n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé. »
Puis, faisant application de ce considérant de principe aux faits de l’espèce, il constate « qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A… ne s’est pas présentée et n’a pas fait connaître à la commune de Lucé ses intentions avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, reçue le 20 mars 2014, l’invitant à reprendre ses fonctions le 24 mars 2014 et lui précisant qu’à défaut d’une telle reprise, elle s’exposait à une mesure de radiation des cadres. »
Puis, il relève que « la circonstance que l’intéressée a reçu, le samedi 22 mars 2014, la réexpédition par La Poste de son courrier demandant à la commune son placement en congé de longue maladie est sans incidence sur la détermination du point de départ du délai qui lui avait été fixé pour reprendre ses fonctions. »
Enfin l’arrêt conclut : « Par suite, en se fondant pour annuler l’arrêté du 24 mars 2014 sur le motif inopérant selon lequel, jusqu’au 22 mars 2014, l’intéressée pouvait penser que sa demande de congé de longue maladie était en cours d’examen par l’administration et qu’elle n’avait ainsi disposé que du samedi 22 mars 2014 et du dimanche 23 mars 2014, jours non ouvrables, pour prendre réellement conscience du risque couru en ne se présentant pas à son poste le lundi 24 mars 2014 au matin, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la commune de Lucé est fondée à demander, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque. »