Nouvelle diffusion
Le projet de loi « Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique » a donc été adopté en conseil des ministres mercredi 17 juillet 2019.
En matière de gouvernance des intercommunalités, voici ce qui est prévu par ce texte, dont naturellement il importe de se souvenir qu’il n’est à ce jour qu’un projet… projet qui selon nous à tout le moins nécessite de très, très fortes améliorations parlementaires…. EN VIDÉO ET VIA UN ARTICLE.
I. VIDEO
Voici donc une présentation de ce volet du projet de loi, par Me Eric Landot, en une vidéo d’un peu plus de 13 mn :
II. ARTICLE
A. Une innovation (ou semi-innovation) : le pacte de gouvernance
Faire un pacte de gouvernance n’est pas rare et le nouveau dispositif reprend des formulations qui existent ou dont on peut, à droit constant, se rapprocher de très près. Mais l’obligation de réfléchir aux gouvernances possibles ne peut faire de mal.
L’article 1er de ce projet de loi prévoit qu’un débat sur un pacte de gouvernance DOIT être mis à l’ordre du jour du conseil de communauté ou du conseil métropolitain.
Un tel pacte est-il donc obligatoire ? NON. Mais s’il est adopté, ce doit être dans les six mois suivant le renouvellement (ou suivant une fusion d’EPCI à fiscalité propre… le projet de loi oubliant les créations ex nihilo et les transformations extension étrangement…)
Mais attention : sur un point au moins l’existence de ce pacte semble obligatoire ce qui contredit la formulation de l’actuel projet d’article 1er du texte. Ce point est celui des décisions ne portant que sur un seul territoire communal (la mise en oeuvre du régime de l’article L. 5211-57 du Code, lequel existe en réalité depuis fort longtemps, devant être précisée par le pacte).
Est-il adopté conjointement avec les communes ? Oui dans sa philosophie, mais pas en droit (en l’état du texte c’est bien une délibération).
Citons ce texte :
Article 1er
I. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :
« Sous-section 3
« Relations des maires avec les établissements publics
de coopération intercommunale à fiscalité propre
« Art. L. 5211-11-1. – I. – Après chaque renouvellement général des conseils municipaux ou une opération prévue par l’article L. 5211-41-3, le président de l’établissement public de coopération intercommunale inscrit à l’ordre du jour de l’organe délibérant un débat et une délibération sur l’élaboration d’un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres. Si l’organe délibérant décide l’élaboration d’un pacte, il l’adopte dans les six mois qui suivent le renouvellement général.
B. Le conseil des maires
Obligatoire dans les métropoles dans ce projet de loi, le conseil des maires est une des possibilités du pacte de Gouvernance. Sauf que ce conseil des maires, à ce jour consultatif (et au pouvoir réel fort variable d’une intercommunalité à l’autre…) voit ses missions un peu précisées (sans que cela ne change rien en pratique faute d’auto-saisine obligatoire en droit et de périodicité…) :
« La création d’un conseil des maires est obligatoire dans les métropoles. Dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, le pacte de gouvernance peut prévoir la création d’un conseil des maires. Le conseil des maires est une instance de coordination entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les maires des communes membres, au sein duquel il peut être débattu de tous sujets d’intérêt communautaire ou relatifs à l’harmonisation de l’action des communes et de l’établissement public de coopération intercommunale.
« Les membres de cette instance ne sont pas rémunérés.
Une règle par défaut est fixée pour ce conseil des maires :
« Art. L. 5211-11-2. – Sauf si le pacte de gouvernance prévu à l’article L. 5211-11-1 a retenu d’autres dispositions, le conseil des maires est régi par le présent article.
« Le conseil des maires est créé si au moins 30 % des maires des communes membres de la communauté urbaine, de la communauté d’agglomération ou de la communauté de communes considérée en ont fait la demande par courrier adressé au président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la création du conseil des maires est obligatoire.
« Le conseil des maires est présidé par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Outre le président de de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, il comprend les maires des communes membres.
« Il se réunit, sur un ordre du jour déterminé, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou, dans la limite de deux réunions par an, à la demande d’un tiers des maires ».
C. Commissions spécialisées
L’article 1er de ce projet de loi prévoit aussi que :
« Le pacte peut prévoir la création de commissions spécialisées associant les maires et détermine leur organisation, leur fonctionnement et leurs missions. Il fixe, le cas échéant, les modalités de fonctionnement des commissions prévues à l’article L. 5211-40-1. »
… ce qui laisse pantois car cela ne change rien à l’existant.
D. Conférences territoriales des maires
A ce jour, rien n’interdit de faire sur une ou plusieurs fractions de territoire des comités consultatifs composés majoritairement d’élus du conseil communautaire (souvent les maires du terrain et quelques adjoints) et pour partie d’autres élus communaux (notamment les maires non représentés). J’ai moi même mis en place il y a dix ans plusieurs fois de tels systèmes territoriaux, en dépit des risques centrifuges de ce régime, en lien parfois avec des services territorialisés de l’EPCI à fiscalité propre et / ou de services mutualisations « zonés » géographiquement.
Le projet de loi réinvente sous une forme à peine changée ce qui est donc déjà possible, mais avec un régime auquel on pensera donc plus naturellement (notamment dans les intercommunalités XXL) :
« Le pacte peut prévoir la création de conférences territoriales des maires selon des périmètres de compétences qu’il détermine. Les conférences territoriales des maires peuvent être consultées lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Les modalités de fonctionnement des conférences territoriales des maires sont déterminées par le règlement intérieur de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »
E. Des délégations aux maires et des conventions de gestion des services
A ce jour, une compétence peut être intercommunalisée mais elle peut donner lieu :
- à des conventions confiant la gestion d’ouvrages ou de gestion de services entre la communauté et des communes voire d’autres établissements publics dans certains cas (art. L. 5214-16-1 et L. 5216-7-1 du CGCT… c’est à se demander si la DGCL et/ou les cabinets ministériels concernés étaient au courant de ce régime !)
- parfois à des mises à dispositions de services descendantes ou, plus rarement, ascendantes (art.? L. 5211-4-1 du CGCT)
- à diverses autres conventions qui en réalité permettent considérablement d’aménager l’intercommunalisation de ces compétences (services communs de l’article L. 5211-4-2 du CGCT notamment dans la variante où le service commun est assuré par la commune ; conventions de maîtrise d’ouvrage désignée, etc.).
A ceci on ajouterait dans la loi :
- d’étranges et rigides conventions en matière d’eau potable et d’assainissement. Voir :
- une assez étrange délégation au maire (que le dossier de presse préparé par la DCGL appelait « délégation de signature », la nature de cette délégation restant à préciser cependant à la lecture du projet de texte) :« Le pacte peut prévoir les conditions dans lesquelles le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pourra déléguer au maire l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires. Dans ce cas, le pacte fixe également les conditions dans lesquelles le maire dispose d’une autorité fonctionnelle sur les services de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dans le cadre d’une convention de mise à disposition de services. »
- voire un transfert de l’autorité fonctionnelle sur les services vers le maire :« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, le pacte peut prévoir la possibilité, par conventions de mise à disposition approuvées par délibérations concordantes du conseil municipal et de l’organe délibérant de l’établissement public, de placer, dans le ressort territorial d’une commune membre et pour l’exercice des compétences prévues au 3° et au 4° du II de l’article L. 5214-16 et au 1° et 5° du II de l’article L. 5216-5, des services de l’établissement public de coopération intercommunale sous l’autorité fonctionnelle du maire. »
F. Une étrange disparition
L’article L. 5211-40 du CGCT, issu de la loi Chevènement de 1999, dispose à ce jour que :
« Le président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre consulte les maires de toutes les communes membres, à la demande de l’organe délibérant de l’établissement ou du tiers des maires des communes membres. »
G. Désignation des élus communautaires
A ce jour, dans les communes :
- de moins de mille habitants les élus intercommunaux sont les élus communaux dans l’ordre du tableau (et on descend d’un cran en cas, par exemple, de décès ou de démission). En cas d’élection d’un nouveau maire, dans ces communes de moins de mille habitants, il y a donc déjà automatiquement changement d’élus intercommunaux.
- de mille habitants et plus, les élus intercommunaux sont élus par le Peuple lors des élections, via la liste des élus intercommunaux figurant sur les bulletins de vote selon le régime complexe inséré dans la loi Valls de 2013.. par un Sénat (PS PC EELV à l’époque) en mal de complexité législative. En cas d’élection d’un nouveau maire, dans ces communes de mille habitants ou plus, il y a décorrelation entre l’élection du maire et celle des élus intercommunaux.
Un peu mystérieusement le projet de loi prévoit la chose suivante :
« Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 273-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’élection d’un nouveau maire, pour quelque cause que ce soit, les conseillers communautaires sont à nouveau désignés selon les modalités prévues au premier alinéa. » ;
2° Au début de l’article L. 273-3, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice des dispositions du second alinéa de l’article L. 273-11, » ;
3° L’article L. 273-12 est ainsi modifié :
a) Au I, après la première occurrence du mot : « communautaire », sont insérés les mots : « pour toute autre cause que celle mentionnée au second alinéa de l’article L. 273-11 » ;
b) A la première phrase du II, les mots : « de maire ou d’adjoint » sont remplacés par les mots : « d’adjoint, pour toute autre cause que celle mentionnée au second alinéa de l’article L. 273‑11 » et les mots : « du maire et des » sont remplacés par les mots : « d’un ou plusieurs nouveaux ». »
Ces articles L. 273-11 et L. 273-12 du Code électoral portent sur les communes de moins de mille habitants.
Donc de deux choses l’une face à ce texte terriblement mal rédigé :
- soit on dit que lorsqu’un nouveau maire est élu, il y a nouvel ordre du tableau (c’est obligatoire en droit en fait) conduisant à une nouvelle désignation de ces élus dans l’ordre du tableau au sein du conseil de communauté (auquel cas c’est très très probablement l’état du droit même si ce point est parfois débattu, non dans son principe, mais dans les modalités pratiques de celui-ci)
- soit on prévoit un autre régime que celui de la représentation dans l’ordre du tableau en cas de changement de maire en cours de mandat et en ce cas oui le changement est important mais en ce cas ce texte est incomplet sur les modalités de ce vote, etc.
H. Siège dans les commissions
L’article 3 prévoit un mode original de suppléance dans les commissions :
Article 3
L’article L. 5211-40-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’absence, le membre d’une commission est remplacé pour une réunion par un conseiller municipal de sa commune. Celui-ci est désigné par le maire. »
I. Copie des convocations et des CR de séance
Les élus communaux auraient copie des convocations et des CR de séance des organes délibérants intercommunaux à fiscalité propre (pour tous les EPCI à fiscalité propre pour la convocation… et hors métropole pour les CR de séance. Là on pouffe de rire…). Voir :
Article 4
I. – La section X du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 5211-63 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-63. – Les conseillers municipaux des communes appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sont destinataires de manière dématérialisée d’une copie de la convocation adressée aux conseillers communautaires.
« L’envoi prévu au premier alinéa peut être réalisé par chacune des communes. »
II. – L’article L. 5211-46 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de deux semaines, le compte rendu de la séance du conseil communautaire au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre est transmis aux conseillers municipaux des communes membres de manière dématérialisée. Cet envoi peut être réalisé par chacune des communes. »
J. Statut de l’élu
Voir :
Statut de l’élu : que prévoit le projet de loi « engagement » ?
X. Voir aussi
Des volets sur les périmètres des intercommunalités, l’eau et l’assainissement, les pouvoirs de police, le tourisme, le développement économique, les départements et bien d’autres sujets :
POUR UN ACCÈS À CE PROJET DE LOI :
http://www.senat.fr/leg/pjl18-677.html