Sport et dopage : le Conseil d’Etat fixe les règles du jeu

Par deux arrêts, dont un  à publier au recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient de fixer le droit applicable, en cas de recours pour excès de pouvoir (REP) contre une mesure de suspension provisoire prise par le président de l’AFLD (art. L. 232-23-4 du code du sport).

Le droit se fixe peu à peu en matière de dopage. Voir :

 

Le Conseil d’Etat vient de donner un cadre précis aux mesures de suspensions provisoires prises par le président de l’AFLD (art. L. 232-23-4 du code du sport), avec une prise en compte de l’évolution possible au fil du temps des informations disponibles et des phases d’enquêtes administratives.

Se posait la question de savoir quels étaient les pouvoirs du juge en ces domaines, d’une part, et le point de savoir si la la légalité de la mesure devait, ou non, être appréciée à la date de son édiction (ou à la date laquelle il statue).

La Haute Assemblée a ainsi posé que lorsqu’il est saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une mesure de suspension provisoire, prise à titre conservatoire sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de cette décision à la date de son édiction et, s’il la juge illégale, en prononce l’annulation. Eu égard à l’effet utile d’un tel recours, il appartient en outre au juge de l’excès de pouvoir, saisi de conclusions en ce sens, d’apprécier la légalité de la décision à la date où il statue et, s’il juge qu’elle est devenue illégale, d’en prononcer l’abrogation.

En l’espèce, le Conseil d’État a donc rejeté les recours de Mme Calvin et de M. Stassen contre les mesures de suspension provisoire prononcées à leur encontre par la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

Clémence Calvin, athlète de courses de fond, et Hendre Stassen, joueur professionnel de rugby, ont été suspendus, à titre provisoire, par la présidente de l’AFLD de l’ensemble de leurs activités sportives. Mme Calvin a été suspendue, en avril 2019, pour s’être soustraite à un contrôle antidopage, et M. Stassen en juillet 2019 pour avoir été contrôlé positif à des substances interdites.
Ils ont demandé au Conseil d’État d’annuler ces mesures.

Le Conseil d’État précise d’abord la façon dont le juge doit traiter de telles demandes. Il lui revient non seulement de vérifier que la suspension était justifiée lorsqu’elle a été prononcée par l’AFLD, mais aussi de s’assurer qu’à la date à laquelle le juge rend sa décision, l’évolution des circonstances (nouveaux résultats d’analyse, prolongement excessif de la mesure) ne justifie pas qu’il soit mis fin à la suspension.

Dans ces deux affaires, les requérants soutenaient notamment que les dispositions du code du sport qui permettent à la présidente de l’AFLD de prononcer de telles mesures de suspension provisoires dans l’attente de la décision de la commission des sanctions, méconnaissaient le droit au travail dès lors que les suspensions n’étaient pas limitées dans le temps.

Le Conseil d’État juge que la mesure de suspension ne revêt pas, contrairement à ce qui était affirmé, un caractère immuable. En effet, le président de l’AFLD est tenu de lever la suspension dans l’hypothèse où celle-ci se prolonge au-delà d’un délai raisonnable sans que la commission des sanctions ne se soit prononcée ou s’il apparaît, notamment au regard d’éléments nouveaux apportés par le sportif, que la mesure conservatoire n’est plus justifiée.

En l’espèce, donc, si l’article L. 232-23-4 du code du sport ne prévoyait pas de durée maximale pour la mesure de suspension provisoire prise sur son fondement par le président de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), il résultait de ses termes mêmes que la suspension devait prendre fin lorsqu’intervenait la décision de la commission des sanctions de l’AFLD. Il appartenait en outre au président de l’Agence, sous le contrôle du juge, de lever la suspension dans l’hypothèse où la mesure se prolonge au-delà d’un délai raisonnable sans que la commission des sanctions n’ait adopté de décision.

Il en va de même, précise le Conseil d’Etat, dès qu’il apparaît que cette mesure conservatoire n’est plus justifiée, notamment si les premiers résultats de l’analyse sont infirmés ou au vu d’éléments nouveaux le cas échéant produits par le sportif concerné, tels qu’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques.

Il ne résultait pas en l’espèce des dispositions de l’article L. 232-23-4 du code du sport que le président de l’AFLD était tenu d’attendre les résultats de l’analyse du second échantillon, lorsque celle-ci avait été demandée par le sportif, avant de pouvoir prendre légalement une mesure de suspension à titre conservatoire. Par suite, le requérant n’était pas fondé à soutenir que la mesure de suspension litigieuse était entachée d’une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 232-23-4 et R. 232-64 du code du sport au motif que la présidente de l’AFLD l’a prise alors qu’elle ne disposait que des résultats du premier échantillon et avant qu’il n’ait fait part de son intention de demander ou non l’analyse du second échantillon.

 

Par ailleurs, le Conseil d’État juge que les faits à l’origine des deux décisions sont établis et que les suspensions, prises au terme de procédures régulières, sont justifiées. Il estime en outre, conformément à la démarche rappelée plus haut, que les nouveaux éléments apportés par M. Stassen depuis le prononcé de la suspension ne sont pas de nature à justifier qu’il y soit mis fin.

 

VOICI CES DEUX DÉCISIONS

Conseil d’État

N° 433886
ECLI:FR:CECHR:2020:433886.20200228
Publié au recueil Lebon
2ème – 7ème chambres réunies
M. François Weil, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats

Lecture du vendredi 28 février 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 août 2019 et 23 janvier 2020, au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. B… A… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 juillet 2019 par laquelle la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage l’a suspendu provisoirement, à titre conservatoire, de toutes les activités mentionnées à l’article L. 232-23-4 du code du sport et de mettre fin à cette suspension.

2°) de mettre à la charge de l’Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– la Constitution ;
– la convention internationale contre le dopage dans le sport du 19 octobre 2005 et l’amendement à son annexe I, publiés par le décret n° 2007-503 du 2 avril 2007 et le décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code du sport ;
– l’ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. François Weil, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A…, et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 232-23-4 du code du sport :  » Lorsqu’un résultat d’analyse implique une substance interdite ou une méthode interdite, à l’exception d’une substance spécifiée au sens de l’annexe I à la convention internationale mentionnée à l’article L. 230-2, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage ordonne à l’encontre du sportif, à titre conservatoire et dans l’attente de la décision de la commission des sanctions, une suspension provisoire : / 1° De la participation directe ou indirecte à l’organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu’aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l’un des membres de celles-ci ; / 2° De l’exercice des fonctions définies à l’article L. 212-1 ; / 3° De l’exercice des fonctions de personnel d’encadrement ou de toute activité administrative au sein d’une fédération agréée ou d’une ligue professionnelle, ou de l’un des membres de celles-ci ; / 4° De la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l’un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu’aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s’inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage. / (…) / La décision de suspension provisoire est motivée. L’intéressé est convoqué par le président de l’agence, dans les meilleurs délais, pour faire valoir ses observations sur cette mesure. / La durée de la suspension provisoire est déduite de la durée de l’interdiction de participer aux manifestations sportives que la commission des sanctions peut ultérieurement prononcer.  »

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B… A…, joueur professionnel de rugby, a fait l’objet d’un contrôle antidopage, le 19 mai 2019, à l’occasion d’un match du championnat de France de rugby professionnel de 1ère division, dénommé Top 14. L’analyse effectuée a fait ressortir la présence dans ses urines de testostérone et de ses métabolites, d’origine exogène, substances non spécifiées de la classe S1 des agents anabolisants figurant sur la liste des substances interdites en permanence annexée au décret du 27 décembre 2018 portant publication de l’amendement à l’annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Par un courrier du 10 juillet 2019, la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage a prononcé, à titre conservatoire, à l’encontre de M. A…, une mesure de suspension provisoire applicable à l’ensemble des activités mentionnées à l’article L. 232-23-4 du code du sport. L’intéressé conteste cette décision.

Sur l’office du juge :

3. Lorsqu’il est saisi d’un recours tendant à l’annulation d’une mesure de suspension provisoire, prise à titre conservatoire sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport, le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de cette décision à la date de son édiction et, s’il la juge illégale, en prononce l’annulation. Eu égard à l’effet utile d’un tel recours, il appartient en outre au juge de l’excès de pouvoir, saisi de conclusions en ce sens, d’apprécier la légalité de la décision à la date où il statue et, s’il juge qu’elle est devenue illégale, d’en prononcer l’abrogation.

Sur la décision de prononcer des mesures conservatoires :

En ce qui concerne les moyens tirés, par la voie de l’exception, de l’illégalité des dispositions de l’article L. 232-23-24 du code du sport :

4. M. A… soulève, à l’appui de sa requête, divers moyens mettant en cause la légalité des dispositions de l’article L. 232-23-4 du code du sport, issues de l’article 29 de l’ordonnance du 19 décembre 2018, dont le projet de loi de ratification a été déposé à l’Assemblée nationale le 6 mars 2019, mais qui, à la date de la présente décision, n’a pas été ratifiée.

5. En premier lieu, il ressort de la copie de la minute de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat, versée au dossier par les services du Premier ministre, que le texte de l’article L. 232-23-4 dans l’ordonnance litigieuse ne contient pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par le Conseil d’Etat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l’examen par le Conseil d’Etat des projets d’ordonnance manque en fait.

6. En deuxième lieu, d’une part, la mesure de suspension provisoire, prononcée sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport, est prise à titre conservatoire dans un objectif de protection de la santé des sportifs ainsi que de garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives. Compte tenu de l’objet et de la portée d’une telle mesure, qui ne constitue pas une sanction, le moyen tiré de ce que l’article L. 232-23-4 du code du sport méconnaîtrait le principe constitutionnel des droits de la défense, faute de prévoir une procédure contradictoire préalable au prononcé de cette mesure, ne peut qu’être écarté.

7. D’autre part, si l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration soumet au respect d’une procédure contradictoire préalable les décisions qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 du même code, ces dispositions, en vertu du 3° de l’article L. 121-2 du même code, ne sont pas applicables aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. En prévoyant que la procédure contradictoire peut n’être organisée qu’après le prononcé de la mesure de suspension provisoire du sportif, sous réserve que l’intéressé soit convoqué dans les meilleurs délais pour faire valoir ses observations, l’article L. 232-23-4 du code du sport a entendu instaurer une procédure contradictoire particulière au sens de ce 3°, ainsi que le permettait l’habilitation conférée au titre de l’article 38 de la Constitution. Par suite, la méconnaissance de ces dispositions législatives ne peut être utilement invoquée.

8. En troisième lieu, d’une part, si l’article L. 232-23-4 du code du sport ne prévoit pas de durée maximale pour la mesure de suspension provisoire, il résulte de ses termes mêmes que la suspension prend fin lorsqu’intervient la décision de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage. Il appartient en outre au président de l’Agence, sous le contrôle du juge, de lever la suspension dans l’hypothèse où la mesure se prolonge au-delà d’un délai raisonnable sans que la commission des sanctions n’ait adopté de décision. Il en va de même dès qu’il apparaît que cette mesure conservatoire n’est plus justifiée, notamment si les premiers résultats de l’analyse sont infirmés ou au vu d’éléments nouveaux le cas échéant produits par le sportif concerné, tels qu’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques.

9. D’autre part, l’article L. 232-23-4 du code du sport ne prévoit, s’agissant des entraînements, que la suspension de la participation du sportif à ceux qui sont organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou par l’un des membres de celles-ci et qui préparent à une manifestation sportive. La suspension de la participation à ces entraînements repose sur des motifs d’intérêt général de garantie de l’équité et de l’éthique sportives et de protection de la santé du sportif suspecté d’avoir fait usage d’un produit dopant et, pour les sports collectifs, de protection de la santé des autres joueurs susceptibles de s’entraîner avec lui.

10. Il en découle que les dispositions contestées apportent des limitations aux activités des sportifs professionnels et à leur droit au travail qui sont justifiées par des objectifs d’intérêt général et qui, compte tenu de leur encadrement et des hypothèses limitativement énumérées qu’elles concernent, ne sont pas disproportionnées. Doit également être écarté le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

11. En dernier lieu, si l’article L. 232-23-4 du code du sport prévoit un mécanisme de suspension obligatoire lorsqu’est en cause l’usage de substances non spécifiées, alors que la suspension est facultative pour les substances spécifiées, cette distinction est fondée sur le fait que, contrairement aux substances spécifiées, les substances non spécifiées sont présumées être consommées exclusivement à des fins d’amélioration de la performance sportive. Par ailleurs, les dispositions en cause ne font pas obstacle à ce que le président de l’Agence française de lutte contre le dopage mette fin à la suspension dans les conditions précisées au point 8 ci-dessus. Par suite, le moyen tiré de ce que l’article L. 232-23-4 du code du sport serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation pour avoir prévu une compétence liée du président de l’Agence française de lutte contre le dopage en cas d’usage de substances non spécifiées doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

12. En premier lieu, la circonstance que M. A… n’ait pu présenter ses observations sur la mesure de suspension prononcée à son encontre qu’après son prononcé découle de l’application même des dispositions de l’article L. 232-23-4 du code du sport, qui ont pu légalement prévoir une telle procédure, ainsi qu’il a été dit aux points 6 et 7 ci-dessus. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. A… a été entendu dès le 23 juillet 2019, soit moins de 15 jours après le prononcé de la mesure de suspension et un mois avant le début du championnat. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure organisée par l’article L. 232-23-4 du code du sport doit être écarté.

13. En deuxième lieu, il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 232-23-4 du code du sport que le président de l’Agence française de lutte contre le dopage serait tenu d’attendre les résultats de l’analyse du second échantillon, lorsque celle-ci est demandée par le sportif, avant de pouvoir prendre légalement une mesure de suspension à titre conservatoire. Par suite, M. A… n’est pas fondé à soutenir que la mesure de suspension litigieuse serait entachée d’une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 232-23-4 et R. 232-64 du code du sport au motif que la présidente de l’AFLD l’a prise alors qu’elle ne disposait que des résultats du premier échantillon et avant qu’il n’ait fait part de son intention de demander ou non l’analyse du second échantillon.

14. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’analyse du premier échantillon, au demeurant confirmée par celle du second, fait apparaître une origine exogène de la testostérone et de ses métabolites détectés. Cette origine suffit à justifier la mesure de suspension litigieuse, sans que la contestation des ratios indiqués dans le rapport ni l’expertise scientifique d’un responsable de recherche en Algérie produite par M. A… ne permettent de remettre en cause les résultats des analyses auxquelles il a été procédé.

15. Enfin, compte tenu du caractère obligatoire de la mesure de suspension en cas de substance non spécifiée, M. A… ne saurait utilement soutenir que la mesure litigieuse présentait un caractère disproportionné à la date à laquelle elle a été prise.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision qu’il attaque.

Sur l’abrogation des mesures conservatoires :

17. D’une part, il ressort des pièces du dossier que les résultats de l’analyse du second échantillon, obtenus postérieurement au prononcé des mesures conservatoires prévues à l’article L. 232-23-4 du code du sport, ont confirmé l’analyse du premier échantillon et donc la présence de substances non spécifiées interdites. D’autre part, l’intéressé ne fait pas état d’autres circonstances susceptibles de justifier qu’il soit mis fin à ces mesures ni n’apporte d’éléments permettant d’établir qu’elles seraient désormais disproportionnées. Par suite et alors que la mesure ne peut être regardée, à la date où le juge statue, comme se prolongeant au-delà d’un délai raisonnable, il n’est pas fondé à demander qu’il y soit mis fin.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de M. A… doivent être rejetées, y compris celles qu’il présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A… une somme de 3 000 euros à verser à l’Agence française de lutte contre le dopage à ce titre.

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de M. A… est rejetée.

Article 2 : M. A… versera à l’Agence française de lutte contre le dopage une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B… A…, à l’Agence française de lutte contre le dopage et à la ministre des sports.

 


 

 

CONSEIL D’ETAT
statuant
au contentieux        

Nos 429646, 431499

__________

Mme CALVIN
__________

Séance du 7 février 2020
Lecture du 28 février 2020
__________

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 2ème et 7ème chambres réunies)

Sur le rapport de la 2ème chambre
 de la Section du contentieux

Vu les procédures suivantes :

1°/ Sous le n° 429646, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 avril, 20 septembre et 17 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme Clémence Calvin demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 avril 2019 par laquelle la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage l’a suspendue provisoirement, à titre conservatoire, de toutes les activités mentionnées à l’article L. 232-23-4 du code du sport.

2°) de mettre à la charge de l’Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

            …………………………………………………………………………

2/° Sous le n° 431499, par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 7 juin, 16 septembre et 17 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme Calvin demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 avril 2019 par laquelle l’Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre une mesure de suspension provisoire à titre conservatoire de toutes les activités mentionnées à l’article L. 232-23-4 du code du sport ;

2°) de mettre à la charge de l’Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

            …………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu : 
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code du sport ;
– l’ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. François Weil, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Maître Goldman, avocat de Mme Calvin, et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l’Agence française de lutte contre le dopage ; 

Considérant ce qui suit : 

1.    Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2.    Aux termes de l’article L. 232-9-2 du code du sport : « A l’occasion des opérations de contrôle (…), il est interdit : / 1° De se soustraire au prélèvement d’un échantillon ; / 2° De refuser sans justification valable, après s’être vu notifier le contrôle, de se soumettre au prélèvement d’un échantillon ; / 3° De ne pas se soumettre, intentionnellement ou par négligence, sans justification valable après s’être vu notifier le contrôle, au prélèvement d’un échantillon. » Selon l’article L. 232-23-4 du même code : « Lorsqu’un résultat d’analyse implique une substance interdite ou une méthode interdite, à l’exception d’une substance spécifiée au sens de l’annexe I à la convention internationale mentionnée à l’article L. 230-2, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage ordonne à l’encontre du sportif, à titre conservatoire et dans l’attente de la décision de la commission des sanctions, une suspension provisoire : / 1° De la participation directe ou indirecte à l’organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu’aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l’un des membres de celles-ci ; / 2° De l’exercice des fonctions définies à l’article L. 212-1 ; / 3° De l’exercice des fonctions de personnel d’encadrement ou de toute activité administrative au sein d’une fédération agréée ou d’une ligue professionnelle, ou de l’un des membres de celles-ci ; / 4° De la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l’un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu’aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s’inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage. / Lorsque le résultat d’analyse implique une substance spécifiée au sens de l’annexe I à la convention internationale mentionnée à l’article L. 230-2, ou lorsqu’une autre infraction aux dispositions du présent titre est en cause, d’une part, l’intéressé peut accepter la suspension provisoire décrite à l’alinéa précédent dans l’attente de la décision de la commission des sanctions, d’autre part, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage peut, de sa propre initiative, ordonner une telle suspension provisoire à l’égard de l’intéressé. / La décision de suspension provisoire est motivée. L’intéressé est convoqué par le président de l’agence, dans les meilleurs délais, pour faire valoir ses observations sur cette mesure. / La durée de la suspension provisoire est déduite de la durée de l’interdiction de participer aux manifestations sportives que la commission des sanctions peut ultérieurement prononcer ».

3.    Il ressort des pièces du dossier que,  par une décision du 9 avril 2019, la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), se fondant sur la circonstance que Mme Calvin, à l’occasion d’un contrôle antidopage diligenté par ses services à Marrakech le 27 mars, s’était enfuie lorsque les personnes chargées du contrôle s’étaient présentées à elle et estimant que ce fait était susceptible de constituer une violation des dispositions du 1° de l’article L. 232 9-2 du code du sport, a prononcé à son encontre une mesure de suspension provisoire applicable à l’ensemble des activités mentionnées du 1° au 4° de l’article L. 232-23-4. Saisi par Mme Calvin, le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu l’exécution de cette décision. Après avoir abrogé sa première décision, la présidente de l’AFLD a prononcé, par une décision du 25 avril 2019, une nouvelle mesure de suspension provisoire ayant la même portée. Mme Calvin conteste ces deux décisions.

En ce qui concerne la requête n° 429646 :

4.    L’exécution de la mesure de suspension provisoire prononcée à l’encontre de Mme Calvin le 9 avril 2019 ayant été suspendue par le juge des référés du Conseil d’Etat dès le 12 avril 2019, l’intéressée a pu participer le 14 avril 2019 au marathon de Paris. Cette mesure a ensuite été formellement abrogée par une décision de la présidente de l’AFLD en date du 15 avril 2019. Si Mme Calvin soutient que cette mesure a produit des effets, elle n’apporte aucun élément de nature à en justifier. Par suite, les conclusions qu’elle présente contre cette première décision de suspension sont devenues sans objet. Il n’y a, dès lors, plus lieu d’y statuer.

5.    Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions que présentent l’Agence française de lutte contre le dopage et Mme Calvin au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la requête n° 431499 :

Sur les moyens tirés, par la voie de l’exception, de l’illégalité des dispositions de l’article L. 232-23-24 du code du sport :

6.    Mme Calvin soulève, à l’appui de sa requête, des moyens mettant en cause la légalité des dispositions de l’article L. 232-23-4 du code du sport, issues de l’article 29 de l’ordonnance du 19 décembre 2018, dont le projet de loi de ratification a été déposé à l’Assemblée nationale le 6 mars 2019, mais qui, à la date de la présente décision, n’a pas été ratifiée.

7.    En premier lieu, la mesure de suspension provisoire, prononcée sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport, est prise à titre conservatoire dans un objectif de protection de la santé des sportifs ainsi que de garantie de l’équité et de l’éthique des compétitions sportives. Compte tenu de l’objet et de la portée d’une telle mesure, qui ne constitue pas une sanction, le moyen tiré de ce que l’article L 232-23-4 du code du sport méconnaîtrait le principe constitutionnel des droits de la défense, faute de prévoir une procédure contradictoire préalable au prononcé de cette mesure, ne peut qu’être écarté. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que Mme Calvin et son conseil ont été reçus par la présidente de l’AFLD le 23 avril 2019 préalablement à l’intervention de la mesure contestée et ont pu ainsi présenter leurs observations sur la mesure envisagée. 

8.    En second lieu, compte tenu de l’objet et de la portée d’une mesure de suspension provisoire, le moyen tiré de ce que l’article L. 232-23-4 du code du sport méconnaîtrait les principes de séparation des pouvoirs et de non confusion des fonctions de poursuite et de sanction doit en tout état de cause être écarté.

Sur les autres moyens :

9.    En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée, qui est suffisamment motivée, que, après avoir entendu Mme Calvin et son conseil, la présidente de l’AFLD a procédé à l’examen de la situation de l’intéressée et a porté une appréciation sur les faits de l’espèce, sans estimer être dans un cas dans lequel le prononcé d’une mesure de suspension provisoire revêt un caractère obligatoire.

10.    En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le directeur du département des contrôles de l’AFLD a délivré à deux agents de l’Agence habilités à procéder à des contrôles antidopage des ordres de mission en vue de prélèvements sanguins et urinaires sur Mme Calvin au Maroc le 27 mars 2019. Un premier ordre de mission autorisait ces prélèvements en tout lieu entre 16 heures et 23 heures, un second entre 20 heures et 21 heures à l’adresse que Mme Calvin avait indiquée au préalable en sa qualité de membre du « groupe cible » des sportifs assujettis à l’obligation de transmettre leur localisation. Ces deux agents étaient accompagnés du directeur du département des contrôles de l’AFLD. Les rapports établis par ces agents assermentés indiquent qu’ils ont abordé dans la rue Mme Calvin, le 27 mars à 17 heures 55, ont décliné leur identité et la raison de leur présence, mais que celle-ci, après avoir dans un premier temps semblé disposée à se prêter au contrôle, a gagné une salle de sport où se trouvait son compagnon, puis a pris la fuite en courant avec le concours de celui-ci et n’a pas réapparu le soir à son domicile entre 20 heures et 21 heures. Si Mme Calvin conteste que les intéressés se soient prévalus de la qualité d’agents de l’AFLD et lui aient notifié leur intention d’effectuer des prélèvements et si elle indique avoir quitté les lieux pour conduire à la pharmacie son enfant qui aurait chuté du fait d’un de ces agents, les éléments qu’elle produit au soutien de ses allégations ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations opérées par des agents assermentés, qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne sont pas entachées d’incohérences ou de contradictions. Par suite, les moyens tirés de ce que la mesure de suspension prononcée à son encontre aurait été prise après une procédure de contrôle irrégulière et au vu de faits matériellement inexacts doivent être écartés. En outre, la présidente de l’AFLD a pu légalement regarder les faits relevés comme susceptibles de caractériser une soustraction au prélèvement d’un échantillon au sens du 1° de l’article L. 232-9-2 du code du sport.

11.    En troisième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 8, une suspension provisoire, prononcée sur le fondement de l’article L. 232-23-4 du code du sport, est une mesure conservatoire, dans l’attente de la décision de la commission des sanctions de l’AFLD, et ne constitue pas par elle-même une sanction. La participation d’un sportif auquel il est reproché de s’être soustrait à un prélèvement, manquement particulièrement grave s’il est avéré, à des manifestations sportives ou aux autres activités mentionnées à l’article L. 232-23-4 est susceptible, en particulier si elle intervient dans un bref délai, de jeter un discrédit sur celles-ci ou, à tout le moins, de compromettre leur bonne tenue et est également susceptible de porter atteinte à l’équité et à l’éthique sportives. Si Mme Calvin fait valoir les effets de la mesure prise à son encore sur sa carrière sportive et ses contrats de sponsoring et si elle se prévaut du fait qu’elle n’a pas fait l’objet de contrôles positifs, la présidente de l’AFLD n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, commis d’erreur d’appréciation en décidant, de sa propre initiative, de faire usage des pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 232-23-4.

12.    En quatrième lieu, la circonstance alléguée que la publication dans certains médias d’articles consacrés aux procédures relatives à Mme Calvin révélerait une méconnaissance, par les services de l’AFLD, du secret professionnel est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée.

13.    En cinquième et dernier lieu, la décision attaquée ne constituant qu’une mesure conservatoire sans caractère de sanction, Mme Calvin ne peut utilement invoquer les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement par l’AFLD du cas de l’intéressée révèlerait un manquement au principe d’impartialité ou un détournement de procédure. 

14.    Il résulte de tout ce qui précède que Mme Calvin n’est pas fondée à demander l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 25 avril 2019 de la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage ordonnant des mesures conservatoires sur le fondement de l’article 232-23-4 du code du sport. 

15.    Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Agence française de lutte contre le dopage qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme Calvin une somme de 3 000 euros à verser à l’Agence au même titre.

D E C I D E :
————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions d’annulation de la requête n° 429646.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 429646 et la requête n° 431499 sont rejetés.

Article 3 : Mme Calvin versera une somme de 3 000 euros à l’Agence française de lutte contre le dopage au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Clémence Calvin, à l’Agence française de lutte contre le dopage et à la ministre des sports.