Peut-on faire une sélection entre élèves lors de voyages scolaires ?

OUI (pour un collège en l’espèce), en fonction des places disponibles et même si l’on est sur le temps scolaire, tant que le voyage est facultatif… et ce selon la DAJ du Ministère de l’Education, au terme de l’analyse (voir le point 2., qui pourrait être cependant débattu) que voici :

« SECOND DEGRÉ
Administration et fonctionnement des établissements scolaires
fleche Délibération – Conseil d’administration – Contrôle de légalité – Voyages scolaires
Note DAJ A1 n° 2018-0247 du 6 avril 2020

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur le contrôle de légalité d’une délibération du conseil d’administration d’un établissement public local d’enseignement (E.P.L.E.) fixant les modalités d’un voyage scolaire, notamment en ce qu’elle prévoyait une sélection des élèves pouvant y participer.

1. Le contrôle de légalité des délibérations relatives aux voyages scolaires ne permet pas, en principe, aux services académiques de les annuler.

L’article L. 421-14 du code de l’éducation prévoit un contrôle différent des actes des E.P.L.E. par l’autorité académique en fonction de la nature des actes.

Ainsi, les actes relatifs au fonctionnement de l’établissement qui n’ont pas trait au contenu ou à l’organisation de l’action éducatrice peuvent, dans les conditions prévues à l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, être déférés au tribunal administratif par le représentant de l’État ou, par délégation de ce dernier, par l’autorité académique (I). En revanche, l’autorité académique peut prononcer l’annulation des actes de l’établissement relatifs à l’organisation ou au contenu de l’action éducatrice (II).

En application de l’article R. 421-54 du code de l’éducation, les délibérations relatives au financement des voyages scolaires sont soumises au contrôle de légalité exercé par le préfet ou, par délégation de ce dernier, à l’autorité académique : « Les actes relatifs au fonctionnement de l’établissement qui, pour devenir exécutoires en application du I de l’article L. 421-14, sont transmis au représentant de l’État ou, par délégation de ce dernier, à l’autorité académique sont les délibérations du conseil d’administration relatives : / a) À la passation des conventions et contrats, et notamment des marchés ; / b) Au recrutement de personnels ; / c) Au financement des voyages scolaires. / Ces délibérations sont exécutoires quinze jours après leur transmission. »

L’autorité académique n’a donc pas la compétence pour annuler une délibération du conseil d’administration d’un E.P.L.E. portant sur la programmation et le financement d’un voyage scolaire, seul le juge administratif pouvant annuler un tel acte.

Toutefois, comme le précise la circulaire n° 2004-166 du 5 octobre 2004 relative à la simplification du régime d’entrée en vigueur, de transmission et de contrôle des actes des E.P.L.E., si l’autorité académique ne peut pas demander une seconde délibération, elle peut solliciter, dans le cadre d’une procédure amiable préalable au déféré juridictionnel, le retrait d’un acte entaché d’illégalité auprès de son auteur.

Ainsi, une délibération portant sur l’organisation d’un voyage scolaire demeure en vigueur tant qu’elle n’a pas été retirée ou modifiée par le conseil d’administration, ou bien annulée par le juge administratif, le cas échéant après déféré rectoral (article L. 421-14 du code de l’éducation).

En revanche, la délibération qui précisera les caractéristiques pédagogiques d’un voyage et les objectifs attendus pour les élèves relèverait, sur ce terrain uniquement, de l’action éducatrice et, par suite, du contrôle propre de l’autorité académique, étant entendu que seules des considérations liées au respect des normes en vigueur et au bon fonctionnement du service public de l’éducation pourraient alors justifier l’annulation d’une telle délibération.

2. La sélection des élèves en fonction des places disponibles pour participer à un voyage scolaire facultatif s’inscrivant sur le temps scolaire n’est pas illégale.

Lorsque le nombre de places d’un voyage scolaire ne permet pas l’inscription de tous les élèves intéressés, certains établissements mettent en place des critères de sélection, notamment celui du « premier arrivé, premier inscrit ».

La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations définit la discrimination directe et indirecte. Au terme du premier alinéa de son article 1, constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de motifs limitativement énumérés parmi lesquels l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, etc., une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre à situation comparable. Cet article précise, dans son deuxième alinéa, que constitue une discrimination indirecte, une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d’entraîner pour l’un des motifs mentionnés précédemment un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres.

L’ordre d’inscription des élèves à un voyage scolaire ne constitue pas, en soi, un critère discriminant.

Il convient également de s’interroger sur la légalité d’une telle sélection au regard du principe d’égalité de traitement des usagers du service public.

La jurisprudence a admis que l’accès au service public non obligatoire soit restreint en raison de la capacité d’accueil insuffisante d’une école pour la scolarisation d’un enfant âgé de trois ans (cf. C.E., 27 février 1981, nos 21987 et 21988, au Recueil Lebon).

D’une façon générale, l’absence de places disponibles peut être opposée lorsqu’il n’existe pas pour les usagers de droit à bénéficier d’un tel service, ce qui est le cas d’un voyage facultatif.

L’administration peut donc mettre en place une procédure d’inscription dès lors qu’elle ne crée pas de discrimination. Par suite, aucune disposition ne s’oppose à ce que les inscriptions s’effectuent par ordre chronologique.

Sous les mêmes réserves, une « sélection » en fonction de l’assiduité, l’investissement ou l’autonomie pourrait s’envisager. Les critères de sélection retenus devront alors être en lien avec l’objet de la mesure. Par ailleurs, il convient de veiller, pour éviter les contestations, à ce que l’appréciation de ces critères soit transparente et s’exerce de façon collégiale.

Il reste en tout état de cause préférable de prévoir des voyages scolaires permettant à l’ensemble d’une classe d’y participer. La circulaire n° 2011-117 du 3 août 2011 relative aux sorties et voyages scolaires au collège et au lycée recommande en effet « que la sortie ou le voyage scolaire concerne de préférence une classe entière accompagnée par un ou plusieurs de ses professeurs ou, à tout le moins, que le groupe d’élèves présente une certaine homogénéité (intérêt commun pour le thème pédagogique de la sortie, par exemple) ».

 

SOURCE : LIJ de ce Ministère (dont nous recommandons vivement l’abonnement — gratuit) : https://www.education.gouv.fr/lettre-information/lettre-information-juridique/LIJ_2020_211_juillet.html#C2