Quelle DGF en cas d’annulation de la création d’une commune nouvelle ?

Le préfet de la Seine-Maritime a créé, à compter du 1er janvier 2012, une commune nouvelle issue de la fusion des communes de Bois-Guillaume et de Bihorel.

Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 18 juin 2013, qui a cependant décidé que cette annulation ne prendrait effet qu’à compter du 31 décembre 2013.

Le préfet a ensuite, non sans quelques péripéties, fixé le montant dû au titre de la dotation globale de fonctionnement pour l’année 2014 avec un montant inférieur.

Le préfet a en effet estimé que l’application à la commune de Bois-Guillaume des dispositions de l’article L. 2334-12 du code général des collectivités territoriales, relatives aux divisions de communes et dérogatoires au droit commun du calcul de la dotation globale de fonctionnement, était entachée d’une erreur de droit, la situation issue de l’annulation d’un arrêté de fusion ne pouvant être assimilée à celle résultant de la division d’une commune.

Il a ce faisant nécessairement estimé que la commune de Bois-Guillaume relevait des dispositions de droit commun applicable au calcul de la dotation globale de fonctionnement.

Se pose donc la question : au lendemain d’une séparation forcée d’une commune nouvelle, en raison d’une annulation contentieuse de l’arrêté de création de ladite commune nouvelle, revient-on au droit commun en matière de DGF ? ou non ?

La CAA, saisie en appel de cette question, avait le choix entre appliquer :

  • soit le droit commun de la DGF communale. Avec :
    • un argument fort en ce sens : après tout, l’effet d’une annulation contentieuse consiste à rétablir l’acte comme si celui-ci n’avait jamais eu lieu ; l’acte est censé n’avoir jamais existé et doit être mise en œuvre une reconstitution du passé (jurisprudence constante CE, 26 décembre 1925, Rodière, rec. p. 1065, GAJA 21e éd. 39)…
    • mais cet argument se retourne en réalité contre l’Etat car en l’espèce, justement, il y a eu application et non pas annulation rétroactive puisque le juge a décidé d’une annulation différée dans le temps (en application de la jurisprudence CE, Ass., 11 mai 2004, Association AC! , n° 255886, rec. p. 197, GAJA 23e éd. 101).
  • soit l’article L. 2334-12 dans sa rédaction applicable en l’espèce :

« En cas de division de communes, la dotation de base et la dotation proportionnelle à la superficie revenant à chaque commune sont calculées conformément à l’article L. 2334-7 en retenant sa nouvelle population et sa superficie. Les montants mentionnés aux 3° et 4° du I de l’article L. 2334-7 sont calculés au prorata de la population de chaque commune. »

C’est cette seconde solution que la CAA… et le Conseil d’Etat, hier, ont retenue.

Tenant compte de l’existence de cette commune nouvelle pendant toute la durée de la procédure juridictionnelle, le tribunal avait décidé que l’annulation prononcée ne prendrait effet que pour l’avenir. La question se posait de savoir comment calculer la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’année suivant la séparation des communes.

La CAA, saisie, a estimé que les dispositions de l’article L. 2334-12 Code général des collectivités territoriales (CGCT), relatives aux modalités de calcul de la DGF applicables aux divisions de commune, ne peut s’appliquer lorsque la séparation ne résulte pas d’une manifestation de volontés et n’a pas suivi la procédure particulière applicable aux modifications des limites communales, mais n’est que le résultat mécanique de l’annulation juridictionnelle de l’arrêté de fusion.

Dans un tel cas, ce sont les dispositions de droit commun de calcul de la DGF, codifiées aux articles L. 2334-7 et suivants du CGCT, qui s’appliquent.

Voir l’arrêt de la CAA :

 

PUIS vint, hier, la décision rendue dans cette affaire par le Conseil d’Etat. Or, la Haute Assemblée, sur ce point, a confirmé le raisonnement d’appel. Elle a estimé qu’il résulte de l’article L. 2334-12 du code général des collectivités territoriales (CGCT), éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 93-1436 du 31 décembre 1993 dont il est issu, qu’il ne s’applique qu’aux situations résultant de décisions administratives de division de communes et non à celles résultant de l’annulation juridictionnelle d’une décision de fusion de communes.

Est  sans incidence à cet égard la circonstance que le juge aurait décidé, tout en prononçant l’annulation de la décision de fusion de communes, de réputer définitifs tout ou partie des effets produits par cette décision de fusion avant son annulation.

Double peine, juridique et financière, pour feu la commune nouvelle…

Source : CE, 21 septembre 2020, n° 426859, à publier aux tables du recueil Lebon :

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-09-21/426859