Après le Conseil constitutionnel, c’est au tour du Conseil d’Etat, ce jour, de valider les adaptations du droit, vues par les uns comme une entorse au principe de non-régression et par les autres comme une simple mesure transitoire en marge d’une avancée environnementale (la fin des néonicotinoïdes)… ce qui a déclenché déjà ce soir quelques belles polémiques. Chacun faisant, très diversement, son miel de cette nouvelle décision.
Le Conseil constitutionnel avait jugé conforme à la Constitution, compte tenu de l’ensemble des garanties dont elle était assortie et en particulier de son application limitée exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023, la possibilité de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes.
A cette occasion, le Conseil constitutionnel avait développé d’intéressants développements sur la charte de l’environnement et il avait précisé un cadre strict pour cette régression/mesure transitoire, mais il s’était refusé à aller au delà en dégageant ce qui eût pu être un principe plus fort de non régression en la matière.
Voir Décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020 :
- A consulter en cliquant ici
- voir notre article à l’époque : Néonicotinoïdes sur les betteraves : le Conseil constitutionnel refuse de saupoudrer la Constitution d’un principe de non-régression absolu
Puis vint ce jour l’ordonnance du Conseil d’Etat… allant sans grande surprise dans le même sens.
Dans la foulée de la décision de l’aile Montpensier du Palais Royal, le Conseil d’Etat a estimé que l’arrêté ministériel pris à la suite de cette loi validée par le Conseil constitutionnel, qui se bornait à préciser les modalités de leur utilisation pour l’année 2021, n’est contraire ni à la Constitution ni au droit européen.
Le juge des référés du Conseil d’État relève que l’utilisation de ces substances, en principe interdites, a été autorisée temporairement par la loi du 14 décembre 2020 pour les betteraves sucrières, qui représentent 1,5 % de la surface agricole utile française. Cette dérogation a été accordée pour protéger ces cultures menacées par des infestations massives de pucerons responsables de maladies virales et pour une durée limitée, le temps que soient mises au point, d’ici à 2023 au plus tard, des solutions alternatives satisfaisantes.
Le juge des référés estime donc que l’arrêté attaqué, qui se borne à mettre en œuvre cette autorisation pour la campagne 2021, ne porte, par lui-même, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie et au droit de propriété des éleveurs d’abeille.
L’arrêté est conforme au droit de l’Union européenne sur l’utilisation des pesticides
Le droit de l’Union européenne (règlement [CE] n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques) interdit l’utilisation des néonicotinoïdes mais prévoit des dérogations temporaires lorsqu’il existe de graves risques pour l’agriculture et en l’absence d’autre solution.
Le juge des référés observe que l’arrêté attaqué respecte cette dérogation, en raison du risque sérieux d’une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2021. Les pertes importantes de production subies à cause de ces maladies en 2020 montrent qu’il n’existe pas d’autres moyens raisonnables pour maîtriser ce danger, tout au moins pour la campagne 2021.
Voici cette décision :