Menus uniques sans viande : le TA accepte de ne pas censurer le vegan obligatoire… mais juste pour défaut d’urgence en référé

Tout le monde disserte sur la décision du TA de Lyon consistant à ne pas censurer la décision lyonnaise consistant à prévoir un menu vegan obligatoire (i.e. sans menu alternatif). Mais quel est l’état du droit ? et qu’a dit exactement ce TA ? Allons y étape par étape, pour éviter l’indigestion. 

Il est possible mais non obligatoire de faire divers menus alternatifs.

Exemples de sources : TA Grenoble, 7 juillet 2016, n° 1505593 ; CAA Lyon, 23 octobre 2018, 16LY03088 ; TA Cergy-Pontoise, 30 septembre 2015, n° 1411141 et TA Melun, 18 novembre 2015, n° 1408590. 

Il est possible dans son principe de faire évoluer les repas en restauration scolaire.

Sources : TA Toulon, 2 décembre 2014, n° 1404254 ; TA  Melun, 18 novembre 2015, n° 1408590. Sur le principe selon lequel un service public peut évoluer ou, même, ne pas être maintenu s’il est facultatif, voir CE Sect., 27 janvier 1961, Vannier, Lebon 60, concl. Kahn ; voir aussi Tribunal des Conflits, 18 juin 2007, Préfet de l’Isère et Université Joseph-Fourier, req. n° C3627, AJDA 2007, p. 1832.

NB sur le caractère facultatif de ce service, voir :

 

Plus récemment, les affaires de Chalon-sur-Saône et de Beaucaire ont prouvé que le principe de laïcité ne peut servir à lui seul à supprimer un repas de substitution.

Sources : CE, 11 décembre 2020, n° 426483 ; TA Nîmes, 9 octobre 2018, n° 1800342, 1800350, 1801251 et 1801601 ; TA Nîmes, 9 février 2021, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen LDH (n° 1900310) et Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme LICRA (n°1902318)… 

 

Nombre de communes et d’intercommunalités sortent de cette alternative en multipliant les repas végétariens en repas alternatif, tout en tentant de maintenir un équilibre en protéines. La loi EGALIM va dans ce sens… qui impose une expérimentation obligatoire en restauration scolaire publique ou privée d’un repas végétarien par semaine, voir :

 

OUI MAIS C’EST UNE AUTRE VOIE QUI A ÉTÉ PRISE À LYON : un menu unique, végétarien, pour tous.

Pour tenir compte de nouveaux protocoles sanitaires concernant les cantines scolaires, la ville de Lyon a apporté plusieurs modifications à l’organisation des cantines gérées par la ville. Elle a en particulier prévu la mise en place d’un menu unique, sans aucun choix, afin de fluidifier la circulation-des élèves.

Cette décision a été contestée par plusieurs requérants. Ils contestent cette nouvelle organisation en tant seulement que la ville a choisi comme menu unique un menu complet sans viande.

Le juge du référé, qui statue en urgence en attendant que le tribunal, saisi par ailleurs de requêtes en annulation, se prononce au fond, a rejeté les demandes de suspension de cette décision dont il était saisi.

Le juge du référé a tout d’abord relevé que cette décision a été prise dans le contexte d’une réorganisation imposée en urgence par des motifs sanitaires graves, liés à la crise pandémique de la covid-19. Il a ensuite constaté que cette mesure n’est qu’exceptionnelle et transitoire. Il a également pris acte des explications de la ville selon lesquelles le choix d’un menu complet sans viande, déjà expérimenté sans difficultés notables en mai et juin 2020, a été motivé par le souci de la ville de retenir le menu unique le plus susceptible de convenir à tous les enfants qui fréquentent habituellement la cantine, quelles que soient les pratiques alimentaires en temps normal. Il a enfin estimé, au vu de l’ensemble de ces éléments, que cette mesure temporaire, eu égard aux conditions dans lesquelles elle a été prise et à sa portée limitée, n’apparait pas de nature à créer des inconvénients qui soient susceptibles d’excéder ses justifications.

Le juge du référé a en conséquence rejeté les requêtes dont il était saisi, pour défaut d’urgence.

Les maires adaptes du véganisme obligatoire auront vite compris qu’il faut le rendre transitoire et s’abriter derrière des circonstances exceptionnelles pour éviter la censure en référé.

Mais cela ne préjudicie donc pas des recours au fond ni encore moins de la future position, un jour, peut-être, du Conseil d’Etat… Même si on le voit mal entrer trop loin dans la composition des repas du moment que l’équilibre alimentaire est (plus ou moins aisément… plus ou moins réellement…) assuré.


 

Voici cette décision :

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON

N° 2101279-2101389-2101391

___________
-M. Etienne B et autres

-FEDERATION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES (FDSEA) DU RHÖNE

-M. et Mme C et autres ___________

M. Stillmunkes Juge des référés ___________

Ordonnance du 12 mars 2021 ___________
54-035-02
C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés

Vu la procédure suivante :

I°) Par une requête enregistrée le 23 février 2021 sous le n° 2101279, M. Etienne B, M. Romain X, M. Pascal Y, Mme Françoise Z, M. Denis U, Mme Laurence T M. Jean-Michel W, Mme Béatrice S, M. Pierre O et Mme Florence V, demandent au juge des référés d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 18 février 2021 par laquelle la ville de Lyon a instauré à compter du 22 février 2021 un menu unique sans viande dans les cantines scolaires relevant de la ville, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Les requérants soutiennent que :
– ils ont régulièrement formé une requête en annulation ;
– il y a urgence compte tenu de la nécessité de préserver la santé des usagers de la

restauration scolaire ;
– la décision méconnait l’intérêt supérieur des enfants au sens de l’article 3, 1° de la

convention relative aux droits de l’enfant ; elle rompt l’égalité entre les enfants selon les moyens dont disposent leur famille pour leur proposer une alimentation saine et variée ; elle méconnait l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire ; elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021 à 11h40, et communiqué aux requérants par courrier et par mail effectivement reçu le jour-même, la ville de Lyon, représentée par la SELARL Paillat Conti & Bory (Me Conti), conclut :

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1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que les effets de la suspension soient différés dans le temps à trois semaines, ou soient limités à la seule exclusion de la viande dans les menus à compter du 22 mars 2021 ;

3°) à ce que qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Lyon soutient que :

  • –  la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre une mesure d’ordre intérieur ;
  • –  les requérants ne justifient pas d’un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
  • –  aucune situation d’urgence n’est caractérisée ;
  • –  les moyens invoqués ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ladécision contestée ;
    – subsidiairement, compte tenu de la justification de la mesure, sa suspension ne doit pas

    être ordonnée ;
    – très subsidiairement, compte tenu des contraintes d’organisation des cantines scolaires,

    la suspension devrait être différée dans le temps ou limitée à certains effets de la décision.

    Un mémoire complémentaire présenté par les requérants et enregistré le 11 mars 2021 à 11h04 n’a pas été communiqué.

    Un mémoire complémentaire présenté par la ville de Lyon et enregistré le 11 mars 2021 à 16h25, après clôture de l’instruction, n’a pas été communiqué.

    Par un courrier en date du 23 février 2021, les parties ont été informées, sur le fondement de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020, de ce que l’affaire serait jugée sans audience et de ce que l’instruction serait close le 9 mars 2021 à 12 heures.

    Par un courrier en date du 9 mars 2021, les parties ont été informées de ce que la clôture de l’instruction était reportée au 11 mars 2021 à 12h.

    Vu :
    – les autres pièces du dossier ;
    – la requête enregistrée le 23 février 2021 sous le numéro 2101278 par laquelle les

    requérants demandent l’annulation de la décision attaquée.

    II°) Par une requête enregistrée le 26 février 2021 sous le n° 2101389, la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) du Rhône, représentée par Me Comte (AARPI ADMYS avocats), demande au juge des référés :

    1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 18 février 2021 par laquelle la ville de Lyon a instauré à compter du 22 février 2021 un menu unique sans viande dans les cantines scolaires relevant de la ville, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

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2°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La fédération requérante soutient que :

– la décision est révélée par des mails et des déclarations concordantes ainsi que par sa mise en œuvre effective ;

– elle a intérêt à agir compte tenu de son objet et de la portée de la décision ;

– il y a urgence compte tenu de l’incidence économique et symbolique de la décision sur la situation des agriculteurs, ainsi que de son incidence nutritionnelle sur les enfants allant à la cantine ;

– en tant qu’elle constitue une mesure d’organisation du service, la décision est entachée d’incompétence ; elle a été prise sans information des élus au sens des articles L. 2121-29 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; elle a été prise sans concertation, au sens notamment de l’article L. 230-5-3 du code rural et de la pêche maritime et alors que le décret n° 2011-1227 et l’arrêté du 30 septembre 2011 ont été adoptés après concertation ; elle est entachée de détournement de pouvoir ; elle méconnait les articles L. 230-5 et D. 230-5 du code rural et de la pêche maritime ainsi que l’arrêté du 30 septembre 2011 ; elle méconnait l’intérêt supérieur des enfants au sens de l’article 3, 1° de la convention relatives aux droits de l’enfant ; elle constitue une dérogation aux règles nutritionnelles applicables, sans que le régime de l’état d’urgence sanitaire le permette ;

– subsidiairement, en tant qu’elle pourrait être vue comme constituant une mesure de police, au sens de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, elle est également entachée d’incompétence compte tenu des dispositions des articles L. 3131-15 et suivants du code de la santé publique, en l’absence de raisons impérieuses liées à des circonstances locales particulières ; elle est entachée de vice de forme en l’absence d’arrêté formalisé et en l’absence de motivation ; elle est illégale comme dénuée de nécessité ; elle n’est pas proportionnée et elle a une portée générale et non délimitée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021 à 11h29 et à 11h35, la ville de Lyon, représentée par la SELARL Paillat Conti & Bory (Me Conti), conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que les effets de la suspension soient différés dans le temps à trois semaines, ou soient limités à la seule exclusion de la viande dans les menus à compter du 22 mars 2021 ;

3°) à ce que qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la fédération requérante sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Lyon soutient que :

  • –  la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre une mesure d’ordre intérieur ;
  • –  la fédération requérante ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
  • –  aucune situation d’urgence n’est caractérisée ;
  • –  les moyens invoqués ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de ladécision contestée ;
    – subsidiairement, compte tenu de la justification de la mesure, sa suspension ne doit pas

    être ordonnée ;
    – très subsidiairement, compte tenu des contraintes d’organisation des cantines scolaires,

    la suspension devrait être différée dans le temps ou limitée à certains effets de la décision.

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Un mémoire complémentaire présenté par la fédération requérante et enregistré le 11 mars 2021 à 8h56 n’a pas été communiqué.

Un mémoire complémentaire présenté par la ville de Lyon et enregistré le 11 mars 2021 à 16h10, après clôture de l’instruction, n’a pas été communiqué.

Par un courrier en date du 26 février 2021, les parties ont été informées, sur le fondement de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020, de ce que l’affaire serait jugée sans audience et de ce que l’instruction serait close le 9 mars 2021 à 12 heures.

Par un courrier en date du 9 mars 2021, les parties ont été informées de ce que la clôture de l’instruction était reportée au 11 mars 2021 à 12h.

Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– la requête enregistrée le 26 février 2021 sous le numéro 2101388 par laquelle la

fédération requérante demande l’annulation de la décision attaquée.

III°) Par une requête enregistrée le 26 février 2021 sous le n° 2101391, M. et Mme C, Mme D, M. G Mme E, Mme P, Mme H et M. , et Mme N, représentés par MeCouret Hamon (AARPI ADMYS avocats), demandent au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 18 février 2021 par laquelle la ville de Lyon a instauré à compter du 22 février 2021 un menu unique sans viande dans les cantines scolaires relevant de la ville, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Lyon une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

– la décision est révélée par des mails et des déclarations concordantes ainsi que par sa mise en œuvre effective ;

– la décision fait grief compte tenu de son objet et de sa portée ;
– ils ont intérêt à agir en tant que parents d’enfants scolarisés et inscrits à la cantine ;
– il y a urgence compte tenu de l’incidence nutritionnelle de la décision sur les enfants

allant à la cantine et de son incidence sur l’organisation des parents qui décideraient de limiter le recours à ce mode d’alimentation ;

– en tant qu’elle constitue une mesure d’organisation du service, la décision est entachée d’incompétence ; elle a été prise sans information des élus au sens des articles L. 2121-29 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ; elle a été prise sans concertation, au sens notamment de l’article L. 230-5-3 du code rural et de la pêche maritime et alors que le décret n° 2011-1227 et l’arrêté du 30 septembre 2011 ont été adoptés après concertation ; elle est entachée de détournement de pouvoir ; elle méconnait les articles L. 230-5 et D. 230-5 du code rural et de la pêche maritime ainsi que l’arrêté du 30 septembre 2011 ; elle méconnait l’intérêt supérieur des enfants au sens de l’article 3, 1° de la convention relatives aux droits de l’enfant ; elle constitue une dérogation aux règles nutritionnelles applicables, sans que le régime de l’état d’urgence sanitaire le permette ;

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– subsidiairement, en tant qu’elle pourrait être vue comme constituant une mesure de police, au sens de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, elle est également entachée d’incompétence compte tenu des dispositions des articles L. 3131-15 et suivants du code de la santé publique, en l’absence de raisons impérieuses liées à des circonstances locales particulières ; elle est entachée de vice de forme en l’absence d’arrêté formalisé et en l’absence de motivation ; elle est illégale comme dénuée de nécessité ; elle n’est pas proportionnée et elle a une portée générale et non délimitée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021 à 11h37, la ville de Lyon, représentée par la SELARL Paillat Conti & Bory (Me Conti), conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement, à ce que les effets de la suspension soient différés dans le temps à trois semaines, ou soient limités à la seule exclusion de la viande dans les menus à compter du 22 mars 2021 ;

3°) à ce que qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La ville de Lyon soutient que :

– la requête est irrecevable en tant qu’elle est dirigée contre une mesure d’ordre intérieur ;

– aucune situation d’urgence n’est caractérisée ;

– les moyens invoqués ne sont pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;

– subsidiairement, compte tenu de la justification de la mesure, sa suspension ne doit pas être ordonnée ;

– très subsidiairement, compte tenu des contraintes d’organisation des cantines scolaires, la suspension devrait être différée dans le temps ou limitée à certains effets de la décision.

Un mémoire complémentaire présenté par les requérants et enregistré le 11 mars 2021 à 8h54 n’a pas été communiqué.

Un mémoire complémentaire présenté par la ville de Lyon et enregistré le 11 mars 2021 à 16h09, après clôture de l’instruction, n’a pas été communiqué.

Par un courrier en date du 26 février 2021, les parties ont été informées, sur le fondement de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020, de ce que l’affaire serait jugée sans audience et de ce que l’instruction serait close le 9 mars 2021 à 12 heures.

Par un courrier en date du 9 mars 2021, les parties ont été informées de ce que la clôture de l’instruction était reportée au 11 mars 2021 à 12h.

Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– la requête enregistrée le 26 février 2021 sous le numéro 2101390 par laquelle les

requérants demandent l’annulation de la décision attaquée. Vu :

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– la convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ; – le code de l’éducation ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code rural et de la pêche maritime ;

– le code de la santé publique ;
– la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 ;
– le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 ;
– l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le

cadre de la restauration scolaire ;
-le code de justice administrative, ensemble l’ordonnance n° 2020-1402 du

18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président du tribunal a désigné M. Stillmunkes, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. (…) ».

2. Il résulte de ces dispositions que le juge des référés ne prononce la suspension d’une décision administrative que si, d’une part, il est fait état d’un moyen de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité et si, d’autre part, une situation d’urgence peut être caractérisée, qui implique qu’il soit statué, provisoirement et à très bref délai, sans attendre que le tribunal, saisi au fond, ait examiné l’affaire. La suspension fait obstacle à l’exécution de la décision jusqu’à ce que le tribunal ait statué au fond sur la requête en annulation dont il est par ailleurs saisi. La condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

Sur la jonction :

3. Les trois requêtes susvisées sont dirigées contre la même décision relative aux menus des cantines scolaires de la ville de Lyon et présentent à juger des questions communes. Il y a en conséquence lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par une même ordonnance.

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Sur la procédure de jugement mise en œuvre :

4. Aux termes de l’article 3 de l’ordonnance susvisée du 18 novembre 2020 : « Outre les cas prévus à l’article L. 522-3 du code de justice administrative, il peut être statué sans audience, par ordonnance motivée, sur les requêtes présentées en référé. Le juge des référés informe les parties de l’absence d’audience et fixe la date à partir de laquelle l’instruction sera close (…) ». Eu égard au risque pandémique majeur qui a justifié la déclaration d’état d’urgence sanitaire et sa prorogation, en dernier lieu par la loi susvisée du 15 février 2021, et alors que les parties ont été mises en mesure de présenter chacune de façon complète leurs observations, la procédure prévue par les dispositions qui viennent d’être citées a été mise en œuvre.

Sur le cadre juridique applicable :

5. Le service public de la restauration scolaire est en particulier destiné à assurer l’alimentation des enfants dans des conditions conformes aux règles de l’hygiène et doit être organisé en prenant en compte l’intérêt supérieur des enfants. Lorsque les collectivités ayant fait le choix d’assurer le service public de restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d’organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier de ce service public, au regard des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont disposent ces collectivités.

6. Les articles L. 230-2 et suivants du code rural et de la pêche maritime sont consacrés à la qualité nutritionnelle et à la sécurité sanitaire des aliments. Aux termes de l’article L. 230-5 de ce code : « Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison (…) ». Aux termes de l’article R. 230-25 du même code : « Afin d’atteindre l’objectif d’équilibre nutritionnel des repas servis par les services de restauration scolaire et par les services de restauration universitaire traditionnelle, sont requis, conformément à l’article L. 230-5 : / 1° Quatre ou cinq plats proposés à chaque déjeuner ou dîner, dont nécessairement un plat principal avec une garniture, et un produit laitier ; / 2° Le respect d’exigences minimales de variété des plats servis ; / 3° La mise à disposition de portions de taille adaptée ; / 4° La définition de règles adaptées pour le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces. / Un arrêté conjoint du ministre de la défense, des ministres chargés de l’outre-mer et des collectivités territoriales, de la santé, de l’alimentation, de la consommation et de l’éducation nationale précise la nature des exigences sur la diversité des plats servis, sur le service de l’eau, du pain, du sel et des sauces ainsi que sur les tailles des portions d’aliments (…) ». Enfin, aux termes de l’article D. 230-24-1 du même code : « Au titre de la présente section, on entend par : / ― plat, chacune des composantes d’un repas : entrée, plat protidique, garniture, produit laitier et dessert (…) ».

7. Aux termes de l’article 1er de l’arrêté susvisé du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire, pris pour l’application des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime : « Les déjeuners et dîners servis dans le cadre de la restauration scolaire comprennent nécessairement un plat principal, une garniture, un produit laitier et, au choix, une entrée et/ou un dessert. / La variété des repas est appréciée sur la base de la fréquence de présentation des plats servis au cours

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de 20 repas successifs selon les règles fixées à l’annexe I du présent arrêté (…) ». Aux termes de l’annexe I du même arrêté : « Au sens de la présente annexe, on entend par : / (…) / plat protidique : plat principal à base de viandes, poissons, œufs, abats ou fromages. / (…) Les fréquences figurant ci-dessous sont définies sur la base de 20 repas successifs. / (…) / Pour garantir les apports en fer et en oligoéléments, il convient de servir : / au moins 4 repas avec, en plat protidique, des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie ; / au moins 4 repas avec, en plat protidique, du poisson ou une préparation d’au moins 70 % de poisson et contenant au moins deux fois plus de protéines que de matières grasses ; / moins de 4 repas avec, en plat protidique, une préparation à base de viande, de poisson ou d’œuf contenant moins de 70 % de ces produits (…) ». Ces dispositions ont vocation à garantir l’équilibre nutritionnel et la variété des menus des cantines scolaires.

Sur la demande de suspension :

8. Le 18 février 2021, la direction de l’éducation de la ville de Lyon a envoyé un courrier électronique aux parents d’élèves pour leur indiquer que la circulation du virus de la covid-19 et le développement de variants ont conduit le ministère de l’éducation nationale à définir un nouveau protocole sanitaire, visant en particulier à limiter le « brassage » d’élèves de classes différentes. La mise en œuvre de ce protocole implique de réserver des espaces dédiés par groupes d’enfants, en prévoyant une distance accrue entre eux. La ville, afin de maintenir l’accueil de tous les enfants, a en conséquence mis en place des mesures exceptionnelles. En particulier, afin d’optimiser le service de restauration, un seul menu sera proposé, qui ne comprendra pas de viande, et qui ne comprendra pas non plus de choix pour les entrées, les laitages ni les desserts. Les horaires pourront de plus être aménagés. Enfin, lorsque l’exiguïté des locaux normalement dédiés à la restauration implique de recourir à d’autres espaces, comme des gymnases ou des salles d’activité, des repas froids pourront être servis, en recherchant dans ce cas à assurer une rotation des élèves concernés. Le même courrier électronique précise que cette organisation, exceptionnelle et justifiée par les protocoles sanitaires applicables et les moyens disponibles, sera ajustée durant la première semaine de la rentrée. Cette décision est contestée en tant que, pour le plat protidique, si le poisson, les œufs et le fromage continueront d’être utilisés, il n’est en revanche pas prévu d’utiliser de la viande.

9. La ville de Lyon expose en défense qu’elle a dû redéfinir à bref délai les conditions de fonctionnement du service, qui concerne 26 000 usagers habituels, répartis entre 206 écoles. Elle précise qu’elle a recherché la solution la plus opérationnelle avec comme objectif premier de garantir la continuité du service, et qu’elle a pour ce faire repris la solution d’un menu unique sans viande qui avait été expérimentée sans difficulté notable en mai et juin 2020, dans un contexte pandémique comparable. Elle a ainsi renoncé temporairement à proposer le choix, normalement ouvert lors des inscriptions à la cantine, entre un menu classique, un menu complet sans viande ou un menu mixte. A cet égard, elle indique également que, pour l’identification d’un menu unique, parmi les différents menus qui sont normalement proposés, le menu complet sans viande a été à nouveau regardé comme le plus susceptible de convenir à tous les enfants qui fréquentent habituellement la cantine, quelles que soient les pratiques alimentaires en temps normal. Ce menu est par ailleurs celui dont la composition nutritionnelle a été validée par la commission des menus, qui regroupe des représentants de la ville, de l’entreprise responsable de la cuisine, des diététiciens, ainsi que des représentants de parents d’élèves. Enfin, la ville précise que cette solution de menu unique n’est envisagée en l’état que du 22 février au 9 avril 2021, soit pour une durée totale de sept semaines au plus.

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10. Le développement pandémique de la covid-19, qui constitue une circonstance exceptionnelle, a justifié la mise en œuvre et la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, en dernier lieu par la loi du 15 février 2021. Compte tenu du nombre élevé de décès et de malades, de la persistance de la circulation active du virus, de l’apparition et de la propagation rapide de plusieurs variants, ainsi que du risque particulier de contamination existant dans les institutions de restauration collective, le ministère de l’éducation nationale a mis en place et ajuste régulièrement des protocoles sanitaires, qui constituent des contraintes fortes d’organisation. Compte tenu du caractère exceptionnel de ces contraintes et de leur justification par des impératifs majeurs de santé publique, la seule circonstance qu’elles peuvent impliquer, de façon transitoire, des adaptations qui dérogent aux conditions normales de fonctionnement, dans le souci de maintenir l’ouverture à tous des services de restauration scolaire, et dans la stricte mesure de ce qui est justifié par les impératifs de sécurité sanitaire, n’est normalement pas de nature à caractériser une situation d’urgence au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-1. En particulier, la seule simplification temporaire de la composition des repas décidée par la ville de Lyon, dans le souci de maintenir ouverts les services de restauration scolaire tout en en fluidifiant le fonctionnement afin de juguler les risques de contamination, ne crée pas un risque sanitaire pour les enfants qui serait susceptible d’excéder le risque grave de contamination qui résulterait d’un engorgement des locaux dédiés, ni les conséquences préjudiciables qu’aurait la nécessité de fermer le service ou d’en réduire fortement l’accès. A la date de la présente ordonnance, un cycle complet de 20 repas n’est au demeurant pas encore achevé et la méconnaissance effective des dispositions précitées de l’arrêté du 30 septembre 2011 n’est encore que potentielle. Il résulte par ailleurs de l’instruction que la fluidification du fonctionnement des cantines a permis le respect du protocole sanitaire renforcé, sans que des difficultés particulières ne soient signalées. Enfin, eu égard à sa portée limitée, la mesure n’apparait pas de nature à créer d’incidences graves pour les filières agricoles d’élevage. La mesure en cause, qui n’est qu’exceptionnelle et transitoire, ne crée donc pas, en l’état de l’instruction et eu égard à l’office du juge des référés, d’inconvénients qui soient susceptibles d’excéder ses justifications. La condition d’urgence n’étant, dans ces conditions, pas satisfaite, la demande de suspension ne peut qu’être rejetée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense. Il appartiendra toutefois à la ville de Lyon de réévaluer dans les meilleurs délais la situation, en coordination notamment avec les services de l’éducation nationale, afin de rechercher les conditions d’un retour à un fonctionnement normal, dans toute la mesure où les conditions sanitaires le permettront.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE:

Article 1er : Les requêtes sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Lyon sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée, conformément à l’article 6 du décret n° 2020- 1406, à M. Etienne B, représentant unique des premiers requérants, à Me Comte, à Me Couret Hamon et à la SELARL Paillat Conti Bory.

Copie en sera adressée à la ville de Lyon, à la FDSEA du Rhône et à M. et Mme C, représentants uniques des derniers requérants.

Fait à Lyon, le 12 mars 2021.
Le juge des référés,

H. Stillmunkes

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


 

 

Voir aussi :