Principe d’égalité : le RIFSEEP applicable aux fonctionnaires d’un corps fusionné dans un nouveau corps peut-il être maintenu ?

Par un arrêt Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l’État et des collectivités territoriales – Force Ouvrière (SNITPECT-FO) en date du 2 avril 2021 (req. n° 433017), le Conseil d’État considère que le maintien du RIFSEEP aux fonctionnaires dont le corps est fusionné dans un nouveau corps méconnaît le principe d’égalité dès lors que la création d’un RIFSEEP commun à tout ce corps est envisagée.

Dans sa version antérieure au décret du 24 juin 2020, l’article 7 du décret du 20 mai 2014 portant création d’un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) fixait un échéancier pour l’application du RIFSEEP à l’ensembles des corps de fonctionnaires de l’État et, en vertu du principe de parité, des cadres d’emplois de la fonction publique territoriale.

Or, le Syndicat national des ingénieurs des travaux publics de l’État et des collectivités territoriales – Force Ouvrière (SNITPECT-FO) a demandé le 25 mars 2019 au Premier ministre, au ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’action et des comptes publics d’appliquer, aux inspecteurs des affaires maritimes ayant intégré le corps des ingénieurs des travaux publics de l’État, le régime indemnitaire propre à ce corps, demeuré en vigueur en vertu d’un arrêté pris sur le fondement de l’article 7 du décret du 20 mai 2014, et non le RIFSEEP maintenu aux intéressés par les dispositions de l’article 3 du décret du 27 décembre 2012 issues du décret du 17 juillet 2018.

Ce posait donc une question d’égalité de traitement.

Le Conseil d’État rappelle tout d’abord le considérant de principe suivant : « L’égalité de traitement à laquelle ont droit les agents d’un même corps ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, en particulier en instituant des régimes indemnitaires tenant compte de fonctions, de responsabilités ou de sujétions particulières ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit. L’intérêt général qui s’attache à la création de corps interministériels ou ministériels par la fusion de corps existants justifie ainsi le maintien de régimes indemnitaires différents au sein du nouveau corps, qui ne tiennent pas à la particularité des fonctions, responsabilités ou sujétions dès lors qu’une telle différence, ayant pour objet de faciliter la création du corps, disparaît à l’issue d’une période de transition d’une durée raisonnable. »

Puis, il constate que la décision de maintenir aux agents issus du corps des inspecteurs des affaires maritimes le RIFSEEP dont ils bénéficiaient avant leur intégration dans le corps des ingénieurs des travaux publics de l’Etat était liée à leur incorporation dans ce corps et à la perspective, qui était alors prévue par l’article 7 du décret du 20 mai 2014, de l’application du RIFSEEP à l’ensemble des ingénieurs des travaux publics de l’Etat.

Toutefois, poursuit-il, « depuis l’intervention du décret du 24 juin 2020 mentionné ci-dessus, cette application n’est plus prévue, de sorte que les agents issus du corps des inspecteurs des affaires maritimes ont au contraire vocation, comme la ministre de la transition écologique le reconnaît au demeurant, à se voir appliquer le régime indemnitaire propre au corps des ingénieurs des travaux publics de l’État. Pour apprécier si, à la date de la présente décision, la période de transition pendant laquelle des régimes indemnitaires différents sont maintenus au sein du même corps s’est prolongée au-delà d’une durée raisonnable, il n’y a dès lors plus lieu de tenir compte de la difficulté qu’aurait présenté, pour l’administration, l’application du RIFSEEP à l’ensemble du corps, mais uniquement de celle que présente, une fois cette perspective écartée, l’application aux agents issus du corps des inspecteurs des affaires maritimes du régime propre au corps des ingénieurs des travaux publics de l’État. »

Dans ces conditions, « le syndicat requérant est fondé à soutenir que la différence de traitement critiquée s’est prolongée, à la date de la présente décision, pendant une durée qui excède le délai raisonnable pendant lequel une telle différence de traitement pouvait être regardée comme justifiée par un motif d’intérêt général, et que le pouvoir réglementaire ne peut maintenir en vigueur les dispositions dont l’abrogation est demandée sans méconnaître le principe d’égalité. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-04-02/433017