Accessibilité des PMR dans les établissements relevant du public : via un recours contre l’arrêté préfectoral refusant une dérogation, le juge accepte d’entrer dans un contrôle approfondi de l’avis de la sous-commission départementale d’accessibilité

Police des établissements recevant du public (ERP) et accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR) : le préfet est lié par l’avis défavorable de la sous-commission départementale d’accessibilité… mais le juge, ensuite, dispose (bien sûr mais c’est toujours intéressant de le noter) d’un vrai pouvoir de contrôle, via le recours contre la décision préfectorale, de la la régularité et le bien-fondé de l’avis lui-même.

 

En l’espèce, Mme G a son cabinet pour une activité libérale au premier étage d’un immeuble collectif. Aucun ascenseur n’est techniquement possible, donc Mme G sollicite une dérogation aux règles d’accessibilité des PMR (personnes en situation de handicap, mais aussi personnes âgées ou fatiguées ou encore jeunes parents avec une poussette, etc.).

En l’état du droit applicable alors (2019), le juge administratif constate que « des dérogations aux règles d’accessibilité des personnes handicapées peuvent être accordées en cas d’impossibilité technique liée aux caractéristiques du bâtiment existant, en cas de contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural, en cas de disproportion manifeste entre les améliorations attendues et leurs coûts et effets sur l’usage du bâtiment ou encore en cas d’opposition des copropriétaires du bâtiment ayant un usage principal d’habitation

Le préfet a refusé cette dérogation car celui-ci doit statuer, s’il statue, dans le même sens que la sous-commission départementale d’accessibilité (SCDAPH). Le préfet est alors en effet en situation de compétence liée face à un tel avis conforme.

Or, la SCDAPH avait émis un avis défavorable à la demande de dérogation formulée par Mme G. En effet, l’article L. 111-7-3 du code de la construction et de l’habitation (alors applicable ; avant l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020) prévoyait un avis conforme, de sorte que le préfet était tenu de refuser la demande de Mme G.

Le juge a admis que  via le recours contre l’arrêté préfectoral, Mme G. pouvait contester (ou être considérée comme ayant contesté) la régularité ou le bien-fondé de l’avis de la SCDAPH en cause.

Or, il est intéressant de constater que le juge est entré avec précision dans l’historique du dossier pour censurer la décision préfectorale et, partant, en réalité, celé de la sous-commission départementale de l’accessibilité :

« 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme G. a demandé à bénéficier d’une dérogation aux règles d’accessibilité au motif que l’immeuble dans lequel elle exerce une activité de (…) ne dispose pas d’une configuration permettant d’installer un ascenseur. Elle fait valoir que, si une cage de monte-charge existait lors de la construction de l’immeuble, celle-ci a été condamnée pour réaliser des salles de bains à chaque étage. Elle produit un courrier du 6 septembre 2019 de la société F. qu’elle a chargée d’examiner le projet d’accessibilité de son cabinet professionnel et qui atteste qu’aucune solution n’a été trouvée, dans la mesure où ni la mise en place d’un élévateur PMR, ni celle d’un ascenseur n’est possible pour accéder à l’étage, la partie commune de l’immeuble ne permettant pas l’installation d’un quelconque appareil élévateur. Toutefois, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que, pour émettre son avis, la sous-commission départementale de l’accessibilité ait examiné l’impossibilité technique dont Mme G. se prévaut compte tenu des caractéristiques de l’immeuble dans lequel est installé son cabinet. Surtout, aucune disposition législative ou réglementaire n’interdisant de créer un nouvel établissement recevant du public dans un bâtiment déjà existant, la sous-commission départementale de l’accessibilité a entaché son avis d’une erreur de droit en refusant la demande de Mme G. au seul motif que ce projet a pour conséquence la création d’un établissement recevant du public non accessible aux personnes à mobilité réduite dans un logement non prévu à cet effet.

« 7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme G. est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du préfet des Côtes-d’Armor du 10 juillet 2019, pris sur le fondement de cet avis litigieux illégal, ainsi que de la décision du 1er octobre 2019 rejetant son recours gracieux. »

 

Voir l’intéressant commentaire sur le site dudit TA :