La mention même indirecte du handicap d’un agent ne peut être maintenue sur un site internet public

Par un arrêt M. A. c/ ministre de l’économie, des finances et de la relance en date du 10 juin 2021 (req. n° 431875), le Conseil d’État a jugé, à propos d’un arrêté portant nomination, classement et titularisation de contractuels, qui a fait l’objet d’une publication au bulletin officiel de l’administration concernée et a été mis en ligne sur le portail internet du ministère, comportant le visa du décret n° 95-979 du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, que :

  • si la mise en ligne d’une telle information révèle indirectement que les personnes recrutées à ce titre souffrent d’un handicap, elle ne donne directement aucune information sur la nature ou la gravité de ce handicap et ne saurait, par suite, être regardée comme procédant au traitement d’une donnée relative à la santé des personnes considérées ;
  • toutefois, le maintien permanent sur le site internet du ministère de ces données personnelles excède ce qui est nécessaire au regard des finalités du traitement en cause, qui vise à garantir les droits des tiers et le respect du principe d’égal accès aux emplois publics énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il appartient ainsi à l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, une fois expiré le délai de recours contre un tel acte, de prendre des mesures de nature à limiter le traitement des données en cause à ce qui est nécessaire, en ne maintenant cette publication que sous la forme d’un extrait ne mentionnant pas le fondement juridique de l’arrêté de nomination.

En l’espèce, M. A…-C…, qui a été recruté à la direction générale des finances publiques le 1er septembre 2014 pour exercer les fonctions d’inspecteur des finances publiques en vertu d’un contrat d’engagement d’une durée d’un an, conclu sur le fondement du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, a été, à l’expiration de ce contrat, nommé et titularisé dans le grade correspondant à compter du 1er septembre 2015 par un arrêté en date du 8 juillet 2015 établissant la liste des agents titularisés dans le grade d’inspecteur des finances publiques sur le fondement de ce décret.

Estimant que cet arrêté, qui a fait l’objet d’une publication au Bulletin officiel de la direction générale des finances publiques et a été mis en ligne sur le portail internet des ministères économiques et financiers, portait atteinte à sa vie privée, M. A…-C… a, par courrier du 18 décembre 2015, demandé la suppression de la mention de son nom et de sa date de naissance sur la version de l’arrêté mise en ligne. L’administration a rejeté sa demande par un courrier en date du 12 février 2016, de même que, par un courrier en date du 30 mai 2016, le recours gracieux formé par l’intéressé le 14 avril 2016 contre ce refus. Ce dernier se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 24 avril 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du 30 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation du refus opposé par l’administration et à ce qu’il soit enjoint à cette dernière de retirer les informations le concernant figurant dans l’arrêté du 8 juillet 2015.

Le Conseil d’État va faire droit au pourvoi. Il constate tout d’abord que « l’arrêté du 8 juillet 2015 portant nomination, classement et titularisation de contractuels de catégorie A dans le grade d’inspecteur des finances publiques, qui a fait l’objet d’une publication au Bulletin officiel de la direction générale des finances publiques et a été mis en ligne sur le portail internet des ministères économiques et financiers, comporte le visa du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique. »

Toutefois, il relève que « si la mise en ligne d’une telle information révèle indirectement que les personnes recrutées à ce titre souffrent d’un handicap, elle ne donne directement aucune information sur la nature ou la gravité de ce handicap et ne saurait, par suite, être regardée comme procédant au traitement d’une donnée relative à la santé des personnes considérées. »

En revanche, précise l’arrêt, « le maintien permanent sur le site internet du ministère de ces données personnelles excède ce qui est nécessaire au regard des finalités du traitement en cause, qui vise à garantir les droits des tiers et le respect du principe d’égal accès aux emplois publics énoncé à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il appartient ainsi à l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, une fois expiré le délai de recours contre un tel acte, de prendre des mesures de nature à limiter le traitement des données en cause à ce qui est nécessaire, en ne maintenant cette publication que sous la forme d’un extrait ne mentionnant pas le fondement juridique de l’arrêté de nomination. En l’espèce, à la date de la présente décision, le délai de recours est expiré et le maintien de la mise en ligne des informations révélant indirectement le handicap du requérant excède ce qui est nécessaire au regard des finalités du traitement. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-06-10/431875