Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision, à publier aux tables du recueil Lebon, qui illustre bien la rigueur croissante du juge dans l’appréciation du bilan coût / avantages de telle ou telle opération d’aménagement, notamment en termes de prise en compte du volet paysager du projet.
Etait en cause la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet de prolongement de la route départementale (RD) n° 6185 entre la RD n° 9 et la RD n° 2562 sur le territoire de la commune de Grasse, visant à créer un boulevard urbain dans le prolongement de la RD 6185 existante afin d’améliorer la circulation automobile entre l’extérieur et le centre de la ville de Grasse pour faciliter les échanges entre les quartiers, renforcer la desserte locale et améliorer la sécurité dans le secteur.
Le coût, déjà, était très élevé, évalué à 68 millions d’euros pour la création d’une voie de 1 920 mètres, soit 34 millions d’euros par kilomètre (ce qui peut suffire — en lien avec l’intérêt du projet — à plomber un projet : CE, Assemblée, 28 mars 1997, Association contre le projet de l’autoroute transchablaisienne et autres, n°s 170856 170857, rec. p. 120).
Ce coût s’explique par la construction de deux viaducs, trois ponts routiers, de 5 500 m2 de murs de soutènement et de 2 100 mètres de murs acoustiques.
Oui mais… cette réalisation devait avoir un impact très visible dans le paysage remarquable dans lequel il est appelé à s’inscrire, en particulier du fait des deux viaducs, d’une longueur et d’une hauteur respectives de 150 mètres et de 20 mètres pour le premier et de 210 mètres et de 27 mètres pour le second (ce qui peut être selon les cas beau ou non… que l’on pense aux exceptionnels ouvrages de la route des Tamarins à La Réunion…).
Le Conseil d’Etat a estimé que ces viaducs étaient de nature à gravement altérer le caractère du site, regardé comme exceptionnel, et ce en dépit des mesures visant à atténuer les effets du projet sur le paysage décrites dans l’étude d’impact.
Le coût financier du projet et les atteintes portées à un paysage remarquable sont donc excessifs, tranche la Haute Assemblée, au regard de l’intérêt public que présente la réalisation du projet.
Sauf que cela fait trois ou quatre fois, selon les manières de compter, que des projets de ce type sur cette agglomération sont censurés… et que les alternatives sinon sont présentées, à tort ou à raison, comme détruisant les actuels quartiers. Voir :
- https://www.tpbm-presse.com/le-prolongement-de-la-penetrante-cannes-grasse-devant-le-conseil-d-etat-3070.html
- https://contournementdegrasse.wordpress.com/visualiser-le-projet-de-prolongement/
- https://www.nicematin.com/vie-locale/le-projet-de-prolongement-de-la-penetrante-cannes-grasse-verra-t-il-le-jour-une-decision-majeure-vient-de-tomber-397012
- http://grasseatous.viabloga.com/news/prolongement-de-la-penetrante-cannes-grasse-attention-la-procedure-d-expropriation-est-lancee
- https://www.departement06.fr/documents/Import/servir-les-habitants/rd6185-rapport-ce-rd6185-grasse.pdf
Il en reste une leçon : les études paysagères et les arguments doivent être très en amont préparés, d’un coté ou de l’autre, avec des éléments qui au delà des données de circulation, de coût, de pollution… gagnent fortement à intégrer des données paysagères de manière plus nette que ce qui est encore souvent pratiqué.
Source : CE, 28 juin 2021, n° 434150 434327 434409, à mentionner aux tables du recueil Lebon
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