Nouvelle diffusion (en attendant l’ordonnance qui devrait être bientôt publiée…)
La loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 comprend bien sur de nombreuses dispositions intéressantes (pour un survol en vidéo de celles-ci, voir ici : https://youtu.be/nfXKOxOhL8A).
Mais au milieu de ces myriades des nouvelles dispositions et de ces masses de chiffres, une réforme importante est à souligner, sur laquelle nous planchons d’arrache-pied depuis des années : la refonte totale du régime de responsabilité financière des ordonnateurs et des comptables… dont les grandes lignes se trouvent dans cette loi de finances, en attendant (à bref délai) une ordonnance qui précisera ce nouveau régime.
Déjà, à la base, la vie financière publique est riche de nombreuses réformes récentes ou en cours :
- tentatives — interrompues — en matière d’agences comptables intégrées dans le monde territorial.
- évolution du contrôle opéré au sein des établissements publics de l’Etat.
- expérimentation, dans le monde territorial, du compte financier unique (déjà pratiqué dans les mondes de l’éducation et de la santé).
- réflexions diverses et variées sur l’évolution même de la séparation entre ordonnateurs et comptables.
Dans ce cadre, le régime de responsabilité financières des acteurs du monde public devait être réformé. Ce point n’est guère contesté :
- La responsabilité personnelle des comptables patents, réformée il y a 10 ans, certes tempérée par les mécanismes d’assurances et de remises gracieuses, certes ajustée par d’importantes décisions récentes du juge, conduit à des iniquités qui choquent nombre de praticiens.
- Idem, mais avec une problématique tout de même un peu différente, pour la responsabilités au titre de la gestion de fait.
- Quant à la responsabilité personnelle des ordonnateurs, qui relève de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF)… il ne faut pas en sous-estimer… la virtualité.
- ajoutons que nombre de voix estiment qu’il vaudrait d’ailleurs remplacer certains cas — certains cas seulement bien sûr — de responsabilité pénale, au titre de la gestion publique, par une responsabilité financière devant les juridictions financières.
Le présent blog s’est souvent fait l’écho alors des propositions du livre beige du SJF, en 2018, puis en 2020 des rapports Bassères et Damarey (nous suggérons singulièrement la lecture du rapport de Mme S. Damarey !) :
- https://youtu.be/U1Dux6tLal0
- https://youtu.be/7OjyWr52oew
- RAPPORT BASSERES
- RAPPORT DAMAREY (PARANGONNAGE)
Le nouveau premier président (PP) de la Cour des comptes Pierre Moscovici a, de son côté, dès son installation lancé une réforme de l’institution (« JF 2025 » pour juridiction financière 2025), avec de nombreuses propositions, dont des propositions 17 et 18 importantes à ce sujet. Citons la proposition 17 :
« « n°17 #ResponsabilitéUnifiée
« Aller vers un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics, comptables comme ordonnateurs. Cette responsabilité serait engagée au cours de la même instance et devant le même juge de plein contentieux. Cela autoriserait le parquet financier de la Cour et des CRTC à engager des poursuites à l’encontre des diérents acteurs de la chaîne financière pour les mêmes faits, au cours de la même procédure. Dans ce nouveau régime, les juridictions financières, Cour et CRTC, seraient les juges de premier ressort, la CDBF l’instance d’appel et le Conseil d’État le juge de cassation, garantissant ainsi l’accès à un double de degré de juridiction pour les gestionnaires publics poursuivis. Les incriminations seraient adaptées et les sanctions proportionnées au manquement, au préjudice occasionné et aux circonstances dans lesquelles ont agi les responsables publics.»
… avec donc :
- une responsabilité unifiée entre ordonnateurs et comptables (point maintenu dans la réforme définitive),
- avec une inclusion des élus dans ce régime (point plutôt NON maintenu dans la réforme définitive sauf sans doute pour les mandats qui ne sont pas l’accessoire obligé du mandat),
- le tout autour d’une liste d’infractions financières (point maintenu)
- et avec les CRC/CTC en 1e instance (point NON maintenu dans le texte définitif ce qui est en réalité tout à fait fondamental).
Voir la table ronde que nous avions alors organisée :
Pour un survol général bien plus détaillé de toutes ces étapes, voir :
Avec cette loi de finances pour 2022, c’est, déjà, l’adoption de cette réforme que l’on constate. Mais celle-ci diffère sur des points importants de ce qui avait été esquissé par le programme JF2025.
Voici les 12 points qui nous semblent être à en retenir :
- la réforme arrivera donc finalement fort vite (2022, sans doute avant la présidentielle).
- le champ de ces responsabilités devrait rester assez limité car si celle-ci est centralisée auprès de la Cour des comptes, certes comme d’habitude avec des moyens humains piochés dans les CRTC (CRC et CTC)… la thrombose que connaît déjà la CDBF se reproduira dans le nouvel ensemble avec sans doute un « entonnoir » de fait strict en amont des poursuites ou juste en aval de celles-ci.
- le texte en l’état actuel reste d’ailleurs encore assez flou sur les infractions financières à définir, si ce n’est que l’on reprend la notion de préjudice financier significatif pour qu’il y ait sanction (le préjudice doit même être significatif) et que la faute doit être grave…
- la gestion de fait reste finalement maintenue, mais réformée.
- pour les comptables publics, c’est la fin de la responsabilité personnelle et pécuniaire traditionnelle, réformée il y a 11 ans…. et sans doute la fin de tout un régime avec pas mal d’injustices, y compris au stade des remises gracieuses. Mais le contrôle à opérer, fondé sur la régularité financière, continue d’avoir quelques zones d’ombres qu’il ne semble pas prévu d’éclairer.
- c’est sans doute aussi un moment de remise en cause pour le régime assurantiel de ces comptables…
- surtout, la fin des fonctions juridictionnelles des CRC sera un bouleversement considérable à d’assez nombreux titres.
- ajoutons que la création sur ce point d’un double degré de juridiction avant passage en cassation devant le Conseil d’Etat) forme une garantie fort rassurante pour les justiciables.
- les élus se trouvent donc largement exemptés de ce nouveau régime mais ce n’est dit dans la version définitive du texte que mezzo voce. Les débats parlementaires furent, cela dit, clairs en ce sens.
- les règles procédurales sont brièvement énumérées mais recoupent les canons de beauté en ce domaine, et de toute manière sur ce point le besoin de respecter les règles de la CEDH conduira sans doute à des garanties suffisantes (à surveiller comme le lait sur le feu cela dit).
- ce qui est prévu en matière d’amendes reste modeste pour le principal, mais avec un gros risque pour la peine complémentaire (« d’interdiction d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité d’ordonnateur pour une durée déterminée »).
- les liens avec le pénal restent à tout le moins inachevés (rien sur le passage du pénal vers le financier ; maintien de débats sur le non bis in idem nonobstant des décisions claires du Conseil constitutionnel à ce sujet…).
Sur tout cela nous avons voulu faire une vidéo de 10 mn, que voici, en deux parties :
- une courte présentation par mes soins
- puis, surtout, une interview accordée par
M. Gilles Johannetprocureur général honoraire près la Cour des comptes… lequel, comme toujours, s’exprime avec clarté et indépendance d’esprit.
https://youtu.be/8mKmNrZ0eYs
Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 5′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr
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