Un contenu terroriste en ligne devra être retiré dans l’heure (selon des modalités fixées par une loi publiée ce matin, mettant en oeuvre un régime européen déjà applicable)

Au JO de ce matin se trouve la loi n° 2022-1159 du 16 août 2022 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (NOR : IOMX2202301L) :

 

Ce régime est une adaptation nationale des dispositions déjà applicables du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021. Voyons ceci en trois étapes :

  1. Le droit européen imposait de désigner une autorité compétente pour émettre une injonction de retrait de telles mentions. Un délai à cet effet d’une heure est, à ce sujet, prévu par le règlement européen.
    La loi nouvelle (article 6-1-1, nouveau, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique) désigne :

    • l’autorité compétente pour émettre des injonctions de retrait de contenus à caractère terroriste. Il s’agit de la même autorité que celle mentionnée à l’article 6-1 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, compétente en matière de blocage de sites provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique.
    • la personnalité qualifiée appelée à recevoir les injonctions de retrait en vue de procéder à l’examen approfondi de ces injonctions au titre de l’article 4 du règlement (UE) 2021/784. Il s’agit de la personnalité qualifiée mentionnée à l’article 6-1 de la loi, qui est désignée en son sein par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) pour la durée de son mandat, avec un suppléant.
  2. le droit européen impose ensuite de prévoir un recours effectif permettant aux fournisseurs de services d’hébergement de contester une telle injonction devant les juridictions de l’État membre de l’autorité qui l’a émise.
    Sur ce point, la loi nouvelle :

    • prévoit une voie d’un recours spécifique en annulation devant le tribunal administratif. Celui-ci est alors tenu de statuer sur la légalité de cette injonction dans le délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la juridiction d’appel est tenue de statuer dans le délai d’un mois.
    • n’exclut pas le recours au référé suspension et, surtout, au référé liberté et, très explicitement, le Conseil constitutionnel a confirmé ce cumul de voies de recours en référé dans sa décision n° 2022-841 DC du 13 août 2022
    • permet à l’ARCOM, en cas d’irrégularité, de recommander à l’autorité compétente d’y mettre fin et, dans le cas où cette recommandation n’est pas suivie, de saisir la juridiction administrative en référé ou sur requête qui doit être jugée dans le délai de soixante-douze heures.
  3. est déterminé, comme imposé par le droit européen, le régime des sanctions applicables en cas de manquement ((un an d’emprisonnement et 250 000 euros d’amende ; lorsque l’infraction est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent). L’article 3 du règlement du 29 avril 2021 qu’un tel manquement n’est pas constitué tant que le fournisseur de services d’hébergement ne peut pas se conformer à l’injonction reçue en raison d’un cas de force majeure, d’une impossibilité de fait qui ne lui est pas imputable ou des erreurs manifestes ou de l’insuffisance des informations que l’injonction contient.

L’ injonction de retrait ne peut porter, de manière motivée, que sur des contenus à caractère terroriste précisément définis et limitativement énumérés à l’article 2 du règlement du 29 avril 2021, dont l’article premier prévoit, en outre, que ne peut être considéré comme ayant un caractère terroriste le contenu diffusé au public à des fins éducatives, journalistiques, artistiques ou de recherche, ou à des fins de prévention ou de lutte contre le terrorisme, y compris le contenu qui représente l’expression d’opinions polémiques ou controversées dans le cadre du débat public.

 

Voir la décision du Conseil constitutionnel à ce sujet :