Nouvelle diffusion
Certes notre Assemblée nationale est-elle dénuée de majorité absolue donnée à une coalition stable.
Certes est-ce inédit sous la Ve République.
Certes est-ce combiné avec une tension dans les débats politiques. Une tension particulièrement vive, favorable à certains extrêmes… mais qui comparable à ce que l’on voit dans certains pays étrangers.
Cela dit… La Constitution de 1958 n’était pas forcément bâtie pour des chambres dotées d’une majorité absolue.
D’ailleurs, sans même parler des cohabitations (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002), l’existence de coalitions malaisées (guère plus confortables qu’une majorité relative) fut assez fréquente (1958-1962 ; mandat 1974-1981 ; 1988-1995 ; voire certains moments du quinquennat de F. Hollande en raison de la fragmentation du PS…).
Notre parlementarisme rationalisé était d’ailleurs déjà en crise ou en décalage entre droit et réalité, selon d’assez nombreux auteurs.
A lire par exemple à ce sujet la thèse ayant eu en 2010 le prix du Conseil constitutionnel : Les armes du Gouvernement dans la procédure législative : Étude comparée : Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni par Mme Céline VINTZEL, CAHIERS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL N° 29 – OCTOBRE 2010. Voir aussi notamment Lascombe (M.), « Le Premier ministre, clef de voûte des institutions ? L’article 49, alinéa 3 et les autres… », RDP, 1981, p. 58. Boudant (J.), « La crise identitaire du Parlement français », RDP, 1992. Carcassonne (G.), « La résistance de l’Assemblée nationale àl’abaissement de son rôle », RFSP, 1984, p. 340. King (A.), « Modes of Executive-Legislative Relations : Great-Britain, France, and West Germany », Legislative Studies Quaterly, Vol. 1, 1976, p. 11-36. etc.
Mais notre régime législatif, notre processus parlementaire, s’avère plus rapide qu’ailleurs au final, ce qui aide à relativiser l’impact de ces blocages. Selon M. B. Morel, en France, le processus législatif est déjà le plus rapide d’Europe…avec celui de la Hongrie.
Cela permettra peut être de faire des textes transpartisans comme il y en a en réalitétoujours beaucoup derrière les grands textes (récemment : loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation ; citons aussi la loi IVG de 1975…).
Plus encore, les créneaux laissés désormais aux divers groupes pourraient les conduire à coopérer qu’avant la réforme de 2008.
Mais coopérer politiquement n’est pas dans notre culture.
Le pire censeur sur ce point risque d’être l’électeur : ce dernier blâme les politiques par principe. Le citoyen enjoint usuellement à ses représentants d’œuvrer collectivement pour le Pays…Mais in fine il les soupçonne de compromission dès qu’ils travaillent effectivement ensemble.
Le Président de la République pourrait dissoudre, s’il le souhaitait, sans attendre le délai d’un an parfois évoqué, à tort, par certains. Il suffit de lire l’article 12 de la Constitution pour s’en convaincre. Reste qu’il est — pour lui — sans doute un peu tôt politiquement…
Le recours au référendum sera parfois une solution… MAIS il n’est pas possible de réformer la Constitution ou de voter dans certains domaines en s’affranchissant de vote dans les chambres, et ce en raison de l’article 11 de la Constitution. Certes n’en est-il pas allé ainsi en 1962, mais depuis la jurisprudence Hauchemaille avec saisine préalable du Conseil constitutionnel y a mis bon ordre.
Sources : C. Const., déc. n° 2000-21 REF du 25 juillet 2000 ; voir aussi Cons. const. 14 mars 2001, Hauchemaille, CE, Sect. 14 septembre 2001, Marini et 20 septembre 2001, Hauchemaille et Marini, par M. Richard Ghevontian, in Revue française de droit constitutionnel 2001/4 (n° 48), pages 775 à 778. Voir aussi H. Savoie, Conclusions sur CE, Ass., 1er sept. 2000, Larrouturou, Meyet et autres, RFD Adm. n° 16, sept-oct. 2000, p. 989. Etc.
Les limitations portées à ce pauvre alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution, perçu en d’autres temps (avec excès selon moi) comme un horrible caporalisme, restent tout de même limitées
Mais il est vrai que le quinquennat et le fait que les élections législatives suivent l’élection présidentielle ont renforcé nos habitudes d’avoir un Parlement dominé par une majorité forte, elle-même dominée par l’exécutif…
A ces divers sujets, j’ai voulu poser des questions à :
- M. Didier Maus, Président émérite de l’Association française de droit constitutionnel
- M. Benjamin Morel, Maître de conférences (Université Paris 2 Panthéon-Assas) ; Docteur (École Normale Supérieure Paris-Saclay)
Et leurs réponses sont passionnantes !
Voici les questions ainsi posées :
• 1/ Notre Constitution n’est pas inadaptée dans son principe à un vrai fonctionnement parlementaire ?
• 2/ Mais les pratiques parlementaires doivent évoluer ?
• 3/ Nul ne doute que la dissolution, certes malcommode à court terme, peut se faire sans attendre 12 mois ?
• 4/ Quid en cas d’urgence ?
• 5/ la réforme de l’article 49, al. 3, est elle réellement si bloquante ?
• 6/ Et pour les lois de finances ? Ce sera un choix entre 49, al. 3, voire l’article 47 (sorte de 12e provisoires) ?
• 7/ Quelles solutions opérationnelles pour aboutir à des consensus ponctuels ? Notamment en cas de sujet urgent ou important ?
• 8/ Justement, l’outil référendaire vous semble-t-il utilisable ?
• 9/ Mais la population et notre structuration partisane sont-elles prêtes à une (très éventuelle) généralisation des référendums ?
Voici ce dossier de 11 mn 11 :
Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 10′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr
Voir aussi cette autre vidéo très complémentaire (et intéressante) sur un point à l’été 2022
En 8 mn 15, M. Didier Maus établit trois constats sur notre Assemblée Nationale en cet été 2022 :
Avec les points suivants successivement étudiés :
- De la fin du fait majoritaire naquirent des incertitudes
- 1er constat : la disparition du fait majoritaire (votes au cas par cas ; pas de majorité de rechange)
- 2e constat : le retour du parlementarisme (une obstruction qui, pour l’instant, n’est pas bloquante ; un fonctionnement parlementaire logique ; un Parlement médiatisé ; un Gouvernement recentré sur l’article 20 de la Constitution)
- 3e constat : la loi évolue (la montée en puissance du Sénat et de la Commission mixte paritaire ; des textes plus éloignés des projets initiaux)
- La dissolution n’est pas, à très court terme, à l’ordre du jour
Il s’agit d’une série de vidéos faites par le Professeur Didier Maus (DMconseil@hotmail.com) en lien avec le cabinet Landot & associés.
A lire à ce sujet, aussi, cette intéressante interview de M. Denys Pouillard, Professeur de sciences politiques, directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire :
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