France et Grande-Bretagne : chacun expérimente une double transition, faisant ressortir de considérables différences en termes de dissociations symboliques

France et Grande-Bretagne expérimentent en cette année 2022 des transitions politiques et symboliques majeures :

  • double transition au Royaume-Uni : tant gouvernementale que monarchique.
  • double transition en France, l’une résultant de l’autre :
    • apprentissage du retour du pouvoir législatif réel vers le Parlement, avec un retour aux politiques d’accord, de compromis (au sens noble de l’expression) textes après textes… pratiques qui certes existaient quand des majorités stables et plus ou moins unitaires s’imposaient à l’Assemblée, mais qui prennent une toute autre importance désormais.
    • transition dès lors pour l’exercice, au moins symbolique, de la fonction présidentielle.
      Cette transition est aussi, en effet, une source de dissociation : un Président de la République incertain de faire passer « ses » textes de loi doit nécessairement (de manière certes moins nette qu’en cas de cohabitation) trouver une autre légitimité que celle consistant à faire passer telle ou telle réforme. M Nicolas Sarkozy pouvait annoncer lui-même les projets de loi, notamment après chaque fait divers. Un Président de la République n’ayant pas de majorité (cohabitation) ou pas de majorité stable et acquise (1958-1962, puis 2022) ne peut lier son sort à d’incertains débats parlementaires, sauf à descendre dans une arène incertaine et loin (plus loin encore qu’en période majoritaire brute) de la fonction de représentation d’un chef d’Etat.

La concomitance est frappante ; la dissociation des fonctions et des symboles aussi :

    • dans les deux cas le chef de l’Etat est obligé de se recentrer et de se dissocier du fonctionnement parlementaire.
      Ce qui est naturel outre-Manche mais l’est moins sous notre Ve République hors cohabitation.
      Le Roi britannique est, institutionnellement comme dans ses discours, garant du régime parlementaire.
      Le rôle du Président de la Ve République est aussi celui d’un garant des institutions, mais tout en étant un acteur de la vie publique dont les fonctions réelles évoluent selon les majorités politiques. Les différences en termes de représentation s’avèrent dès lors frappantes.
    • dans les deux pays, des changements à la tête du Gouvernement ont été conduites. Dans les deux cas au profit de femmes. Mais le parallèle s’arrête là.
      Car le lien entre Gouvernement et Parlement est, comme toujours, net en Albion, alors que l’évolution actuelle en France marque au contraire combien désormais ce n’est plus le Gouvernement qui fait la loi. Là encore, on constate en France une dissociation nouvelle : car les projets de loi préparés par les cabinets ministériels deviennent éloignés de ce que sera la loi, à la finale (sauf pour les cas où l’usage de l’article 49, al. 3, pourra être systématisé, notamment les lois de finances).

Nos deux démocraties expérimentent donc, de conserve, des doubles transitions qui font ressortir les considérables différences en termes de dissociations symboliques. 

Le ton change aussi… Ces ruptures se font dans le calme dans la sage et aristocratique démocratie britannique. Elle s’accomplissent dans la fureur et les vociférations dans notre pays de France. Hélas.

 


 

MISE À JOUR AU 02/10/2022 VOIR AUSSI