Jeter de l’huile sur le feu universitaire, ce n’est pas manquer de neutralité (ce qui laisse ouvert le point de savoir 1/ si cela relève d’autres comportements fautifs 2/ si en l’espèce de l’huile a été jetée sur le feu)

Dans une Université, en 2018, une manifestation étudiante est organisée alors qu’étaient organisées des sessions d’examens.

Des manifestants ont été jusqu’à poursuivre et invectiver plusieurs membres du personnel administratif en charge de l’organisation des examens.

Or, dans ce cadre, un maître de conférences, M. B., « n’avait pas, par ses propos et son attitude, contribué à apaiser le climat de tension » (citation du Conseil d’Etat).

A en croire des informations en ligne, il est possible qu’il faille y voir une formulation non dénuée d’euphémisme (voir ici ; Libération).

MAIS d’autres sources vont dans d’autres sens :

  • dans ses conclusions (qui m’ont été fournies par le requérant devant le CE), le rapporteur public M. Chambon a estimé que :
    • « M. B. soutient n’avoir joué qu’un rôle d’observateur et de médiateur, afin d’apaiser la situation, arguant que cette position d’observation faisait également partie de ses travaux de recherche en tant que sociologue. Il semble avoir demandé aux agents de donner aux manifestants les explications qu’ils réclamaient, d’après lui afin de calmer le jeu, et indiqué aux étudiants et aux agents qu’il allait vérifier la légalité des agissements de l’université et qu’en cas d’illégalité, il saisirait le procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
      A la suite des plaintes et témoignages déposés l’encontre de M. B. par le personnel administratif pris à partie le 18 mai 2018, le président de l’université de Nantes a saisi la section disciplinaire de l’université par un courrier du 18 juin 2018, afin d’engager des poursuites disciplinaires à son encontre. Dans ce courrier, le président reprochait à M. B. « d’avoir le 18 mai 2018 attisé un groupe de manifestants auteurs d’insultes et de menaces à l’égard de six agents administratifs de l’université de Nantes, ainsi que d’avoir contribué à une prise à partie desdits agents ».
  • Pour Ouest France (6/6/2020) :
    • « Et deux enseignants-chercheurs […] étaient présents, aux côtés des manifestants. « Pour accompagner les élèves, afin d’éviter, juste- ment, des débordements » , soutiennent-ils »

 

Le CNESER, statuant en formation disciplinaire, a jugé que M. B… avait, ce faisant, méconnu son obligation de neutralité et avait prononcé une suspension temporaire.

Cette position vient d’être censurée par le Conseil d’Etat. Celui-ci pose qu’un tel comportement n’est pas constitutif d’un manquement à l’obligation de neutralité telle que prévue par les dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 combinées avec celles de l’article L. 952-2 du code de l’éducation.

Est-ce que cela veut dire que M. B. est absous de toute faute et délivré de toute sanction ? Non. C’est la qualification juridique des faits qui est contestée. L’affaire est renvoyée au CNESER qui pourra statuer de nouveau, mais en se fondant mieux au besoin. Ou pas.

Cet arrêt est donc intéressant en ce que l’obligation de neutralité n’est pas méconnue quand un enseignant (de l’enseignement supérieur, ce point est important) ne calme pas le jeu et même relance le débat alors que des manifestations dérapent et perturbent des examens, avec des invectives à la clef.

A comparer avec CE, 3 mai 2000, Mlle , n° 217017, rec. p. 169 ; CE, 27 juin 2018, Syndicat national de l’enseignement supérieur, n° 419595, rec. p. 271 ; CE, 28 septembre 1998, , n° 159236, rec. T. pp. 907-938-993-1000.

Il sera intéressant de suivre cette affaire pour savoir quelle sanction, et sur quel chef, aura été considérée comme adéquate si les faits évoqués sont, par le juge du fond, considérés comme constitués.

 

Source :

Conseil d’État, 15 novembre 2022, n° 451523, aux tables