Quand un établissement sis sur une seule commune, entraîne une nuisance supra-communale, c’est bien en premier ressort au maire, et non au préfet, d’agir au titre de ses pouvoirs de police générale. il n’en va autrement qu’en cas de pouvoir de police spéciale dévolue au préfet, d’une part (et il y en a beaucoup), ou de carence du maire d’autre part.
Le préfet est « seul compétent pour prendre les mesures relatives à l’ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d’application excède le territoire d’une commune » posent les dispositions du 3° de l’article L. 2215-1 du CGCT.
Oui mais est-ce le cas si un établissement cause un trouble à l’ordre public… que cet établissement n”est situé que sur une seule commune, mais que les troubles en cause, eux, dépassent le ressort de ladite commune ? En ce cas le maire est-il seul compétent (avec le préfet ne pouvant intervenir qu’en cas de carence dudit maire) ? Ou bien le préfet est-il de plein droit compétent, et seul compétent, en raison du caractère supra-communal du trouble ?
Une CAA avait estimé que c’était la localisation de l’établissement qui fondait la compétence, et non la zone où les troubles pouvaient exercer leurs effets néfastes :
« 6. Si le ministre soutient que le préfet de la Dordogne était compétent pour prendre un tel arrêté au motif que les nuisances sonores potentielles concernaient plusieurs communes, il ressort toutefois des pièces du dossier que le ball-trap ” Périgord Shooting club ” dispose d’installations sur le seul territoire de la commune de Servanches. Alors même que les nuisances sonores résultant des tirs peuvent s’étendre au-delà des limites de la commune, le maire de Servanches était seul compétent pour prendre l’arrêté en litige dès lors que le champ d’application de l’arrêté n’excède pas le territoire de cette commune. Il s’ensuit que, comme l’ont jugé à bon droit les premiers juges, le préfet n’était pas compétent en vertu du 3° de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales. »
CAA Bordeaux, 31 décembre 2020, 18BX04459
Ce raisonnement a été validé par le Conseil d’Etat qui a préféré cependant une formulation théorique que d’aucuns trouveront plus précise, plus générale et impersonnelle en tous cas, mais qui pour ma part me semble (par le doublonnage explicatif des critères) un brin ésotérique :
« le champ d’application d’une mesure prise sur le fondement du 3° de l’article pour réglementer l’activité d’un établissement qui cause des troubles à l’ordre public s’apprécie au regard de l’objet de la mesure, en fonction de la localisation de l’établissement dont l’activité est à l’origine du litige, et non au regard des effets de la mesure, en fonction de la portée des troubles à l’ordre public auquel elle entend remédier »
Il n’en va autrement qu’en cas de pouvoir de police spéciale dévolue au préfet, d’une part (et il y en a beaucoup : ICPE ; licence IV et autres autorisations d’ouverture nocturne de divers établissements, etc. ), ou de carence du maire d’autre part (1° du même article).
Source :
Conseil d’État, 29 novembre 2022, n° 449749, aux tables du recueil Lebon