Le juge qui rejette un recours contre un acte dont il avait prononcé la suspension… doit assumer et donc prévoir les difficultés induites par ce rejet… et ce même d’office le cas échéant, avec une large marge de manœuvre.
Certes un acte peut-il avoir été suspendu en référé puis se voir finalement blanchi, validé, par le recours au fond.
Certes, en pareil cas, le rejet d’une requête tendant à l’annulation d’un acte dont l’exécution a été suspendue par le juge administratif statuant en référé a-t-elle, en principe, pour effet que cet acte trouve ou retrouve application dès le prononcé de cette décision juridictionnelle.
Toutefois, pose le Conseil d’Etat, le juge du fond ne peut alors pas méconnaître les difficultés qui peuvent naître de telles situations.
Il avait d’ailleurs été posé qu’il pouvait en résulter pour le juge des différés de sa décision, afin de ne pas porter atteinte au principe de sécurité juridique (CE, Section, 27 octobre 2006, Société Techna S.A. et autres, n°s 260767 260791 260792, rec p. 451).
Aujourd’hui, le Conseil d’Etat va un peu plus loin en posant que s’il apparaît que cet effet est de nature à faire naître des difficultés de tous ordres, il appartient au juge administratif, le cas échéant d’office (même si ce n’est pas demandé par une partie au procès administratif, donc), de préciser les conditions dans lesquelles sa décision prendra effet.
En l’espèce, une autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) avait, sur le fondement de l’article L. 352-7 du code des assurances, exigé d’une caisse de retraite complémentaire qu’elle lui soumette, dans un délai de deux mois, un plan de rétablissement visant, dans un délai de six mois, à ramener ses fonds propres éligibles au niveau du capital de solvabilité requis ou à réduire son profil de risque. Cette décision avait été suspendue par le juge des référés. Le Conseil d’Etat a ensuite rejeté la requête au fond.
Le Conseil d’Etat de son propre chef fixe les conséquences à en tirer par les parties :
« 21. En l’espèce, alors que l’exécution de la décision attaquée avait été suspendue par une ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat du 7 août 2020, le délai de deux mois imparti à la CARCO par la décision du 21 février 2020 pour soumettre à l’approbation de l’ACPR le plan de rétablissement réaliste qu’exige cette décision conformément aux dispositions de l’article L. 352-7 du code des assurances courra à nouveau à compter de la notification de la présente décision. Sauf à ce que, au regard des circonstances de droit et de fait prévalant à la date de la présente décision, l’ACPR soit tenue d’abroger sa décision en vertu des dispositions de l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration, le plan devra être établi en se fondant sur les éléments caractérisant la situation actuelle de la caisse et devra être accompagné des justificatifs mentionnés à l’article R. 352-33 du code des assurances.»
Plus prétorien, y’a pas.
Conseil d’État, 21 décembre 2022, n° 441904, aux tables du recueil Lebon