Fiscalité locale : l’administration fiscale qui ne justifie pas de l’écart entre le produit prévisionnel et le produit définitif de la TH, doit indemniser la commune du montant du delta !

Par un jugement commune de Valenciennes en date du 15 décembre 2022 (req. n° 1909701), le tribunal administratif de Lille a condamnée l’État à verser à la commune de Valenciennes la somme de 354 904 € en réparation du préjudice résultant d’un écart après notification de rôles supplémentaires, entre le montant du produit prévisionnel de taxe d’habitation au titre de l’année 2017 de l’état 1259 et celui, définitif, de l’état 1386 bis TH. Un point à jouer un rôle important dans la caractérisation de la faute de l’administration fiscale. Alors que la commune avait demandé communication de documents sur lesquels l’administration fiscale s’était fondée, l’État ne les a jamais communiqués alors même que la commune avait obtenu un avis favorable de la CADA puis un jugement non moins favorable du tribunal administratif.

En l’espèce, la commune de Valenciennes a reçu l’état 1259 du 23 mars 2017 des bases prévisionnelles d’imposition faisant apparaître un produit annoncé pour la taxe d’habitation au titre de l’année 2017 d’un montant de 15 520 215 euros. L’état 1386 bis TH présentant les renseignements extraits du rôle général 2017 du 22 novembre 2017 fixait la somme définitive à verser à la commune au titre de cette même imposition à hauteur de 14 910 892 euros.

Estimant qu’un écart de 366 153,45 euros subsistait après notification de rôles supplémentaires, entre le montant du produit prévisionnel de taxe d’habitation au titre de l’année 2017 de l’état 1259 et celui, définitif, de l’état 1386 bis TH, la commune de Valenciennes a demandé au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, par une lettre du 15 juillet 2019, de l’indemniser de son préjudice correspondant au produit d’imposition non perçu et qu’elle impute à une faute des services fiscaux. En l’absence de réponse à sa demande, la commune a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l’État à lui verser la somme de 366 153,45 euros en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait d’erreurs dans les bases d’imposition à la taxe d’habitation sur son territoire au titre de l’année 2017.

Pour faire droit à la requête, le tribunal rappelle tout d’abord qu’une « faute commise par l’administration lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement et de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard d’une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement. »

Puis, il constate d’une part, qu’il « résulte de l’instruction que l’état 1259 du 23 mars 2017 des bases prévisionnelles d’imposition fait apparaître un produit annoncé pour la taxe d’habitation au titre de l’année 2017 de 15 520 215 euros alors que l’état 1386 bis TH présentant les renseignements extraits du rôle général 2017 du 22 novembre 2017 fixe la somme à verser à la commune à 14 910 892 euros. Par courriel du 8 janvier 2018, alertée sur cette situation par la commune de Valenciennes, l’administration fiscale reconnaissait que l’écart total ainsi constaté n’était pas justifié par l’évolution des exonérations des personnes de conditions modestes en application de l’article 1414 du code général des impôts et constatait une diminution du nombre d’articles du rôle général de la taxe d’habitation au titre de 2017, passant de 26 596 à 25 591 soit une diminution de plus de 1 000 articles avec des bases brutes en baisse de 1 066 199 euros entre 2016 et 2017 en indiquant interroger le service en charge de la gestion de la taxe d’habitation à défaut d’information sur cette baisse. Par courriel du 29 mars 2018, elle précisait avoir revu « complètement [ses] méthodes de travail ». N’ayant pas obtenu d’explications sur le montant du produit fiscal définitif de taxe d’habitation au titre de l’année 2017, malgré deux réunions avec l’administration fiscale organisées les 20 septembre et 10 octobre 2018 et une demande par lettre datée du 5 novembre 2018, la commune de Valenciennes demandait, par courrier électronique du 23 janvier 2019 la communication du fichier recensant les logements vacants sur le territoire de la commune de Valenciennes en 2016 pour l’établissement de la taxe d’habitation 2017, demande refusée par courrier électronique du 25 janvier suivant. La commune de Valenciennes a demandé, par un premier courrier du 14 février 2019, des informations complémentaires sur l’établissement des rôles relatifs à la taxe d’habitation 2017, en particulier sur la situation fiscale de certains logements qui ne figuraient pas sur les rôles 2017 alors qu’ils étaient régulièrement taxés auparavant ainsi que sur les démarches entreprises par l’administration fiscale et les éventuelles justifications de vacance. Par un second courrier daté du même jour, la commune demandait la communication de différents documents communicables selon la réglementation en vigueur ainsi que le fichier recensant les logements vacants sur le territoire de la commune de Valenciennes en 2016 pour l’établissement de la taxe d’habitation 2017. Par une lettre du 1 er avril 2019, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord refusait de communiquer le fichier des locaux vacants en 2016. La commune a alors saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le 29 mai 2019, laquelle, le 19 décembre 2019, a rendu un avis favorable à la communication de ce document. Saisi d’une requête enregistrée sous le n° 2004250, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite par laquelle le directeur régional des finances publiques des Hautsde-France et du département Nord avait refusé de communiquer à la commune de Valenciennes le fichier recensant les logements vacants sur le territoire de la commune de Valenciennes en 2016 pour l’établissement de la taxe d’habitation 2017 et lui enjoignait de communiquer à la commune, dans un délai d’un mois à compter de sa notification, ledit fichier. Malgré une demande de la commune tendant à obtenir l’exécution de ce jugement enregistrée le 27 juillet 2022 et d’une lettre du tribunal adressée à l’administration fiscale le 23 août 2022, l’administration fiscale n’a pas communiqué, à la date du présent jugement, à la commune de Valenciennes le fichier recensant les logements vacants sur le territoire de la commune de Valenciennes en 2016 pour l’établissement de la taxe d’habitation 2017. »

D’autre part, il relève que de son côté la commune « justifie de la stabilité du nombre de résidents de 2016 à 2017, de l’augmentation du nombre de compteurs d’eau actifs sur son territoire entre 2015 et 2018, se prévaut d’une augmentation du nombre de permis de construire entre 2016 et 2017 et de l’absence de mise en œuvre de projet de destruction massive de logements durant cette période, affirme n’avoir pas mis en place d’abattements ou d‘exonérations autres que ceux rendus obligatoires par la loi, a identifié un certain nombre de contribuables normalement soumis à la taxe d’habitation qui n’ont pas été assujettis au titre de l’année 2017, fait valoir une augmentation limitée du montant des exonérations entre 2016 et 2017 de 241 048 euros, insuffisante à expliquer la diminution à hauteur de 1 066 199 euros des bases d’imposition entre 2016 et 2017 et qu’elle n’a pu avoir communication, dans les circonstances rappelées ci-dessus, du fichier recensant les logements vacants sur son territoire en 2016 pour l’établissement de la taxe d’habitation 2017, l’administration fiscale n’apporte pas d’éléments probants propres à justifier l’écart constaté avec le produit prévisionnel de taxe d’habitation. Dans ces conditions, la commune de Valenciennes est fondée à soutenir que la baisse anormalement importante du montant des bases d’imposition définitives et, par voie de conséquence, du produit de taxe d’habitation effectivement perçu par la commune au titre de 2017, est due à une erreur fautive de l’administration fiscale dans la détermination des bases d’imposition définitives, et qui engage la responsabilité de l’État. »

Toutefois, le tribunal va évaluer légèrement à la baisse le préjudice de la commune pour le motif suivant : « la commune de Valenciennes demande, au titre de la réparation de son préjudice financier, le versement de la somme de 366 153,45 euros tenant compte des sommes perçues par voie de rôles supplémentaires émis en 2018 à hauteur de 242 895 euros et en 2019 à hauteur de 274 euros. Toutefois, l’administration fiscale démontre par un tableau détaillé qu’un montant total de 254 419 euros de taxe d’habitation au titre de l’année 2017 a été perçu par voie de rôles supplémentaires. Il convient, dès lors, de condamner l’État à verser à la commune de Valenciennes la somme de 354 904 euros correspondant à une exacte appréciation du produit de taxe d’habitation non perçu par la commune au titre de 2017 du fait de la faute commise par l’administration fiscale. »

Ce jugement peut être consulté à partir du lien suivant :

COMMUNE_DE_VALENCIENNES