Non… non… en cas de vote électronique, on ne peut proposer aux votants de se substituer à eux avec communication des mots de passe et des identifiants. Non ce n’est pas possible en droit électoral. Oui c’est sanctionné en droit pénal. Oui c’est aussi immoral.

Le vote électronique a permis un nouveau type, inédit, de fraude électorale. Les partisans de M. Meyer Habib ont en effet mis en place un système d’aide audit vote électronique, avec incitation parfois à ce que ces « aidants » votent à la place des électeurs, avec communication des mots de passe et des identifiants. Ce qui est donc une manoeuvre en droit électoral… et une infraction en droit pénal.

L’imagination face aux élections n’a pas de limite. Le dégoût que suscitent ces pratiques non plus.

 

Le Conseil constitutionnel vient d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 5 et 19 juin 2022 dans la 8ème circonscription des Français établis à l’étranger (Chypre ;  Grèce ; Israël ; Italie ; Malte ; Saint-Marin ; Saint-Siège ; Turquie), et au terme de laquelle avait, avec peu de voix d’écart (193), été élu M. Meyer Habib.

Le premier moyen d’annulation s’avère fort classique, consistant en une violation flagrante (classique mais apparement plus ample qu’à l’accoutumée) des dispositions de l’article L. 49 du code électoral) :

« 2. Il résulte de l’instruction que des sympathisants de M. HABIB ont, en méconnaissance des dispositions précitées, diffusé le jour du second tour de scrutin sur divers réseaux sociaux des messages appelant à voter pour ce candidat. Les auteurs de certains de ces messages se prévalaient de leur qualité d’élu municipal en Israël ou se présentaient comme relayant des consignes de vote d’autorités religieuses. Eu égard à leur contenu et au moment de leur diffusion, ces messages sont susceptibles d’avoir influencé le vote d’un nombre significatif d’électeurs. »

L’autre moyen d’annulation retiendra plus l’attention. L’élection des députés des français de l’étranger peut être en présentiel ou par voie électronique. Mais les partisans de M. Habib en ont tiré parti pour s’adonner à une manoeuvre particulièrement condamnable :

« 3. En second lieu, en parallèle des dispositifs d’assistance organisés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, M. HABIB a mis en place des permanences téléphoniques et des centres d’aide mobilisant un nombre significatif d’opérateurs à destination des électeurs rencontrant des difficultés pour voter par voie électronique. Il résulte de l’instruction que, à l’occasion de ces appels, il a pu irrégulièrement être proposé aux électeurs de voter par internet à leur place en utilisant leurs identifiants et mots de passe. De tels  agissements, qui revêtent une particulière gravité, doivent être regardés comme constitutifs d’une manœuvre. »

Donc… bien évidemment, l’aide, notamment téléphonique, au vote électronique ne doit pas permettre l’invitation à transférer le vote effectif aux personnes qui opèrent cette aide téléphonique.

Il ne s’agit pas d’une fraude aux procurations, même si celles-ci existent bien sûr et ne sont pas sans parenté avec ce qui s’est passé pour cette élection. Voir par exemple encore récemment :

Il s’agit plus d’une nouvelle occurence du cas où une personne vote en se faisant, sans procuration justement, passer pour le votant !

Rappelons sur ce point les sanctions pénales prévues par le code électoral (dispositions communes à l’élection des députés, des conseillers départementaux, des conseillers métropolitains de Lyon, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires) :

« Article L. 92
Quiconque aura substitué ou imité volontairement une signature sur la liste d’émargement ou aura voté soit en vertu d’une inscription obtenue dans les deux premiers cas prévus par l’article L. 86, soit en prenant faussement les nom et qualités d’un électeur inscrit, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de 15 000 euros.

Voir aussi (fameuses fraudes dans le 5e arrondissement de Paris ; sur une autre base certes) : Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 3 mars 2015, 13-82.917

M. Habib n’a pas été déclaré inéligible (article LO. 136-3 du Code électoral) dans cette affaire, laquelle aurait pu être soulevée d’office par le Conseil. Il n’est pas aisé de savoir s’il faut y voir là une mansuétude ponctuelle (peu probable), un manque de preuve de l’implication personnelle de M. Habib dans cette manoeuvre (explication très possible) ou le souhait de ne pas ajouter une sanction complexe à ajouter à d’autres en cas de poursuites pénales qui commenceraient (dans le cadre d’une application du principe non bis in idem ; le cumul étant possible en l’espèce, cela dit, cette explication semble improbable).

Il y en a qui osent tout… pour le plus grand bonheur des avancées jurisprudentielles et pour le plus grand désespoir des citoyens qui ne veulent pas voir démolie la Démocratie.

Source :

Décision n° 2022-5773 AN du 3 février 2023, A.N., Français établis hors de France (8ème circ.), Mme Deborah ABISROR DE LIEME c/ Election de M. Meyer Habib, Annulation

 

Voir sur les débats relatifs au vote électronique :