Évaluation professionnelle des fonctionnaires territoriaux : la CAA de Paris rappelle quelques règles.

Par un arrêt Mme B… c/ commune de Saint-Denis, en date du 8 février 2023 (req. n° 21PA05129), la cour administrative d’appel de Paris a rappelé à certain nombre de règles applicables à l’évaluation professionnelles des fonctionnaires territoriaux, à l’occasion d’un litige concernant Mme B…, un agent territorial des écoles maternelles (ATSEM) de première classe de la commune de Saint-Denis, qui a contesté devant le tribunal administratif de Montreuil le compte rendu d’entretien professionnel dont elle a fait l’objet au titre de l’année 2018. Mme B… ayant été débouté, a relevé appel du jugement du 16 juillet 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

1/ En premier lieu, s’agissant du délai de recours contentieux, le juge d’appel précise qu’il cour à compter de la notification du compte rendu d’entretien visé par l’autorité territoriale. La notification du compte rendu non visé par cette dernière ne fait donc pas courir le délai de recours contentieux.

Elle a en effet considéré qu’il résulte des dispositions de l’article 6 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur des fonctionnaires territoriaux « que la notification du compte rendu d’entretien professionnel, alors qu’il n’a pas encore été visé par l’autorité territoriale, n’est pas de nature à faire courir le délai de recours contentieux imparti au fonctionnaire pour saisir le juge de l’excès de pouvoir. »

Or, en l’espèce, « le compte rendu de l’entretien professionnel dont a fait l’objet Mme B… au titre de l’année 2018, le 21 décembre 2018, lui a été notifié le 4 janvier 2019 », alors même qu’elle a refusé de signer ce compte-rendu et s’est borné à apposer « la mention “pris connaissance” […] à la place de sa signature. » Il s’ensuit, conclut la cour, « que cette notification ne constitue pas le point de départ du délai de recours contentieux. Aucune pièce ne permet d’établir la date de communication du compte-rendu visé par l’autorité territoriale et les conditions de cette communication. En conséquence, Mme B… est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a rejeté sa demande, enregistrée le 11 mars 2019 à son greffe, comme étant tardive. »

2/ En deuxième lieu, la cour précise que la circonstance que le compte rendu d’entretien ne mentionne pas le nom et le prénom de l’un des signataires est sans incidence sur sa légalité dès lors que le signataire est identifiable par l’agent.

Ainsi en l’espèce, « si Mme B… soutient que le compte-rendu d’entretien professionnel contesté est illégal au motif qu’il ne comporte pas le nom et le prénom de son deuxième signataire, il ressort de ce compte rendu que seule la fonction du deuxième signataire y figure. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu’un rapport rédigé dans le cadre d’une procédure disciplinaire et signé le 30 octobre 2018, sur lequel figurait la même signature, accompagnée des mentions omises, a été notifié à Mme B…. Ainsi, alors au surplus qu’elle est employée par la commune depuis de nombreuses années, elle ne pouvait ignorer que le deuxième signataire de l’acte était Mme D…, directrice de la petite enfance. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration doit être écarté. »

3/ En troisième lieu, la cour indique que si, en vertu de l’article 3 du décret du 16 décembre 2014, les résultats professionnels de l’agent sont appréciés au regard des objectifs qui lui ont été assignés, l’existence d’une fiche de poste satisfait à cette obligation.

En l’espèce, pour contester son évaluation, Mme B… soutenait « que le compte rendu d’entretien professionnel contesté mentionne plusieurs objectifs professionnels alors qu’aucun objectif ne lui a été fixé pour l’année en cours. » Toutefois, relève la cour, « Mme B… exerce les mêmes fonctions depuis 2013, sa fiche de poste mentionne que “le poste nécessite des capacités d’adaptation, d’anticipation, le sens de la polyvalence et l’implication dans le projet d’établissement” et elle est amenée à assurer des missions de remplacement auprès du personnel “petite enfance” dans les groupes d’enfants et auprès du personnel technique sur les postes de cuisinière et de lingère. Ainsi en rappelant la nécessité pour la requérant d’effectuer des missions de remplacement auprès du personnel “petite enfance”, objectif qui a au demeurant été considéré comme étant atteint, l’administration a évalué la requérante au regard de sa fiche de poste et ne s’est ainsi pas référée à un objectif qui ne lui avait pas été fixé. »

4/ En quatrième lieu, la cour rappelle que l’évaluation peut être défavorable au regard de la manière de servir de l’agent, quand bien même les compétences professionnelles et techniques de celui-ci seraient pour partie acquises.

En l’espèce, Mme B… soutenait avoir toujours donné pleinement satisfaction dans ses fonctions et que l’hostilité manifestée à son égard par son supérieur hiérarchique avait faussé son évaluation et, qu’en conséquence, son appréciation ne reflétait pas sa valeur professionnelle. Toutefois, relève la cour, « il ressort des pièces du dossier que la requérante a fait l’objet d’un rapport disciplinaire avant son évaluation en raison de remarques agressives et déplacées à l’égard de ses collègues et de sa hiérarchie, ce qui explique que le compte rendu d’entretien mentionne que “la relation professionnelle s’est dégradée” et que “cela a eu un impact sur le travail auprès des enfants et de l’équipe” et qu’elle n’a que partiellement acquis les compétences “capacité à travailler en équipe”, “aptitude à prévenir, gérer et arbitrer les conflits”, “capacité d’adaptation”, “autonomie et force de proposition” et “connaissance et respect des obligations de service public”. En outre, la requérante ne saurait se prévaloir d’anciennes évaluations plus favorables pour demander l’annulation du compte rendu d’entretien contesté. Ainsi, et quand bien même les compétences professionnelles et techniques de Mme B… seraient pour partie acquises, l’administration n’a pas entaché le compte rendu contesté d’une erreur manifeste dans l’appréciation de la manière de servir de l’intéressée. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CAA/decision/2023-02-08/21PA05129