A une demande illicite, répond un permis tacite (suite)

En 2015, le Conseil d’Etat avait précisé que si les services instructeurs d’une demande d’autorisation d’urbanisme avaient sollicité la transmission de pièces qui n’étaient pas prévues par le Code de l’urbanisme, cette circonstance ne pouvait être utilisée par le pétitionnaire pour revendiquer la naissance d’une autorisation tacite en raison de l’absence de majoration des délais d’instruction de son dossier (v. ainsi : CE, 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, req., n° 390723 ; v. également pour la confirmation de cette jurisprudence en 2019 : https://blog.landot-avocats.net/2019/11/26/autorisations-durbanisme-quelles-consequences-faut-il-tirer-dune-demande-de-pieces-complementaires-abusive-par-les-services-instructeurs/).

Cette jurisprudence a été ensuite abandonnée par la Section du contentieux du Conseil d’Etat :

CE, Section, 9 décembre 2022, Commune de Saint-Herblain, req., n° 454521.
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Désormais, si au cours de l’instruction, il est demandé au pétitionnaire de transmettre une pièce dont la fourniture n’est pas obligatoire, cette démarche des services instructeurs doit être considérée comme privée de tout effet juridique.

Elle ne pourra donc, ni interrompre, ni majorer le délai d’instruction du dossier de sorte que, si aucune décision expresse n’a été notifiée dans ce délai, le pétitionnaire pourra considérer qu’il est devenu titulaire d’une autorisation tacite :

“Il résulte de ces dispositions qu’à l’expiration du délai d’instruction tel qu’il résulte de l’application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l’urbanisme relatives à l’instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle“.

Voir l’article publié alors par mon associé N. Polubocsko :

… qui finissait son article, à juste titre, en signalant que :

« Cette décision doit donc inciter les services instructeurs à la plus grande vigilance en cas de demande de pièces complémentaires car, si le document demandé ne figure pas parmi ceux prévus par le Code de l’urbanisme, ils prennent le risque de faire naitre une décision tacite autorisant la réalisation du projet alors qu’au même moment, ils attendent l’envoi d’un document qui, peut-être, n’arrivera jamais…

 

Or, voici que les jurisprudences dans la nouvelle lignée de cette décision du Conseil d’Etat commencent d’arriver.

Ainsi le tribunal administratif de Marseille vient-il d’estimer qu’une demande de pièces complémentaires illégale ou qu’une demande infondée d’avis de l’ABF peuvent conduire à un permis tacite.

Voici donc une jurisprudence à manier avec précaution, certes, dans l’attente de confirmations jurisprudentielles, mais à connaître néanmoins :

TA Marseille, 2e ch., 27 janv. 2023, n° 2007483.