La majoration de la taxe d’habitation des logements meublés non affectés à l’habitation principale… peut-elle s’appliquer aux HLL ?

La majoration de la taxe d’habitation des logements meublés non affectés à l’habitation principale.. peut-elle s’appliquer aux habitations légères de loisir (HLL) ?

NON vient de répondre le TA de Toulon, au terme d’un jugement intéressant, mais qu’il serait hasardeux de transposer sans précaution à tous les cas de location de HLL.

———

La loi de finances rectificative pour 2014 a créé un nouvel article 1407 ter dans le code général des impôts, qui institue une majoration facultative de la taxe d’habitation pesant sur les logements meublés non affectés à l’habitation principale, dans les zones où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, décidée par délibération du conseil municipal :

« Dans les communes classées dans les zones géographiques mentionnées au premier alinéa du I de l’article 232, le conseil municipal peut, par une délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A bis, majorer d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 % la part lui revenant de la cotisation de taxe d’habitation due au titre des logements non affectés à l’habitation principale. Le produit de la majoration mentionnée au premier alinéa du présent I est versé à la commune l’ayant instituée […] »

Oui mais… cela peut-il s’appliquer aux habitations légères de loisir (HLL) que sont les chalets ou bungalows, officiellement démontables ou transportables et qui pullulent en campings ou dans des zones inconstructibles ?

NON vient de répondre le TA de Toulon car ce régime s’applique aux habitations principales, ce que ne peut être une HLL.

En vertu du 3° du II de cet article 1407 ter du code général des impôts, mais sur réclamation ad hoc effectuée dans le délai prévu à l’article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et dans les formes prescrites par ce même livre, peuvent bénéficier d’un dégrèvement notamment :

« les personnes (…) qui, pour une cause étrangère à leur volonté, ne peuvent affecter le logement à un usage d’habitation principale ».

… Ce qui inclut donc les HLL selon ce TA, dans un jugement intéressant :

« 6. Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2014-708 DC du 29 décembre 2014, a admis la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2014 instituant cette majoration au titre des logement non affectés à l’habitation principale, en jugeant notamment que l’objet de la majoration instituée par l’article 1407 ter du code général des impôts est d’inciter la personne occupant un logement à un titre autre que celui de la résidence principale dans une zone qui se caractérise par la tension du marché immobilier à donner à ce logement un usage de résidence principale et que ladite majoration de la taxe d’habitation ne peut, dès lors, frapper que des logements meublés habitables, qui ne sont pas affectés à l’habitation principale et dont l’absence d’affectation à l’habitation principale tient à la seule volonté de leur occupant. Par ailleurs, il incombe au contribuable d’établir que l’absence d’affectation de son logement à la résidence principale relève d’une cause étrangère à sa volonté.
« 7. D’autre part, aux termes de l’article D. 333-4 du code du tourisme : « Les parcs résidentiels de loisirs exploités sous régime hôtelier sont destinés à l’accueil d’habitations légères de loisirs, de résidences mobiles de loisirs et de caravanes. Ils sont constitués d’emplacements nus ou équipés de l’une de ces installations, destinés à la location pour une durée pouvant être supérieure au mois, ainsi que d’équipements communs. Ils accueillent une clientèle qui n’y élit pas domicile. (…) / Ils doivent disposer d’un règlement intérieur établi conformément au modèle type fixé par arrêté du ministre chargé du tourisme. / Une notice d’information sur les conditions de location des emplacements à l’année doit également être remise à tous les propriétaires de résidences mobiles de loisirs. Ces derniers attestent avoir pris connaissance de cette notice avant toute signature d’un contrat de location d’un emplacement à l’année. Un arrêté du ministre chargé du tourisme précise les mentions que doit comporter cette notice ». L’article R. 111-31 du code de l’urbanisme prévoit en outre que : « Sont regardées comme des habitations légères de loisirs les constructions démontables ou transportables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir ». L’article R. 111-36 de ce code ajoute que : « Les parcs résidentiels de loisirs sont soumis à des normes d’urbanisme, d’insertion dans les paysages, d’aménagement, d’équipement et de fonctionnement définies par des arrêtés conjoints des ministres chargés de l’urbanisme, de la santé publique et du tourisme ». L’arrêté ministériel du 17 février 2014 relatif à l’obligation pour les terrains de camping ou de caravanage ainsi que pour les parcs résidentiels de loisirs de disposer d’un modèle de règlement intérieur et d’une notice d’information sur les conditions de location des emplacements à l’année impose à de tels établissements de remettre une notice aux clients dans laquelle il est indiqué que nul ne peut élire domicile sur l’emplacement. A cet égard, l’article 3 « Résidence secondaire exclusivement » du règlement intérieur du Domaine des Canebières pose une telle interdiction.
« 8. Ainsi qu’il a été exposé au point 1, la commune du Muy, figurant sur la liste des communes où est instaurée la taxe annuelle sur les logements vacants en application du décret du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts, a voté par délibération la majoration de 20 % de la part communale de la cotisation de taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale. M. X, propriétaire d’une habitation légère de loisirs située dans le Domaine des Canebières sur le territoire de cette commune, a ainsi été soumis à cette majoration dès lors que ce dernier n’avait pas affecté ce bien à sa résidence principale. L’administration fiscale a refusé de faire droit à la réclamation du requérant présentée sur le fondement du II de l’article 1407 ter du code général des impôts au motif que ce défaut d’affectation ne relevait pas d’une cause étrangère à sa volonté. Toutefois, il résulte des dispositions précitées au point 7 qu’un habitat situé dans un parc résidentiel de loisirs est destiné à une occupation temporaire ou saisonnière et n’a pas vocation à être affecté à l’habitation principale. D’ailleurs, cette interdiction d’habitation a été reprise dans le plan local d’urbanisme de la commune du Muy, lequel a été approuvé le 19 décembre 2016, et dont le règlement relatif à la zone N précise que : « (…) la Zone N comprend les quatre secteurs suivants : – Un Secteur Ncan, situé sur le site des Canebières, réservé à une activité existante de PRL [parc résidentiel de loisirs] (…). Dans ce secteur, l’habitat permanent est strictement interdit (…) ». Par suite, et quand bien même M. X a acquis une habitation légère de loisirs dans un parc résidentiel de loisirs ayant nécessairement une vocation de résidence secondaire qu’il ne pouvait ignorer, le requérant est fondé à soutenir que, pour une cause étrangère à sa volonté, il ne pouvait affecter le logement concerné à un usage d’habitation principale et à solliciter, par suite, ainsi qu’il l’a fait par sa réclamation du 15 juin 2020, le dégrèvement de la majoration de taxe d’habitation en litige sur le fondement des dispositions précitées du 3° du II de l’article 1407 ter du code général des impôts. »

 

Reste que :

  • l’interdiction en l’espèce au PLU renforce le dossier du requérant ; un HLL en zone constructible et adaptée à l’habitat principal pourrait donner lieu (non sans contorsions juridiques certes) à un raisonnement différent
  • si en violation de ces diverses règles il était prouvé que l’HLL sert en réalité de résidence principale sauf pour les périodes ou cet habitat est mis en AirBnB, Abritel ou autre plate-forme de location en meublé de loisirs… là encore un jugement différent pourrait intervenir
  • et de toute manière c’est au contribuable concerné de demander son dégrèvement

 

Voir ce jugement sur le site dudit TA :

 

TA Toulon, 18 juillet 2023, n° 2002618