Un grand nombre de litiges fiscaux relevant du juge administratif peuvent donner lieu à l’application de la prescription quadriennale, sans interruption de celle-ci en cas de tentative de transaction

En matière d’impôts, la prescription quadriennale s’impose à tout contentieux administratif hors « impôts directs et de taxe sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées dont l’assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts ».

Et même la saisine puis les échanges avec une structure dédiée à résoudre ce conflit par un mode transactionnel (saisine de la Commission de régulation de l’énergie pour la contribution au service public de l’électricité en l’espèce…) n’interrompt pas cette prescription.

Malheur aux vaincus et aux naïfs donc. Pour nous, qui sommes avocats de personnes publiques, c’est une bonne nouvelle. Pour les autres, ce sont quelques mesures de prudence à prévoir… 

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La saisine d’une structure en charge de faire une transaction (la CRE [Commission de régulation de l’énergie], pour la contribution au service public de l’électricité [CSPE], en l’espèce) et les échanges à ce sujet n’interrompent pas la prescription quadriennale.. vient de poser le Conseil d’Etat dans un avis contentieux appelé à être publié en intégral au recueil Lebon.

Cette décision :

  • à court terme va concerner de très nombreux requérants (mais moins que les 55.000 qui initialement avaient saisi la CRE à la suite de l’arrêt du 25 juillet 2018, Messer France SAS, de la CJUE (C-103/17),!) ..
  • à moyen terme rappelle que pour les questions de prescription quadriennale :
    • ne s’appliquent pas aux « créances relatives aux impositions entrant dans le champ d’application du livre des procédures fiscales »
    • s’appliquent « aux impositions mentionnées au second alinéa de l’article R. 772-1 du code de justice administrative » … à savoir « les requêtes relatives aux taxes dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative » et autres que celles qui sont mentionnées à l’alinéa 1 (i.e. autres que celles « en matière d’impôts directs et de taxe sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées dont l’assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts »).

 

Voici le futur résumé des tables du rec. sur cette affaire :

« 1) Il résulte des termes mêmes de l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que la prescription quadriennale instituée par cette loi n’est applicable que sous réserve des dispositions définissant un régime légal de prescription spécial à une catégorie déterminée de créances susceptibles d’être invoquées à l’encontre de l’une de ces personnes morales de droit public. 2) a) Tel est le cas pour les créances relatives aux impositions entrant dans le champ d’application du livre des procédures fiscales (LPF), dont les dispositions, prises dans leur ensemble, définissent de manière exhaustive les règles applicables aux actions relatives aux créances et aux dettes fiscales pour les impositions qui en relèvent et ont en particulier pour effet d’instituer, pour celles-ci, un régime légal de prescription propre aux créances fiscales dont les contribuables entendent se prévaloir envers l’Etat. Par suite, les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 ne sont pas applicables aux réclamations qui sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales. b) i) Il ne résulte d’aucune disposition législative ni, en tout état de cause, d’aucun principe général régissant le contentieux fiscal que les créances afférentes aux impositions mentionnées au second alinéa de l’article R. 772-1 du code de justice administrative (CJA) seraient, quant à elles, exclues du champ d’application de la loi du 31 décembre 1968. Il en résulte qu’une réclamation portant sur une telle imposition, présentée dans le délai fixé à l’article R. 772-2 du CJA, interrompt la prescription pour le délai de quatre ans, prévu au dernier alinéa de l’article 2 de la loi du 31 décembre 1968, courant à compter du premier jour de l’année suivant celle de son dépôt et qu’il appartient à l’autorité administrative compétente d’opposer la prescription dans l’hypothèse où le contribuable, en l’absence de recours juridictionnel devant le juge de l’impôt, n’aurait pas renouvelé sa réclamation avant l’expiration de ce délai. ii) Il en résulte que la prescription quadriennale peut en principe être opposée aux créances fiscales afférentes à la CSPE, dont le contentieux est régi par le CJA. En outre, en adoptant III de l’article 57 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi précisant les conditions dans lesquelles le président de la CRE est autorisé, en vue de mettre un terme aux litiges liés au paiement de la CSPE au titre des années 2009 à 2015, à transiger sur les demandes de restitution, ainsi que celles de l’article 104 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, ratifiant l’ordonnance du 26 février 2020, le législateur n’a pas entendu faire obstacle à l’application de la loi du 31 décembre 1968. L’ordonnance du 26 février 2020 n’a pas davantage dérogé à la loi du 31 décembre 1968 et n’a pas institué de régime légal de prescription propre aux créances fiscales considérées. Il en résulte que la loi du 31 décembre 1968 est applicables aux créances relatives à la CSPE, notamment celles portant sur les années 2009 à 2015, sans que s’y oppose la circonstance que, dans le cadre de la procédure de règlement transactionnel, ne soit pas mentionné, au nombre des pièces à joindre à la demande du contribuable, le cas échéant, de document valant renouvellement de la réclamation initiale aux fins de prolonger l’interruption du délai de prescription.»

Malheur aux vaincus et aux naïfs donc. Pour nous, qui sommes avocats de personnes publiques, c’est une bonne nouvelle. Pour les autres, ce sont quelques mesures de prudence à prévoir…

Vae victis. Le chef gaulois Brennus (Brennos) jetant son épée sur la balance, pour obtenir une plus lourde rançon. Gravure pour l’Histoire de France en cent tableaux de Paul Lehugeur (1886).

Voici cette décision :

Conseil d’État, avis ctx, 17 octobre 2023, Société Protexsur, n° 475983, au recueil Lebon

Voir les conclusions de Mme Céline GUIBE, Rapporteure publique :