Opération de restauration immobilière : quand la théorie du bilan assure le respect de la Constitution…

En application des articles L. 313-4 et s. du Code de l’urbanisme, une personne publique peut décider de mener une opération de restauration immobilière afin d’assurer la remise en état d’immeubles voués à l’habitation.

Dans ce cadre, cette opération doit faire l’objet d’une déclaration d’utilité publique et peut aboutir à l’expropriation des propriétaires des immeubles concernés si ceux-ci n’ont pas manifesté leur intention de réaliser les travaux prescrits par l’autorité publique.

Un tel dispositif est-il conforme à la Constitution, et notamment à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui protège le droit de propriété ?

Par une décision rendue le 30 octobre 2023, le Conseil d’Etat a considéré que la question tirée de la conformité de ces dispositions du Code de l’urbanisme aux règles constitutionnelles ne présentait même pas un caractère sérieux, dès lors que l’utilité publique de l’opération est contrôlée par le juge administratif au moyen de la théorie dite du bilan :

« Par les dispositions contestées, le législateur n’a autorisé l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers que pour la réalisation d’opérations dont l’utilité publique est préalablement et formellement constatée par l’autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif. Il appartient à ce dernier, lorsqu’est contestée devant lui l’utilité publique d’une telle opération, de vérifier que celle-ci répond à la finalité d’intérêt général tenant à la préservation du bâti traditionnel et des quartiers anciens par la transformation des conditions d’habitabilité d’immeubles dégradés nécessitant des travaux et que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Ces modalités de contrôle de l’utilité publique des opérations de restauration immobilière par le juge administratif répondent aux exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En outre, il appartient aussi au juge administratif, juge de la légalité de l’arrêté de cessibilité pris dans le cadre d’une opération de restauration immobilière, s’il est saisi d’une contestation en ce sens, de s’assurer que l’inclusion d’un immeuble déterminé dans le périmètre d’expropriation est en rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique et de juger de la nécessité des travaux impartis au propriétaire par le programme de travaux qui lui a été notifié avant l’intervention de l’arrêté de cessibilité.

Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité de ces dispositions aux droits et libertés garantis par la Constitution, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 313-4, L. 313-4-1 et L. 313-4-2 du code de l’urbanisme portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ».

C’est donc ici l’étendue du contrôle du juge – lequel est particulièrement poussé en la matière – qui permet d’assurer le respect de la règle constitutionnelle protégeant le droit de propriété.

Ref. : CE, 30 octobre 2023, req., n° 474408. Pour lire l’arrêt, cliquer ici