Le juge administratif est compétent pour connaître du licenciement d’un agent titulaire de CCI qui a refusé le contrat de droit privé proposé par une entreprise reprenant une activité de cette CCI.

Par un arrêt chambre de commerce et d’industrie de région Normandie en date du 2 février 2024 (req. n° 472745), le Conseil d’État a considéré :

– d’autre part, qu’il résulte des articles L. 712-11-1 et D. 711-11-2 du code de commerce que tant qu’un agent titulaire d’une chambre de commerce et d’industrie (CCI) concerné par ces dispositions n’a pas été placé, le cas échéant, sous un régime de droit privé dans le cadre d’un transfert d’activité réalisé dans les conditions prévues à l’article L. 712-11-1 du code de commerce, son contrat demeure un contrat de droit public, de sorte que le juge administratif est seul compétent pour statuer sur le licenciement mettant fin à un tel contrat ;

– d’autre part, que la légalité du licenciement d’un agent de droit public ayant refusé le contrat de droit privé ou l’engagement de droit public proposé par le repreneur de l’activité de la CCI, est subordonnée au respect de l’exigence de reprise, dans le contrat de travail ou l’engagement proposé par le repreneur de l’activité, des éléments essentiels du contrat ou de l’engagement dont l’agent de droit public est titulaire.

En l’espèce, Mme A…, agent titulaire de la chambre de commerce et d’industrie territoriale (CCIT) de Caen exerçant des fonctions d’enseignante au sein de l’institut consulaire d’enseignement professionnel – centre de formation des apprentis (ICEP-CFA) rattaché à cet établissement public, a été transféré à compter du 1er janvier 2013, en application des dispositions de l’article 40 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, à la CCI régionale (CCIR) de Basse-Normandie, laquelle est devenue au 1er janvier 2016, la CCIR de Normandie.

Par une délibération du 17 avril 2020, l’assemblée générale de la CCIT de Caen, sur avis conforme de la CCIR de Normandie, a décidé du transfert de l’activité et des personnels de l’ICEP-CFA à une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), dénommée ICEP, dont elle est l’unique associée. Ayant refusé le transfert de son contrat de travail à cette société de droit privé, Mme A… a été licenciée par une décision de la CCIR de Normandie du 13 août 2020.

Par un jugement du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de Mme A… tendant à l’annulation de cette décision. Toutefois, par un arrêt du 7 février 2023, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et la décision de licenciement en litige. La CCI de Normandie s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

Les modalités de transfert de personnel d’une CCI qui transfère son activité à une société sont fixées :

– d’une part, par l’article L. 712-11-1 du code de commerce qui dispose que : « Sans préjudice des dispositions législatives particulières, lorsqu’une personne de droit privé ou de droit public reprend tout ou partie de l’activité d’une chambre de commerce et d’industrie, quelle que soit la qualification juridique de la transformation de ladite activité, elle propose aux agents de droit public employés par cette chambre pour l’exercice de cette activité un contrat de droit privé ou un engagement de droit public./ Le contrat de travail ou l’engagement proposé reprend les éléments essentiels du contrat ou de l’engagement dont l’agent de droit public est titulaire, en particulier ceux qui concernent la rémunération. […]. En cas de refus de l’agent public d’accepter le contrat ou l’engagement, la chambre de commerce et d’industrie employeur applique, selon des modalités prévues par décret, les dispositions relatives à la rupture de la relation de travail prévues par le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d’industrie […] » ;

– d’autre part, par l’article D. 712-11-2 du même code aux termes duquel : « Le repreneur de tout ou partie de l’activité d’une chambre de commerce et d’industrie informe simultanément chaque agent de droit public concerné et la chambre de commerce et d’industrie qui l’emploie de sa proposition de contrat de droit privé ou d’engagement de droit public […] par lettre recommandée avec avis de réception./ Dans un délai maximum d’un mois à compter de la notification de ce courrier, l’agent concerné notifie simultanément sa réponse par courrier recommandé avec avis de réception à la chambre de commerce et d’industrie qui l’emploie et au repreneur. En cas de refus de l’engagement ou du contrat proposé […] la chambre de commerce et d’industrie concernée convoque l’agent public pour un entretien, dans un délai maximum de quinze jours ouvrés après la réception de son courrier./ (…) Sans préjudice des propositions de reclassement qui peuvent lui être adressées par la chambre de commerce et d’industrie qui l’emploie, si l’agent confirme son refus d’accepter le contrat ou l’engagement, la chambre de commerce et d’industrie notifie, au moins deux jours ouvrés après l’entretien, le licenciement de l’agent pour refus de transfert, par courrier recommandé avec avis de réception ».

De ces dispositions, le Conseil d’État en déduit que « tant qu’un agent titulaire d’une chambre de commerce et d’industrie concerné par ces dispositions n’a pas été placé, le cas échéant, sous un régime de droit privé dans le cadre d’un transfert d’activité réalisé dans les conditions prévues à l’article L. 712-11-1 du code de commerce, son contrat demeure un contrat de droit public, de sorte que le juge administratif est seul compétent pour statuer sur le licenciement mettant fin à un tel contrat »,

Il en déduit en outre « que la légalité de ce licenciement est subordonnée au respect de l’exigence de reprise, dans le contrat de travail ou l’engagement proposé par le repreneur de l’activité, des éléments essentiels du contrat ou de l’engagement dont l’agent de droit public est titulaire. »

Or, en l’occurrence, pour justifier son refus de la proposition de contrat de travail faite par le repreneur de l’ICEP-CFA, Mme A… faisait valoir que cette offre méconnaissait l’exigence de reprise des éléments essentiels de son contrat résultant des dispositions de l’article L. 712-11-1 du code de commerce. « En s’estimant compétente pour apprécier si la teneur de la proposition de contrat de travail respectait cette exigence et en tirant des conséquences de cette appréciation sur la légalité de la décision de licenciement prise par la chambre de commerce et d’industrie régionale, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2024-02-02/472745