Un marché public n’a pas besoin d’être alloti lorsque la particularité de l’œuvre l’en empêche !

Le 2 octobre 2023, la régie P. A. a attribué un marché public à un Atelier pour la conception et la réalisation d’une statue de Jeanne d’Arc dans le cadre de l’aménagement de surface d’un parc de stationnement. Le 17 novembre 2023, le préfet des Alpes maritimes a demandé la communication des pièces du marché pour en examiner la légalité.

Dans ce contexte, le 25 janvier 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a introduit une requête en référé visant à suspendre l’exécution du marché invoquant  notamment que la régie n’a pas appliqué les dispositions de l’article R. 2172-7 et suivants du code de la commande publique en ce qui concerne l’obligation de décoration des constructions publiques notamment la constitution d’un comité artistique. De même, le préfet estime que le recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence est insuffisamment justifié et les négociations sur le prix avec l’unique candidat sont fictives. Enfin, il souligne que les prestations du marché n’ont pas été alloties en violation de l’article L. 2113-10 du code de la commande publique.

Par conséquent, sur le fondement de l’article L. 2131-6 du code de la commande publique, le préfet demande au juge des référés, la suspension de l’exécution du marché public.

Dans un premier temps, le juge rappelle les dispositions applicables en l’espèce, à savoir l’article L. 2131-6 du code de la commande publique :

« Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : «Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (…) Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Il est statué dans un délai d’un mois ».

Ainsi, le juge des référés a conclu que, dans l’état actuel de l’instruction, aucun des arguments avancés par le préfet ne semblait remettre sérieusement en question la légalité du contrat. Il a noté que les caractéristiques techniques et artistiques spécifiques de l’œuvre commandée justifiaient l’attribution du marché à un seul candidat, sans publicité ni mise en concurrence, conformément à l’article R. 2122-3 du code de la commande publique qui autorise cette procédure pour l’acquisition ou la création d’une œuvre d’art.

« Au regard de la nature de l’œuvre commandée, la régie « Parcs d’Azur » justifie, en l’état de la présente procédure, d’une part qu’elle ne pouvait être confiée qu’à un opérateur économique unique, l’atelier Missor, pour des raisons artistiques et techniques tenant à son caractère propre, et, d’autre part, que le marché a été régulièrement passé en suivant la procédure de l’article R.2122-3 du code de la commande publique qui permet de contracter sans publicité ni mise en concurrence pour l’acquisition ou la création d’une œuvre d’art. Il s’ensuit qu’en l’état de l’instruction, les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R.2172-7 du code de la commande publique, de l’absence de motivation suffisante du recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence et du caractère fictif de la négociation avec l’attributaire n’apparaissent pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du marché litigieux ».

De plus, le juge a rejeté les allégations du préfet concernant la prétendue négociation financière fictive.

Enfin, il a estimé que la critique selon laquelle les prestations du marché auraient dû être divisées en plusieurs lots, conformément à l’article L. 2113-10 du Code de la commande publique n’était pas non plus suffisamment sérieuse pour mettre en doute la légalité du contrat compte tenu de la particularité de l’œuvre :

« Par ailleurs, compte tenu de la particularité de l’œuvre commandée et du caractère indissociable de la statue et de son socle, le moyen tenant à la méconnaissance de l’obligation d’allotir n’est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la régularité́ du marché́ litigieux ».

Tribunal administratif de Nice, 23 février 2024, Parcs d’Azur, n°2400418