Recevabilité de référés précontractuel et contractuel et pourvoi en cassation

Une décision récente du Conseil d’Etat permet d’illustrer l’enchainement entre référé précontractuel, référé contractuel et pourvoi en cassation.

Dans cette affaire, l’Union des Groupements d’Achats Publics (ci-après UGAP) a initié une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la conclusion d’un accord-cadre à bons de commande, divisé en quatorze lots, dans le but de fournir divers équipements pour les sapeurs-pompiers et policiers municipaux.

La société V. a soumis une offre pour le lot n°8. Toutefois, par un courrier en date du 8 août 2023, elle a été informée que son offre n’était pas retenue. Elle a alors demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l’article L. 551-1 (référé précontractuel) ainsi que de l’article L. 551-13 du Code de justice administrative (référé contractuel), d’annuler la procédure de passation du lot n°8 et la décision rejetant son offre.

La société V. se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun par laquelle ce dernier a rejeté sa demande se fondant sur les articles L. 551-1 et L. 551-13 du Code de justice administrative.

Dans cette affaire, se pose la question de savoir si les recours introduits par la société V. sont recevables.

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle les dispositions de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative qui dispose que :

« Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours ».

Il précise que le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en prononçant un non-lieu à statuer sur la requête de la société V. plutôt que d’opposer son irrecevabilité.

Effectivement, la requête de la société V. a été introduite après la signature du contrat litigieux. Cette irrégularité conduit à ce que les conclusions formées sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative soient rejetées :

« 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au titre de la procédure de référé engagée sur le fondement de l’article L 551-1, en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il ressort des pièces du dossier que l’acte d’engagement a été signé par la société attributaire le 2 février 2023 et par l’UGAP le 14 août 2023. Le marché ayant ainsi été signé avant l’introduction de la requête de la société Volkl GmbH et Co KG le 18 août 2023, les conclusions fondées sur l’article L 551-1 sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées ».

Dans un second temps, le Conseil d’État se penche sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l’ordonnance attaquée en tant qu’elle a omis de statuer sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 551-13 du Code de justice administrative.

Après avoir rappelé les dispositions de cet article, le Conseil d’État indique que la société V. a saisi une nouvelle fois le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l’article L.551-13 du Code de justice administrative, d’une demande ayant le même objet que la première. Le juge des référés a statué sur ces conclusions par une nouvelle ordonnance.

Dès lors, le Conseil d’État conclut que le pourvoi de la société V. est devenu sans objet, car une décision a été rendue ultérieurement sur ces questions :

« 10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées devant le Conseil d’Etat par la société Volkl GmbH Co KG tendant à l’annulation de l’ordonnance du 23 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun en tant qu’elle a omis de statuer sur sa demande présentée sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative étant devenues sans objet, il n’y a plus lieu d’y statuer ».

En conséquence, le Conseil d’État annule l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun en ce qui concerne le non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Volkl fondées sur l’article L. 551-1 du Code de justice administrative. De plus, il décide qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions basées sur l’article L. 551-13, car elles sont devenues sans objet.

CE, 5 avril 2024, UGAP, req. n°489280

Article écrit avec la collaboration de Lou Préhu, juriste